Les policiers n’ont pas fait le distinguo entre ceux qui disposent d’une dérogation et ceux qui ont violé le couvre-feu au moment de faire appliquer cette mesure. Certains membres du corps soignant ont été chicotés par des flics même si la hiérarchie a promis que cela ne se reproduira plus.

Les vidéos sont virales : les Forces de l’ordre ont utilisé la méthode forte pour faire respecter le couvre-feu instauré au Sénégal dans le cadre de la lutte contre le Covid-19. Les personnes qui se sont aventurées à braver l’interdit ont reçu la chicotte. La police, à travers les renseignements généraux, savait déjà que des jeunes s’étaient préparés à faire un jeu de yoyo avec les Forces de l’ordre. «Les jeunes se sont passé le mot pour marquer les esprits dès le début. On ne peut pas les embarquer au risque d’augmenter les contaminations», explique une source policière. Invité hier sur le plateau de la Tfm, le porte-parole de la police, le lieutenant Ndiassé Dioum, a été ferme : «Nous ne sommes pas là pour nous justifier. Les autorités ont pris des dispositions en conformité avec la loi et nous devons tous les respecter. 95% des Sénégalais ont respecté le couvre-feu.» Beaucoup d’autres personnes ont cependant été prises dans le piège de l’arrêt de la circulation des transports en commun. A en croire les témoignages de médecins sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, même le personnel soignant qui rentrait chez lui n’a pas été épargné par la brutalité policière. «Ils ont passé leur journée au bloc opératoire. Ils ont été surpris par l’absence de transports en commun quand ils sont sortis à 17h. Certains ont marché jusqu’au « garage Petersen» où ils disent avoir subi la violence des policiers. Pour finalement rebrousser chemin vers l’hôpital et y passer la nuit. Je parle du personnel soignant qui m’est proche mais c’est valable pour tous ceux qui continuent à travailler dans ces conditions extrêmes. Le Sénégal n’avait pas besoin de ça en plus», écrit Alain Khassim Ndoye de l’hôpital Aristide Le Dantec. Il n’est d’ailleurs pas le seul. D’autres professionnels de santé dont Boubacar Signaté de Sos médecin Sénégal ont témoigné sur Facebook. Ce dernier a signalé que «beaucoup de nos collègues soignants (médecins, étudiants en médecine appelés en renfort, infirmiers, brancardiers, sages-femmes et autres) ont été brutalisés cette nuit (hier)». Et d’ajouter : «Ce virus n’a pas encore livré tous ces secrets, ni dans son mode de fonctionnement, ni dans ses conséquences cliniques, ni dans la façon dont il est géré par les uns et les autres. Dites aux Forces de l’ordre et à ceux qui les encouragent, qu’ils sont en train de neutraliser l’armée qui s’apprête à aller en guerre contre le Covid-19, casser leur les bras et les jambes et vous n’aurez personne pour vous soigner, vous, vos familles et le reste de la population.» Et toujours dans son message, Dr Signaté n’a pas manqué de prodiguer des conseils à l’endroit de ses confrères. Il dit : «Aux soignants, exigez de vos services respectifs des cartes professionnelles, des laissez-passer provisoires, des badges et autres documents de travailleurs de la santé pour vous faire identifier. Ceux qui sont en voiture, gardez les vitres fermées, les portes verrouillées, identifiez-vous avant de sortir de votre véhicule, d’entamer une discussion ou de baisser vos vitres, ne transportez pas de passager qui ne soit pas un personnel de santé au-delà de 20 heures, gardez votre calme en toute circonstance. C’est une situation inédite, inhabituelle et difficile pour tout le monde, mais il ne faut pas oublier que nous avons un et un seul ennemi, le Covid-19, tout le monde doit rester serein.» Dans une discussion sur Facebook, cette source médicale rassure : «On a eu des garanties que ça ne se reproduira pas. La situation du pays est grave. N’allons pas plus loin.»