Le Sénégal fait partie des pays dans le monde qui use de la législation pour restreindre le droit de manifestation. C’est ce que constate Amnesty international qui tire la sonnette d’alarme. La campagne «Protégeons les manifs» a été lancée le 19 juillet. Elle vise entre autres à dénoncer les attaques contre les manifestations pacifiques, défendre les personnes visées et soutenir les causes portées par les mouvements sociaux en faveur de changements dans le domaine des droits humains.Par Malick GAYE –
Le Sénégal met «en œuvre un éventail de plus en plus large de mesures visant à réprimer la dissidence organisée». Le constat est d’Amnesty international ! Dans un communiqué, l’organisation met le Sénégal parmi les pays comme la Russie le Sri Lanka, la France, l’Iran et le Nicaragua, où «le droit de manifester est actuellement la cible d’une menace croissante et sans précédent». «Aux quatre coins du monde, des manifestant·e·s se heurtent à plusieurs obstacles : refoulements, associés à un nombre grandissant de lois et d’autres mesures restreignant le droit de manifester ; recours abusif à la force, développement d’une surveillance massive et ciblée ; coupure de l’accès à Internet et censure en ligne ; violences et stigmatisation. En outre, les groupes marginalisés et discriminés rencontrent encore plus de difficultés», précise le document. Fort de ce constat, Amnesty international a lancé le 19 juillet, la campagne «Protégeons les manifs». Elle vise à dénoncer les attaques contre les manifestations pacifiques, défendre les personnes visées et soutenir les causes portées par les mouvements sociaux en faveur de changements dans le domaine des droits humains. «Ces dernières années, nous observons des mobilisations parmi les plus fortes. Black Lives Matter, MeToo et les mouvements en rapport avec le changement climatique ont incité des millions de personnes dans le monde à descendre dans la rue et à mener des actions en ligne pour réclamer la justice sociale et climatique, l’équité et des moyens d’existence, ainsi que la fin des violences liées au genre et de la discrimination. Ailleurs, des milliers de personnes se sont érigées contre les violences et homicides imputables à la police, la répression orchestrée par l’Etat et l’oppression», a déclaré Agnès Callamard, Secrétaire générale d’Amnesty International. A cet effet, «les autorités, presque sans exception, ont réagi à cette vague de protestations de grande ampleur de manière obstructionniste, répressive et souvent violente. Au lieu de faciliter l’exercice du droit de manifester, les Etats vont encore plus loin pour l’anéantir. C’est pourquoi Amnesty international, plus grande organisation mondiale de défense des droits humains, a choisi ce moment pour lancer sa campagne. Il est temps de nous mobiliser et de rappeler haut et fort aux dirigeant·e·s, notre droit inaliénable de manifester, d’exprimer des revendications et de réclamer un changement, librement, collectivement et publiquement».
Accusation de terrorisme
A la série de manifestations, renseigne le document, les Etats ont revu leurs cadres juridiques pour les restreindre. «Au Sénégal, les manifestations politiques dans le centre de Dakar sont interdites depuis 2011, ce qui empêche les rassemblements à proximité des bâtiments officiels», a donné en exemple Amenesty international sur la façon de restreindre le droit à la manifestation. Selon toujours Amnesty international, dans le monde entier, des Etats justifient les restrictions en avançant que les manifestations représentent un risque pour l’ordre public et en stigmatisant les manifestants, qu’ils qualifient de «fauteurs de troubles», d’«émeutiers», voire de «terroristes». En les décrivant ainsi, les autorités légitiment leur politique de tolérance zéro, qui consiste à adopter et utiliser abusivement des lois floues et draconiennes en matière de sécurité, à déployer des agents lourdement armés pour maintenir l’ordre et à prendre des mesures dissuasives à titre préventif, a analysé l’organisation qui se bat pour le respect des droits de l’Homme. Ce qui pousse certains Etats à «recourir depuis longtemps, à des moyens agressifs pour maintenir l’ordre lors des manifestations. Cependant, depuis quelques années, les organes de sécurité utilisent une force accrue». «Notre campagne va se déployer à un moment crucial. Le droit de manifester, si précieux, est rogné à une vitesse terrifiante et nous devons faire tout ce que nous pouvons pour résister», a déclaré Agnès Callamard avant d’ajouter ceci : «D’innombrables manifestant·e·s ont été tués ces dernières années et c’est en partie en leur nom que nous devons maintenant faire entendre notre propre voix et défendre notre droit de parler franchement aux dirigeant·e·s en manifestant dans les rues et en ligne.»
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