Le juge a pris sa décision, respectons-la ! C’est le seul moyen de vivre dans un pays organisé, qui fonde son désir de vie commune sur le minimum qui fait la Nation. Or celle-ci existe depuis longtemps, des décennies avant nos querelles d’aujourd’hui, traduisant déjà cette aspiration à l’unité qui nous rassemble. Cela s’est fait hier autour de figures historiques dont se détache forcément celle du Président Léopold Sédar Senghor et se poursuit autour d’un homme, le Président Macky Sall dont on voit qu’il est un héritier fondamental et, mieux, une incarnation inspirée de cette volonté de rassemblement, au-delà des chapelles.
C’est dire que nous avons, depuis longtemps, banni les frontières psychologiques qui ont ailleurs fait le lit des tragédies humaines dont notre époque sait aussi se nourrir, n’ayant apparemment tiré qu’une leçon partielle de la division. Continuons dans notre refus atavique de leur accorder quelque espoir d’espace que ce soit dans nos vies, notre discours, seul moyen de les laisser emporter par l’illusion de vie, d’existence politique de ceux qui en seraient les rentiers militants ! Dans ces conditions, nos regards rivés sur le calendrier républicain, en particulier les rendez-vous électoraux, ne doivent pas hypothéquer ces raisons de vivre. Plus que jamais, ils devraient nous rappeler les possibilités de surmonter nos querelles inévitables, de les garder dans les limites raisonnables du débat démocratique. Or celui-ci est malheureusement le grand absent de notre vie politique, dominée par la violence du propos, l’arrogance des anciens et des nouveaux «leaders» qui apparaissent depuis quelque temps comme la richesse spontanée dont la providence a doté notre pays. Vivement le scrutin pour dépoussiérer l’arène et, après avoir rendu la parole à son seul «maître» véritable, le Peuple, nous réveiller à la vanité de bien des prétentions !
Et pourtant. Quelle leçon d’humilité à apprendre de notre justice et de ses hommes que depuis toujours habite le devoir de rempart face aux injustes et aux menaces qui pèsent ou peuvent peser sur notre contrat social dont ils sont à la fois les dépositaires et les gardiens vigilants. Bien avant ses théoriciens occidentaux, et on l’oublie souvent, celui-ci a en effet été toujours pleinement vécu ici par ceux dont nous sommes les héritiers culturels et parfois politiques décomplexés, fidèles jusqu’à la caricature, tant qu’il s’agit, du moins, de chercher à rattacher nos actions à une tradition politique nationale fondatrice. Pourquoi alors subitement oublier que la vie est continuité, c’est-à-dire continuation, et que dans la palette des panoplies utiles qu’elle nous offre pour demeurer nous-mêmes figure en bonne place le respect de tout lien commun ? Or le lien fondamental, le centre de gravité, le recours, c’est la justice qu’ensemble et sans considération politique, nous devons non seulement respecter, mais protéger dans la souveraineté de ses décisions et sa place dans la société démocratique.
L’absurdité de nos comportements d’hommes politiques, je voulais dire de politiciens, refait d’ailleurs chaque fois surface dès que l’on s’aperçoit – et c’est souvent le cas – que ceux qui critiquent le plus les juges sont les plus prompts à demander leur arbitrage et parfois à réclamer leur secours, oubliant qu’entre deux «affaires», ils sont les mêmes au service des mêmes citoyens. Preuve, s’il en était besoin, de la crédibilité des magistrats, perçus comme les redresseurs naturels de tort et l’espoir de justice des hommes. Respectons-nous ou apprenons à nous respecter, comme je le souhaitais déjà, en 2011, alors que se posait avec acuité une question entre le pouvoir et l’opposition ! Aujourd’hui, celui-ci n’encourt aucun soupçon de dérive anticonstitutionnelle ou antirépublicaine et, là-dessus, ce serait injuste de lui tailler des habits qui sont loin d’être à sa mesure. C’est un fait que partout dans le monde les élections sont normées ; ce qui est d’ailleurs heureux.
Au-delà des prétentions, il faudra bien qu’un jour les hommes sérieux s’accordent sur l’urgence de redonner son sérieux à la candidature à la Présidentielle, car hier comme aujourd’hui, surtout aujourd’hui, celle-ci est le cadre d’un spectacle affligeant pour les honnêtes citoyens, où se donnent rendez-vous tous les affairistes de la politique. Des candidats à la candidature vite entrés dans le rang, sachant que pour mieux gérer leurs seules et véritables ambitions ministérielles, il leur faut brandir la menace des urnes ; et pour qui ça marche, faisant tristement école pour des adeptes futurs de raccourcis politiques ; d’autres, plus sérieux, qui vont jusqu’au bout de la désillusion, ce qui pour l’hygiène démocratique est une bonne chose ; ou encore qui rêvent de reconnaissance ou simplement de notoriété introuvable dans un Sénégal des appareils politiques (qu’ils n’ont évidemment pas) et des leaders d’opinion. Cela a contribué à élargir le spectre partisan et à renforcer les prétentions exagérées d’un nombre croissant de Sénégalais. La professionnalisation de la politique aidant, tout finalement s’y greffe pour nous conduire au règne de la parole, dans l’oubli souverain que c’est moins elle qui fait la gloire des Nations que l’action. Au détour d’une sobre, mais combien efficace adresse dont il a le secret, le Président Macky Sall, convoquant un sage bien connu, s’interrogeait sur cette dialectique du verbe et de l’acte, avant d’emprunter sa conclusion au même : la parole ne saurait prévaloir sur le concret c’est-à-dire l’action dans laquelle il a entrepris d’inscrire son passage à la tête de l’Etat.
