Les manifestations qui ont suivi la condamnation du leader du parti Pastef, Ousmane Sonko, pour corruption de la jeunesse dans l’affaire Sweet Beauté l’opposant à Adji Sarr, ont, comme tout exorcisme fou dans ce pays, fait leur lot de dégâts sur notre tissu économique. Après la furie, les langues commencent à se délier pour ce qui a trait aux pertes financières, au choc sur différents secteurs de l’économie nationale, à l’effet néfaste sur l’attractivité du Sénégal comme destination d’investissements et sur la préservation d’emplois dans des marchés très précaires. Les responsables des principales structures patronales montent l’un après l’autre au créneau pour s’insurger contre des actes défiant toute logique, avec sciemment le dessein de mettre à genoux une économie.
Le secteur bancaire sénégalais a payé un lourd tribut des excroissances des errements sexuels des acteurs de l’affaire Sweet Beauté. Trente-et-une agences ont été vandalisées et saccagées, impactant toutes les opérations bancaires en période de fin du mois, avec un contexte de fête de Tabaski s’annonçant. Des guichets automatiques ont été caillassés, des succursales de banques mises à sac, obligeant dans les journées qui ont suivi les deux jours de manifestations, une course folle dans la ville pour se sécuriser en argent cash ou faire le pied de grue dans les sièges sociaux des banques, après de longues heures, pour récupérer de quoi solder une fin de mois. Peut-on comprendre le fait qu’un groupe comme la Société générale voit cinq agences de son réseau vandalisées et que l’on compte quatorze groupes bancaires touchés par la furie de manifestants, vandales et autres agitateurs infiltrés ? Un pays comme le Sénégal, qui veut consolider sa dynamique d’ouverture au monde, en cherchant à attirer des investissements de partout, peut-il se permettre de remettre à neuf 31 agences bancaires dont le coût de chacune d’elles avoisinerait les 150 millions de francs Cfa selon Bocar Sy, président de l’Association professionnelle des banques et établissements financiers du Sénégal (Apbefs) ? Nos irresponsables politiciens professionnels et une couarde Société civile pensent-ils qu’une lutte démocratique ou une justice sociale se gagneraient en mettant en cendre tout l’existant, quelle que puisse être sa vitalité !

A côté des files dans les guichets de banques, aucun Dakarois n’a pu être indifférent à la vue de queues de voitures devant des stations-services de la ville. Le carburant a pu se faire rare pour les automobilistes au moment où une centaine de stations-services étaient brûlées ou mises à sac dans l’ensemble du pays. C’est pourtant en mars 2021 qu’une vingtaine de stations-services étaient pillées et brûlées avec des dégâts que les distributeurs d’hydrocarbures chiffraient à 3, 5 milliards de francs Cfa. Rien de sérieux n’aura été fait, à l’exception d’une présence dissuasive des Forces de l’ordre, auprès de ces points de services depuis 2021. Les pyromanes ont goûté à la force du chaos, leurs ailes n’auront pas été brisées à temps. Rebelote en juin 2023. Notre économie pourra-t-elle continuer de supporter la casse des points de services de façon récurrente, à l’image d’un sacrifice qu’on sortirait pour conjurer un quelconque sort dictatorial, appeler à un vœu démocratique ou guérir d’une «injustice» ?
Le commerce de détail n’aura pas été en reste. La meute de barbares qui s’est greffée aux manifestants s’est plu à casser des supermarchés, rançonner des échoppes ou encore attaquer des points de service monétique. Qu’il s’agisse d’Auchan Sénégal ou d’Orange Money, la plupart des agents qui opéraient sur les lieux attaqués ou saccagés ont été mis en chômage technique. Rien n’est sûr quant à la préservation de leurs emplois. C’est cynique de dire qu’on voudrait des emplois décents pour tout le monde, en détruisant tout ce qui est mis en place pour en pourvoir. Les promoteurs des supermarchés Supeco estiment pour l’heure des pertes dans deux magasins en banlieue dakaroise à un peu plus d’un milliard de nos francs. Le risque de voir cette enseigne fermer boutique est réel, comme d’autres belles initiatives entrepreneuriales comme Vdn Tech dont les abribus et panneaux ont fini d’encaisser tous les abus des manifestants, des projets de fils du Sénégal seront encore coulés par les fils de cette même terre, dans une haine aveugle et un torrent d’irresponsabilité malicieuse.

L’Institut français des relations internationales (Ifri) vient de publier cette semaine une intéressante étude sur les thématiques, acteurs et fonctions du discours anti-français en Afrique francophone, aidant à déconstruire grandement tout l’agenda vicié dans le discours dégagiste qui fait son lit dans notre pays, après avoir conquis notre sous-région à vitesse exponentielle. La diffusion de ce discours dans une dynamique plus populaire par la force des réseaux sociaux et d’agents étrangers fait froid dans le dos, d’autant plus que tous les germes du «chaos libérateur» contre un oppresseur étranger ne brûlent en premier et dernier ressort que les pays que les plaisantins de société juste et autres fanfarons d’une démocratie à l’africaine émancipée cherchent à vouloir libérer. Si le discours de haine d’un «France Dégage» et la stigmatisation d’intérêts étrangers qui étoufferaient notre pays étaient combattus dès leurs prémices, il n’y aurait pas autant de feux pour brûler nos économies et mettre à genoux nos pays.

Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn