C’est un sujet qui fait débat en France : la restitution aux pays africains de dizaines de milliers d’œuvres d’art conservées en France, des œuvres d’art pillées durant la colonisation. Ce débat découle du rapport de Felwine Sarr et Bénédicte Savoy qui préconise cette restitution. Le dernier à s‘être exprimé sur le sujet, c’est le nouveau ministre de la Culture, Franck Riester, qui plaide pour que la France fasse circuler ces œuvres sans pour autant en perdre la propriété. Comment cela se passe-t-il ailleurs ? Direction le Canada où la question de la légitimité ne fait pas vraiment débat, car la pratique existe déjà.

Au Canada, cela fait longtemps que des communautés autochtones essaient de récupérer des artefacts, des ossements, mais c’est surtout vers les années 70, fin des années 70, que le mouvement a vraiment pris de l’ampleur. Il y a eu les demandes bien sûr de communautés de premières Nations, mais aussi parce qu’un musée a décidé de faire ce pas en avant et pas n’importe quel musée, le Musée canadien de l’Histoire qui s’appelait à ce moment-là Musée canadien de la Civilisation.
En 1978, il a rendu à deux Peuples des objets confisqués lors d’un potlatch, c’était une cérémonie, une pratique qui a été interdite par le gouvernement canadien de 1884 à 1921, mais qui se maintenait tout de même et le gouvernement avait donc confisqué les objets. Des objets qui ont été restitués par ce musée qui est l’établissement muséal le plus visité du Canada et aussi le gardien de beaucoup d’œuvres d’art, d’objets et autres des premières Nations, car 75% de ses collections témoignent de la vie de ces premières Nations du Canada. On peut donc dire qu’il commençait à tracer le chemin, mais cela n’a pas été si facile. Le musée a été critiqué à l’époque et ces critiques disaient : «C’est un dangereux précédent, les musées risquent de se vider.» C’est peu ou prou ce qu’on entend dans le débat actuellement en France.

Le Musée canadien de l’Histoire ne s’est pas pour autant vidé
Le rapatriement d’une œuvre est un très long processus qui peut prendre des dizaines d’années et les communautés ne veulent pas forcément tout récupérer. Ce sont surtout les objets confisqués, les ossements ou tout ce qui a rapport au rite funéraire qui sont concernés. Ce n’est d’ailleurs pas une mince affaire pour démontrer la sacralité de certains objets. Il faut discuter avec les anciens, monter un rapport. Et puis, il y a encore la question, pour certains musées, de la conservation dans les communautés et il y a des exigences.
Les communautés autochtones ne veulent pas forcément les récupérer pour les laisser dans une vitrine, ils peuvent servir pour des cérémonies, des ateliers, pour réapprendre à fabriquer l’objet. Bref, ce sont des objets vivants. Enfin, les communautés apprécient aussi que des objets restent dans des musées et soient les ambassadeurs de leur culture. D’ailleurs, le Musée canadien de l’Histoire est le gardien d’objets qui désormais appartiennent à une communauté qui l’a réclamé c’est symbolique, mais c’est important.

Un projet de loi en cours
Certains musées ont déjà des politiques de rapatriement, certaines provinces ont déjà des lois sur le sujet et effectivement, au niveau fédéral, le Canada est en train de se pencher sur un projet de loi permettant ce rapatriement, cette restitution, que ce soit au Canada ou que cela concerne d’autres pays, comme les Etats-Unis qui possèdent des objets de communautés canadiennes.
Cela va permettre de faciliter le processus. Il y a d’ailleurs un exemple bien évident de l’efficacité d’une telle loi. A peine le projet de loi déposé, cela a pris moins de trois minutes pour le député, que cela a permis de faire réagir l’Australie. Une robe Micmaque, une communauté autochtone, est dans un musée australien. Depuis 30 ans, la communauté fait des démarches pour la récupérer, en vain. Et ces trois minutes devant le Parlement ont servi à ce que l’Australie contacte le député en question pour en discuter.
Au Canada, on est à un autre niveau sur la question de la restitution des œuvres, même si elle reste délicate pour certains, mais elle ne fait cependant pas débat comme en France.
rfi.fr