Cette parenthèse était nécessaire pour partager une conviction : le Sénégal est moins un patrimoine qu’une œuvre collective, commune, à assumer. De nos mains assemblées, apportons notre part du chantier qu’en fait le Président Macky Sall ! Un chantier si ardent, si accueillant, si volontaire, si rassurant au regard notamment de sa maîtrise et de son «inclusivité». Inviter, en effet, le pays au rassemblement n’a rien d’inédit depuis l’aube des temps, le rassembler par l’oubli de soi est, en revanche, une nouveauté fondatrice : le partage du pouvoir est là pour le rappeler et la solidité de ses assises, largement nourrie par les gênes politiques du chef de l’Etat, le Président Macky Sall, qui a de tout temps exclu de régner en monarque présidentiel, nous garantit l’ancrage et la pérennité du modèle. Sachons donc donner à chacun ce qui lui revient : au président de la République d’avoir depuis son avènement travaillé à rassembler la nation, à la justice d’être restée l’arbitre de la stabilité nationale, aux journalistes d’être farouches de leur «statut» de vigie de la démocratie, aux enseignants, aux militaires, aux policiers d’être à leurs postes ! Accordons à chacun le respect et la considération qui lui sont dus en partant du principe que la responsabilité est avant tout une affaire… de responsabilités ! Lorsque l’instituteur, urbain comme de brousse, pièce maîtresse dans l’égalité et, plus loin, la méritocratie républicaine qui fonde notre Nation démocratique, aura compris qu’il n’est malgré tout qu’un maillon dans la chaîne ; que le journaliste, persuadé qu’il n’est en démocratie de pouvoir qu’élu, prendra note que son quatrième pouvoir ne procède que d’une construction de l’esprit ; que l’artiste, décidément du Peuple, veillera à l’intelligence de ses valeurs pour n’offenser personne ni aucune institution, surtout celle que ce Peuple a élue ; que le commerçant, convaincu que le développement est avant tout une affaire de production avant que d’être de distribution, accompagnera les efforts de l’Etat dans le sens d’une souveraineté alimentaire en amont et, en aval, d’une meilleure prise en charge des intérêts de lui-même, mais aussi du consommateur, alors et alors seulement nous aurons la garantie du vivre ensemble que nous revendiquons tous, en oubliant, hélas, qu’elle ne procède pas de la marche forcée, mais plutôt de notre attitude face à l’utilité commune. En un mot, travaillons à ce que chacun reste à sa place, ce serait le meilleur moyen d’assurer l’efficacité de la présence de tous ! Les juges, si malgré leurs responsabilités ne sont pas des Sénégalais au-dessus des autres, aucun Sénégalais ne devrait prétendre à plus de «sénégalité» qu’eux, surtout lorsqu’il ne se fonde, en réalité, que sur des positions partisanes. Leur statut les sous-protège malheureusement, faisant d’eux des cibles faciles. Nos juges, notre institution judiciaire, nos tribunaux ne méritent pas tant d’opprobre, venant de ceux qui ont sans doute encore tout à apprendre de la séparation des pouvoirs et, pour dire simple, de la démocratie.
Si notre justice est à ce point un problème, il faut que plus sérieusement, ils nous disent en quoi. Qu’ils aient le courage enfin de nous proposer une solution. L’anarchie par exemple ou plus simplement la justice privée dont on sait que de tous nos héritages politiques, elle est celui que personne n’assume et ne voudra assumer. Il en va ainsi du reste du monde où, comme chez nous, l’Etat constitué ne l’a été qu’en assurant d’abord ses bras séculiers, dans l’espoir que la sagesse innée de l’homme et son invincible passion pour la liberté allaient lui garantir la pérennité de l’action et des moyens d’agir. Au-delà des conjectures d’aujourd’hui, de l’aveuglement des passions, du repli partisan, de la menace identitaire, du décrochage culturel qui nous fait oublier le moule dont en tant que Peuple nous sommes le produit, il nous revient, surtout nous qui osons la prétention de parler au nom des autres, sans toujours nous soucier de leur mandat, le devoir impérieux de songer à leur respect avant de leur imposer notre voix. Le pays sera alors plus calme, on oubliera moins où est l’enjeu véritable, la fin de l’action, la vanité de nos tentatives de démolition de nos symboles sans lesquels il n’y a pas d’Etat, car à côté de la justice et bien souvent avant elle, c’est en effet le chef de l’Etat qui est visé, dans un mélange extraordinaire des genres où ne lui est reconnu que la «qualité» de leader partisan. Au mépris de l’essentiel, de sa situation de garant de nos institutions et de l’unité nationale, de gardien premier de notre paix collective, de la justice qui transcende nos contradictions et assure la sécurité de nos existences. Le génie parfois assoupi, mais toujours vigilant de nos compatriotes, saura comme toujours apporter la réponse aux questions quasi-existentielles que soulève une telle situation. Et le jour viendra où le Président Macky Sall, déjà blanchi par tout son comportement, le sera par le legs de l’histoire, par l’histoire tout court qui, si elle est souvent à court d’arguments, ne manque pas de ressources pour en traquer et trouver les auteurs. Avec d’autres, y compris ceux de ses opposants sincères d’aujourd’hui qui n’agissent que par leurs seules convictions et sont ainsi bien placés pour demain en admettre les limites, il saura se retrouver pour l’intérêt du pays. Loin des ultras, ces mercantis de la politique qui lui ont tout apporté sauf l’essentiel, la paix des cœurs et le dialogue des esprits qui font le progrès des Nations.

Diégane SENE – Secrétaire général de l’URD