Les passagers qui viennent de Ziguinchor ou qui y vont sont soumis à un contrôle très rigoureux sur la route. Tous ceux qui n’ont pas de Carte nationale d’identité sont descendus et sommés de retourner d’où ils viennent à partir de la frontière. Ces renvois, qui se font parfois à des heures indues, mettent les clients dans une situation inconfortable. Non seulement les chauffeurs ne leur restituent pas leur transport, mais ils peinent à trouver un véhicule pour rentrer chez eux. Ce qui fait qu’ils sont obligés de passer des fois la nuit à la belle étoile.Par Justin GOMIS –

Regard perdu dans le vide, Sokhna Diédhiou pense déjà aux tracasseries routières qui l’attendent pour son voyage à Ziguinchor. «Je pense au voyage. Il est cher et pénible. Pour les minicars, nous avons payé 15 mille francs. Avant l’approche de la fête (Tabaski), le ticket était à 6 mille F pour ce type de voiture. Aujourd’hui (hier), ils l’ont porté à 15 mille francs», se désole cette jeune fille, la vingtaine révolue, trouvée au nouveau Garage Casa­mance transféré au Stade Léopold Sédar Senghor.

C’est une situation nouvelle pour ces voyageurs, qui avaient l’embarras du choix : bateau, Sénégal Dem Dikk, avion… Ce n’est plus le cas à cause des problèmes techniques, des restrictions mises en place par l’Etat… «Depuis l’arrêt de la desserte maritime, les bus Dakar Dem Dikk, n’assurent plus le transport Dakar-Ziguinchor, le trafic aérien est suspendu aussi vers le Sud. Maintenant, tous ceux qui veulent aller à Ziguinchor n’ont pas d’autre choix que la route, où le contrôle est très rigoureux. Si le passager n’a pas de Carte nationale d’identité, il est descendu de la voiture et ne poursuit pas son voyage. Les enfants ne sont pas épargnés. On exige pour eux des extraits de naissance à défaut de pièces d’identité. Vous voyez ces enfants qui voyagent avec moi, nous avons cherché des extraits de naissance pour chacun d’eux. S’ils n’ont pas d’extrait, ils sont priés de retourner d’où ils viennent», dit-elle. Sans être en mesure d’expliquer exactement les raisons de cette nouvelle situation sur la route de la Casamance. Mais, elle connait un début d’explications : «Je crois que tout a commencé après les manifestations. On ne peut plus voyager avec sérénité.»

Au garage, rempli de sachets d’eau usés et de bus de transport où les vendeurs à la sauvette proposent leurs articles aux voyageurs, le rush est énorme. Avec l’approche de la Tabaski, l’on se bouscule pour essayer de trouver un moyen de transport afin de passer la fête à la maison. Cette situation est due à la crise politique qui prévaut dans le pays. Elle a des conséquences négatives sur le secteur du transport. «Ces temps-ci, quand nous quittons Ziguinchor, nous ne transportons pas de clients. Nous roulons sans client jusqu’ici. A cause de cette nouvelle situation, les véhicules peinent à trouver des clients. Pour combler ce gap, nous sommes obligés d’augmenter le prix du transport en le fixant à 15 000 francs», dit Mignane Abou­bakry Coly, conducteur de bus.

Restrictions sur l’axe Dakar-Ziguinchor : Un blocus 100 conséquences

D’après son apprenti, Modou Ba, les tracasseries routières leur font perdre beaucoup de temps. «Quand vous venez de Ziguinchor, il y a un contrôle strict. Arrivé à Keur Ayib, si le passager n’a pas de Carte nationale d’identité, la police le renvoie. Elle lui demande de descendre ses bagages et de rebrousser chemin. Ils font ce qu’ils veulent, car ceux qui n’ont pas de pièce d’identité sont priés de retourner. On fait descendre tous leurs bagages. Après, ils vont se débrouiller pour trouver un autre véhicule qui va transporter leurs bagages», explique l’apprenti. «En tout cas, cette décision des autorités ne facilite pas notre travail.
Imaginez, vous transportez un passager jusqu’à Sénoba, il n’a pas de carte d’identité, on lui demande de rentrer. Auparavant, on leur autorisait de trouver un laissez-passer. Ce qui n’est plus le cas. C’est valable pour les clients qui viennent de Dakar pour aller en Casamance», précise le chauffeur Mignane Aboubakry Coly. Il refuse de rembourser le transport à ces malheureux clients. Pourtant, à certaines heures, le passager éconduit a toutes les peines du monde pour trouver un autre véhicule et il est obligé de passer la nuit à la frontière. «Beaucoup de personnes ont décidé de surseoir au voyage à cause de ces tracasseries routières», indique en outre un chauffeur.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les transporteurs ne se sont pas fait prier pour augmenter les prix à cette approche de la Tabaski. «Ce sont des opportunistes. A chaque approche des fêtes, ils augmentent le billet. Nous payions le transport à 10 mille francs. Aujourd’hui, ils l’ont porté à 15 000, soit une augmentation 5000 francs», se désole Ibrahima Diakhaté en partance pour la Gambie pour passer la fête de la Tabaski.

Au regard des nombreux déplacements dont ils font souvent l’objet, les responsables du garage de Grand-Yoff ne cachent pas leur colère. «Nous sommes fatigués, nous n’avons plus de garage. Là où nous sommes présentement, nous savons que ce n’est pas notre place. Ces déplacements portent beaucoup de préjudice à notre travail», remarque Kéba Cissé, le chef du garage. Embouchant la même trompette, un coxeur, qui a requis l’anonymat, déverse sa colère sur les autorités. «Même les prostituées ont une place où elles travaillent. Mais, nous, on ne veut pas nous laisser travailler. Ce n’est pas normal», s’indigne-t-il.

Il faut savoir que le gouvernement avait admis que des restrictions sont notées dans la circulation vers la région de Ziguinchor depuis les émeutes du début du mois de juin pour des raisons de sécurité.

justin@lequotidien.sn