Dévasté par la disparition brusque jeudi de Joseph Koto, son pote de toujours, Cheikh Seck est inconsolable. Les deux hommes qui s’apprécient avaient accordé en exclusivité un entretien croisé au journal Le Quotidien, en mai 2020, au sujet de leur rivalité lors des derbies Ja-Jaraaf. Morceaux choisis.LES DERBIES JA-JARAAFJoseph Koto

 : «Ce sont de grands moments parce que Ja et Jaraaf, c’étaient les deux grandes équipes du Sénégal. Chacune des équipes avait 7 à 8 joueurs expérimentés qui pouvaient changer le sort d’un match. A l’époque, il fallait aller tôt au stade, si on voulait avoir une place et regarder le match. Personne ne voulait perdre le match ; autant les joueurs que les dirigeants ou encore les supporters. Cheikh me connaissait très bien. Quand j’étais devant la surface de réparation, aucun gardien de but n’osait tenter une relance du pied. Parce j’y mettais de la rapidité et de la ruse. Je l’ai fait contre une équipe de la Sierra Leone avec la Jeanne d’Arc à Demba Diop, en Coupe d’Afrique des clubs. J’avais observé pendant une mi-temps le gardien et j’avais remarqué qu’il lance la balle à une distance de deux mètres avant de dégager. Sur une action, j’ai fait semblant d’avoir mal et je me suis relevé péniblement, tout en l’observant. Et dès qu’il a lancé la balle, je l’ai récupérée pour la mettre au fond. On a gagné par un but à zéro. Même lorsque la balle est entre les mains du gardien, il m’arrivait de la chiper parce que ce n’était pas interdit. J’en ai beaucoup marqué des buts de ce genre. Mais avec Cheikh, cela ne s’est jamais passé parce qu’il me connaissait tellement. A chaque fois que j’étais dans la surface, il faisait très attention. Mais faut dire que c’était un excellent gardien de but, toujours très déterminé et qui anticipait sur tout.»

Cheikh Seck : «Avec Koto on était comme des jumeaux dans la vie. Par contre sur le terrain, c’est quelqu’un qui me taquinait beaucoup lors des derbies Ja-Jaraaf. Ce qui fait que malgré notre amitié, cela n’empêchait pas qu’on se chamaille pendant les matchs. Les derbys Ja-Jaraaf étaient tellement chauds que les dirigeants avaient décidé qu’on fasse nos mises en train à Keur Jaraaf. C’était une manière d’éviter les empoignades pendant l’échauffement. Il arrivait que les joueurs de la Jeanne d’Arc nous trouvent sur notre espace d’échauffement pour nous provoquer (rire). Et un jour, ça a failli dégénérer. Les Ja-Jaraaf, c’étaient donc des matchs particulièrement passionnants. C’étaient les clubs les plus populaires de l’époque et il y avait des talents des deux côtés. Chacun voulait gagner, ce qui faisait que les matchs étaient très pimentés. Au-delà des matchs, on était souvent ensemble, avant et après les derbies. Joseph Koto et Roger Mendy étaient vraiment mes amis.»

LES ANECDOTES
Joseph Koto : «Je me souviens d’un match à Demba Diop. J’étais capitaine et Cheikh aussi côté Jaraaf. On était très bien habillés ce jour-là. Avant le match, on devait se mettre par groupe de 4 dans chaque coin du terrain pour des considérations mystiques (rire). Et Cheikh est venu me trouver avec mon groupe et m’a poussé pour m’intimider. On s’est accrochés un peu. En guise de réplique, pendant le match, j’ai décidé de lui jouer un tour. Sur un corner, j’ai ramassé de la chaux sur le point de pénalty. Avant que Baba Touré ne s’élance pour tirer le corner, j’ai appelé Cheikh et j’ai attendu qu’il me regarde pour lui asperger la poudre blanche en pleine figure (éclat de rire). Dès que la balle est arrivée, j’ai sauté pour mettre un coup de tête et marquer. On a gagné un but à zéro. Mais ça a chauffé après ce match. En effet, le lendemain du match, on se retrouvait souvent à la Sicap chez un dirigeant du Jaraaf avec les Boy Bandit et autres. Les gens m’ont dit que Cheikh me cherchait et qu’il allait me faire ma fête. J’ai rigolé parce que je connaissais Cheikh. D’abord, je suis son aîné et qu’il comprenait que c’était juste un match. Et le jour suivant, on devait retourner en regroupement de l’Equipe nationale au Cneps de Thiès. Quand je suis arrivé, j’ai trouvé les Boy Bandit, Mbaye Fall et autres devant la porte. J’ai déposé mon sac et je leur demandé d’appeler Cheikh ou Ablaye Ba pour qu’ils viennent prendre mon sac pour me l’emmener dans ma chambre. Les gars se sont marrés. Après, on s’est vus, on s’est expliqués et tout est rentré dans l’ordre (rire).»
Cheikh Seck : «(Rire) C’est vrai qu’il y a eu cette histoire de la chaux. Mais ce jour-là, on m’avait prévenu. Je suis resté calme, alors que les gens pensaient que j’allais m’en prendre à lui. Ça m’a plus fait rire qu’autre chose. A propos toujours d’anecdotes, il y a eu un match Ja-Jaraaf dans les vestiaires et j’ai failli lui casser une bouteille sur la tête. Ils étaient venus avec une bouteille remplie d’urine et ils me l’ont aspergée. Alors, j’ai récupéré la bouteille, je l’ai cassée et ce jour-là, j’ai failli commettre l’irréparable dans le vestiaire qui était trop petit. Je me suis retenu en dernier lieu. Je crois que c’est Roger Mendy qui s’est mis entre nous et qui a engueulé Koto. Aujourd’hui, on éprouve toujours du plaisir à se revoir et à revenir sur ces souvenirs inoubliables.»

LES ELOGES
Joseph Koto : «Cheikh, c’est d’abord son intelligence. Un gardien de but qui n’est pas intelligent ne fait pas la même carrière que celle de Cheikh. Et puis, c’est quelqu’un qui travaillait énormément. Il a vraiment marqué son temps.»

Cheikh Seck : «Vous savez, Koto est de nature bruyant, véloce et qui n’a peur de rien. Il nous emmerdait tous les jours (rire). Avec Abdoulaye Ba, c’étaient des duels épiques. Il manœuvrait beaucoup et créait tout le temps des situations dangereuses. Pendant les derbies Ja-Jaraaf, c’était notre principal adversaire. Il y avait, dans un degré moindre, Baba Touré qui savait exploiter à merveille les balles arrêtées. Mais, c’est Koto qui nous donnait le plus de fil à retordre de par sa technique, sa petite taille, son engagement, sa vitesse.»