«L’homme d’Etat doit toujours agir avec une connaissance insuffisante des faits, dans la mesure où s’il attend que tous les faits soient connus, il sera trop tard pour les modifier. L’art de l’homme d’Etat est l’art de trouver le bon moment pour agir», dit Kissinger dans sa thèse consacrée à Metternich. En acceptant l’idée de négocier avec Poutine un statut de pays neutre pour l’Ukraine, le Président Zelenski a une posture d’homme d’Etat, parce qu’ayant compris que c’est le moment d’agir. C’est le moment d’agir parce que les Ukrainiens, même s’ils ont gagné la bataille de l’opinion, n’ont pas les moyens de la gagner sur le plan militaire. C’est le moment d’agir parce que Poutine, qui est dans la situation de De Gaulle en Algérie ou de Nixon face aux Vietnamiens, cherche une porte de sortie honorable, c’est-à-dire une «paix sans défaite» ou une «paix des braves» comme avait dit de Gaulle.
Ainsi l’avenir de l’Ukraine serait le présent de la Finlande, une ancienne possession de l’empire russe devenue aujourd’hui un pays neutre depuis 1955, et dont la capitale Helsinki a été souvent un lieu de rencontre et de négociations entre les deux protagonistes de la Guerre froide et du monde bipolaire, à savoir les Etats Unis et l’Urss. La stratégie de Poutine n’a pas fonctionné car la force militaire, qui devait être son principal atout pour obliger les Ukrainiens à capituler, n’a pas été suffisante. Le redéploiement de l’Armée russe à l’Est en est la preuve car Poutine veut se donner un avantage militaire pour négocier le futur statut de l’Ukraine, vu que l’option de l’annexion ou de la vassalisation avec un pouvoir fantoche a échoué.
Cette guerre est un désastre pour la Russie car elle perd ce qu’elle avait de plus précieux : une réputation dissuasive forgée par la leçon infligée à la Géorgie et son intervention décisive pour sauver Assad en Syrie. C’est cette réputation dissuasive qui a fait qu’aucun pays, à commencer par l’Ukraine, n’a osé bouger quand elle a annexé la Crimée. Cette réputation dissuasive était une autre arme nucléaire pour la Russie. En s’embourbant en Ukraine, la Russie montre aux yeux du monde qu’elle est en fait un «tigre de papier» et que, sans l’arme nucléaire, elle est une puissance moyenne sur le plan économique et militaire. Sur un coup de poker politique, Poutine vient de détruire ce qu’il a mis vingt ans à bâtir : redonner aux Russes le sentiment de grandeur après les années de désordre et de doute consécutives à la dislocation de l’Urss.
La «paix des braves» est proche parce que comme le Fln algérien, l’Ukraine ne peut gagner militairement et la Russie, comme la France, a déjà perdu politiquement la guerre. Zelenski va probablement accepter un statut de neutralité en contrepartie de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, parce qu’il aura aussi compris les limites du soutien et de l’engagement occidental et que Poutine veut une porte de sortie avec une «paix sans défaite». C’est pourquoi les négociations qui se mènent en Turquie ont toutes les chances d’aboutir. En plus, quel meilleur endroit pour les Russes et les Ukrainiens pour faire la paix que Constantinople (Istanbul), phare de christianisme orthodoxe, qui est le seul lien qui unit encore Kiev et Moscou à part les relations historiques qui lient ces deux pays à l’empire ottoman, car l’Ukraine qui a aussi été ottomane, a donné à l’empire Roxelane, l’esclave qui a avait rendu fou d’amour Soliman le Magnifique, qui en fit une sultane et fit étrangler le prince héritier Moustapha, pour les beaux yeux de Roxelane qui voulait que son fils accède au trône.
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