Revendications – Commémoration de l’an 20 du naufrage du Joola : Les familles des victimes toujours en colère
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S’il est prévu dans 5 jours, la commémoration de l’an 20 du naufrage du Joola, qui avait fait 1863 morts, suscite encore beaucoup de polémiques. Les familles des victimes de cette tragédie réclament toujours le renflouement de l’épave du bateau, la construction d’un musée. En outre, elles demandent à ce que le 26 septembre soit décrétée Journée nationale du souvenir.
Par Justin GOMIS –
20 ans après le naufrage du Joola, le passé n’a pas réussi à atténuer la douleur. 20 ans après la plus grande catastrophe maritime du monde, les familles des victimes n’arrivent toujours pas à faire leur deuil. Elles ont encore le cœur gros. «Ce fut 20 ans de recueillement et de souffrance», indiquent les membres du Comité d’initiative pour l’érection du Mémorial-Musée Le Joola, qui tenait hier un point de presse en prélude à la commémoration de l’anniversaire du naufrage du bateau Le Joola, le 26 septembre prochain. Cette peine est exacerbée par la non-satisfaction des cinq points du mémorandum déposé depuis 2007 sur la table du gouvernement : il s’agit de la prise en charge convenable des orphelins et des rescapés, la construction du Musée Le Joola sur la Corniche-ouest de Dakar, le renflouement du bateau, la Justice pour les victimes. Sans oublier de décréter le 26 septembre, Journée nationale du souvenir. «Les autorités ont manifesté peu de volonté politique l’année dernière sur la prise en charge des doléances des familles des victimes», dénoncent les membres du Comité d’initiative.
Pour l’instant, le renflouement du bateau, la Justice aux victimes et l’instauration de la Journée du souvenir sont restés au point mort. «Il n’est pas possible de penser que les familles puissent accepter, l’esprit apaisé, de laisser leurs proches coincés dans l’épave du bateau sous prétexte que le renflouer créerait de nouveaux traumatismes. Aussi, on ne peut pas lier cette question du renflouement à une question technique et financière si l’on connait le caractère sacré de la vie humaine», regrettent-ils.
Pour eux, l’Etat ne veut pas renflouer le bateau de peur que la vérité soit connue. Ils rappellent que les résultats de la commission ont établi les fautes graves et identifié les responsables de la tragédie. «Mais jusque-là, il n’y a pas eu Justice. Nous pensons que c’est une volonté politique de l’Etat. Ils réclament la Justice. C’est inadmissible dans un Etat de Droit que près de 2000 personnes perdent la vie et qu’il n’y ait aucune suite sur le plan judiciaire», regrette le comité. Quid de la prise en charge des orphelins ? «Au lendemain du naufrage, près de 1900 orphelins mineurs avaient été recensés, et le gouvernement avait pris l’engagement solennel de les prendre en charge. Cet engagement ne commencera à voir le jour que 10 ans après, c’est-à-dire en 2012 avec seulement 696 pris en charge par l’Office national des pupilles de la Nation. Les autres orphelins ont entre-temps atteint l’âge de la majorité fixé à 18 ans, sans compter les différentes omissions», enchaîne le comité.
Pour les responsables, l’Etat a joué la montre pour éliminer la plupart des orphelins. «Et si la création de l’Office national des pupilles de la Nation est salutaire, il n’a pas pris en charge convenablement les orphelins du Joola. Car certains n’ont bénéficié d’allocations de prise en charge que durant un ou deux mois. Et ce n’est que le 17 février 2021 que l’Etat a pris la décision de prendre en charge financièrement les orphelins non déclarés pupilles. Une minorité a été prise en compte, mais un montant arbitraire a été juste alloué sans prendre en compte de la durée de la prise en charge», regrette le comité.
Pour le Musée Le Joola dont la construction est prévue à Ziguinchor, c’est toujours le statu quo. «Nous ne savons pas grand-chose sur ce mémorial, car le contenu mémorial n’a jamais été défini par le gouvernement, malgré les propositions du comité d’en faire un édifice polyvalent comprenant un musée de souvenir et un centre de recherche sur la sécurité humaine, la prévention des risques et des catastrophes», rappelle le comité. Alassane Thiam, un orphelin, appuie : «Nous avons juste besoin d’un mémorial souvenir dans lequel il y aura ne serait-ce que quelque chose du bateau pour décorer le Musée. L’essentiel, c’est d’avoir quelque chose qui appartienne au bateau.»
Aujourd’hui, le comité demande aux députés de la nouvelle législature de trouver le moyen de faire du 26 septembre, une Journée nationale du souvenir. «Nous ne parlons pas de journée fériée, mais de Journée nationale du souvenir pour que dans le calendrier national, tout le monde puisse se rappeler le 26 septembre», pose Samsidine Aïdara, membre du Comité d’initiative pour l’érection du Musée Le Joola. «C’est un point qu’on revendique depuis 20 ans, qui ne demande pas d’argent, qui n’a aucune conséquence économique, aucune difficulté concrète. Il suffit juste de voter une loi pour l’inscrire dans le calendrier», croit-il.