La protection des civils et la sécurité humaine doivent être «au cœur» de la réponse aux défis auxquels le Sahel se trouve confronté, dans le cadre d’une stratégie globale visant à s’attaquer aux causes profondes et structurelles des crises dans cette région, estime l’expert sénégalais en matière de défense des droits de l’Homme, Alioune Tine.
«Les recommandations que nous faisons en attendant la publication de notre rapport en mars, repose sur quatre piliers, notamment la mise en œuvre d’une stratégie globale qui s’attaque aux causes profondes et structurelles des crises» au Sahel, a-t-il indiqué.
M. Tine, fondateur du think tank AfricaJom center et ancien directeur d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, analysait pour l’Aps les enjeux du sommet du G5 Sahel qui a pris fin ce mardi à N’Djaména, au Tchad.
Le G5 Sahel ou «G5S» est un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale en matière de politiques de développement et de sécurité, créé en février 2014 par cinq Etats du Sahel : Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad.
Le sommet de N’Djaména était appelé à faire le point sur la lutte antijihadiste dans cette région où l’engagement français suscite des interrogations croissantes compte tenu de son coût humain et financier.
Dans ce contexte, la France voudrait voir ses alliés assumer le relais militaire, mais aussi politique, pour réduire un engagement vieux de huit ans, selon des analystes. Ce qui passerait par une montée en puissance des acteurs locaux.
«Il faut que la protection des civils et la sécurité humaine soit placées au cœur de la réponse au Sahel. Il faut créer une stratégie globale qui s’attaque aux causes profondes et structurelles des crises», préconise Alioune Tine.
De même, recommande-t-il, une plus grande transparence dans la budgétisation des armées et la question de la lutte contre la corruption, en vue de mieux «répondre aux urgences humanitaires».
Les Etats membres du G5 et leurs partenaires doivent aussi «veiller à ce que l’aide soit adaptée», et surtout qu’elle bénéficie «à ceux qui en ont besoin», indique Alioune Tine, qui a en outre appelé à davantage lutter «contre l’impunité des crimes internationaux, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide».
«La crise au Sahel ne cesse de s’aggraver en dépit du déploiement impressionnant des forces africaines et internationales. Donc, il est temps de changer la stratégie reposant exclusivement sur les forces armées», a-t-il relevé.
Il a rappelé qu’en 2020, «près de 7000 personnes» avaient été tuées au Mali, au Niger et au Burkina-Faso, sans compter «plus de 1,5 million de personnes déplacées vivant dans des conditions précaires».
«Les conflits armés intercommunautaires sont encore plus meurtriers avec d’inimaginables atrocités. Des centaines de milliers d’écoles sont fermées oblitérant le droit à l’éducation et l’avenir de milliers d’enfants. Les violences sexuelles sont partout en hausse et en toute impunité», a-t-il avancé.
«Objectivement, les actions militaires n’ont pas encore garanti une protection sûre aux populations civiles. Les attaques islamistes ont doublé depuis 2016 et sont plus meurtrières et plus osées que jamais. La violence d’Etat contre les civils s’est accrue dans les trois pays», a ajouté Alioune Tine.
«Pour la Coalition citoyenne pour le Sahel dont Afrikajom Center est membre, nous faisons le constat que les forces armées seules n’apportent pas la solution aux crises multiples et complexes au Sahel».
«Nous invitons les chefs d’Etat et de gouvernement du G5 Sahel et le Président Emmanuel Macron à en prendre acte et à changer de stratégie et de réponse face à la crise», a-t-il conclu.
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