En quoi la déclaration publique d’abandon de l’excision est-elle importante ?

La déclaration d’abandon publique de l’excision est le dernier acte d’un processus. Il s’agit du programme communautaire de renforcement des capacités avec Tostan d’une durée de 3 ans. Il est basé sur l’approche droits humains et fait bénéficier aux femmes une éducation pour une compréhension claire de leurs droits et devoirs. En effet, lorsqu’on leur donne la capacité à entreprendre, elles ont le courage de se dresser et de dire non à toute pratique qui a un effet néfaste sur leur santé et celle de leurs enfants. C’est pour cela que cette déclaration est importante.
20 ans après la première en 1997 à Malicounda dans le département de Mbour, les communautés continuent à faire des déclarations publiques. Et pourtant, on constate toujours des poches de résistance. Que vont faire l’Unfpa et ses partenaires afin que cette énième déclaration et celles qui vont suivre ne soient pas que vaines proclamations ?
Je pense qu’il faut aller aux causes, au niveau de l’ancrage religieux, culturel, des stigmatisations des victimes. L’information, la sensibilisation, la formation sont des éléments importants. Si les acteurs sont informés des dangers et méfaits de l’excision ou des mariages des enfants, ils comprendront mieux. Ils le seront si au niveau des communautés les acteurs sont informés, sensibilisés sur ce qui se passe dans leur zone et surtout que ce n’est pas l’islam qui autorise l’excision pour purifier la fille.

Il y a à côté de l’excision des mariages précoces qui continuent d’être pratiqués dans certaines zones. Pensez-vous qu’un jour il y aura des stratégies pour y mettre fin ?
C’est vrai qu’il existe aussi une loi, mais aujourd’hui en ce qui concerne le mariage des enfants, l’harmonisation est nécessaire. Il s’agit d’un relèvement de l’âge légal du mariage chez la jeune fille à 18 ans comme pour le garçon. Comme ça il n’y a pas de quiproquo. Deuxièmement, utiliser la même méthodologie utilisée pour l’excision, à savoir faciliter la diffusion dans les langues locales de cette loi harmonisée et puis sensibiliser, renforcer les capacités pour que les gens comprennent que c’est une violation des droits humains que de marier des enfants. Quand on les marie, les conséquences sont néfastes sur leur santé. Ensuite, sensibiliser les services médicaux sur la prise en charge d’une fille mariée et qui se retrouve avec des complications à l’accouchement. C’est le même mouvement qu’il faudrait parce qu’on a réussi à diminuer l’excision des filles, il est possible d’utiliser la même approche en impliquant tous les acteurs qui gravitent autour de cette question de mariage des enfants. Les médias aussi ont leur rôle à jouer. Les religieux doivent très rapidement prendre les choses en main ainsi que les jeunes qui sont les victimes de cette situation. On a un réseau de jeunes qui sont acteurs de changement pour l’excision. Ces mêmes jeunes doivent être des acteurs de changement pour le mariage précoce. On a les groupements féminins, des associations des femmes juristes et beaucoup d’autres qui doivent être mis à profit pour contribuer au changement d’attitude et à l’abandon de mariage des enfants.

Est-ce que les déclarations d’abandon ont un effet sur les statistiques relatives à l’excision ?
Les déclarations d’abandon sont un des principaux indicateurs retenus par le Sénégal pour mesurer le phénomène de l’excision. Elles ont eu un impact notoire sur la perception de la communauté à l’endroit d’une fille non excisée selon les résultats de l’étude d’impact sur les déclarations d’abandon de l’excision de 2016. La tendance générale est vers l’abandon progressif de l’excision même si des poches de résistance subsistent encore. A Kolda, près d’une femme sur trois enquêtée note un changement des pratiques culturelles, l’évolution des mentalités et la libération de la parole. L’excision n’est plus un sujet tabou. Elle est devenue une question publique. Ces informations confortent les données de l’Eds-Continue 2016 selon lesquelles 80% des jeunes femmes et des jeunes hommes âgés entre 15 et 49 ans pensent que cette pratique doit être abandonnée. Il y a eu un impact en ce sens où on voit un changement d’attitude. Dans le temps, l’excision était un mot tabou, aujourd’hui on en parle publiquement. Dans le temps aussi, la fille non excisée devait se cacher, elle était stigmatisée, ce n’est plus le cas.

L’espoir est-il permis ?
Le taux de la pratique pour les filles de moins de 15 ans est passé de 18% en 2013 à 13,6% en 2016. Donc l’espoir est permis. A l’horizon 2030, on a les Odd qu’il faudrait essayer d’atteindre et je pense que rien n’empêche le Sénégal d’être parmi les pays à avoir abandonné l’excision. Vu la volonté politique, les changements que nous observons au niveau des communautés, je pense que l’espoir est permis.

Avez-vous le même espoir par rapport à l’abandon du mariage des enfants ?
Si on tire les leçons de ce qui s’est passé avec ce mouvement d’abandon de l’excision, je dirais qu’il faut éviter les quiproquos et harmoniser les lois, la diffuser pour la faire comprendre par tous. On peut utiliser la même méthodologie qui a été utilisée pour l’excision. L’espoir est permis.
Les causes ne sont pas les mêmes. L’excision est une pratique culturelle alors que le mariage des enfants s’explique parfois par des situations de pauvreté qui poussent les parents à marier tôt leurs enfants…
Il faut que les médias sensibilisent sur les complications qu’aura une jeune fille au moment de l’accouchement. Il faut mettre en avant les méfaits de cette situation. Et là, chaque parent sera conscient de ce que pourrait subir sa fille d’autant plus que cela se passe en milieu rural où les soins obstétricaux d’urgence ne sont pas là au moment de l’accouchement. Et donc les possibilités que les filles aient la fistule sont vraiment très grandes. Mais également, vous lui volez cette possibilité d’étudier.