Alors que les étudiants n’approuvent pas la reprise graduelle des cours à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, le recteur ne compte pas revenir sur cette décision. Prévue ce matin, elle ne concerne que 4 500 étudiants sur un effectif de 11 mille inscrits. L’ambiance est déjà délétère à Sanar.
Il flotte un air de confrontation à Sanar qui va retrouver ce matin ses pensionnaires avec la fin des vacances imposées par le Covid-19. A Saint-Louis, la réouverture ce matin de l’Université Gaston Berger (Ugb) est grosse de dangers à cause d’un calendrier qui n’enchante pas les étudiants. Malgré les assurances des autorités universitaires qui disent avoir pris toutes les dispositions pour un bon accueil des étudiants concernés par la reprise en présentiel des cours dès ce matin. Mais les locataires de Sanar plaident pour un retour généralisé de tous les étudiants à la place de la rentrée graduelle décidée par l’Assemblée de l’Université.
Aujourd’hui, les différents acteurs se regardent en chiens de faïence. Une bataille d’opinion est engagée par chaque partie pour motiver sa décision. Un dialogue de sourds s’est installé. Ce sont les étudiants qui ont d’abord exprimé leur désaccord, «en exigeant, par le biais des communiqués, leur souhait de revenir tous en même temps afin d’offrir la même chance de réussite à chacun». En écho, le directeur du Centre des œuvres universitaires de Saint-Louis (Crous), Papa Ibrahima Faye, décide de se rendre dans les villages et restaurants du campus social, en compagnie de quelques étudiants, pour s’expliquer sur les dispositions prises par ses services.
Face à l’entêtement des étudiants, le directeur du Crous et le recteur de l’Ugb ont organisé une conférence de presse conjointe pour détailler le protocole sanitaire, les dispositions mises en place. Surtout, ils sont décidés à appliquer «à la lettre les décisions prises par l’Assemblée de l’Université». Recteur de l’Ugb, Pr Ousmane Thiaré, qui a réitéré sa volonté ferme de faire appliquer les décisions de l’Assemblée de l’Université, reste intraitable sur cette question : «Une commission médicale composée des médecins du Crous, du Rectorat, des représentants de syndicats d’enseignants et des personnels administratifs et de service et des représentants des étudiants a été mise en place au sein de l’Université. Cette commission a fait des propositions concrètes allant dans le sens de reprendre graduellement les enseignements en présentiel. Ces recommandations ont été soumises à l’Assemblée de l’Université qui les a acceptées. Un plan de reprise a été donc mis en place et permettra de reprendre les cours dès demain (aujourd’hui).»
«Les décisions de l’Assemblée de l’Université sont souveraines»
Ce matin, seulement une première cohorte composée de 4 500 étudiants sur les 11 mille 917 que compte l’Ugb est concernée par la rentrée. Cette mesure, qui déchaîne les passions des étudiants, reste préventive dans ce contexte de propagation du Covid-19. «D‘autres dispositions favorisant la distanciation sociale ont été aussi prises. Il s’agit bien de sécuriser les étudiants, mais aussi tous ceux qui fréquentent l’Université dans le cadre de leur travail», précise Pr Thiaré, qui a bien entendu les désaccords des étudiants. Mais il n’est pas question de faire un rétropédalage. «Les décisions de l’Assemblée de l’Université sont souveraines et applicables à tous. Il s’agit aujourd’hui, entre autres objectifs, de sauver l’année universitaire pour éviter de mettre l’Université à genoux. J’invite les parents d’étudiants à conseiller à ceux qui ne sont pas encore programmés de rester chez eux. Je lance un appel aux étudiants pour qu’ils soient compréhensifs afin de contribuer à sauver l’année universitaire», conseille Pr Thiaré.
Dans la même veine, le directeur du Crous, Papa Ibrahima Faye, est concentré sur la rentrée. Il a fait savoir qu’une Commission ad hoc pour la gestion du protocole sanitaire sera installée dans tous les endroits fréquentés par les étudiants. «Le désherbage a également été fait dès que le ministre a annoncé la réouverture, mais aussi tous les travaux effectués en général dans le campus social, comme la désinsectisation et la désinfection, ont été faits, surtout en cette période de pandémie.»
Pour prévenir d’éventuels risques de contamination, les 4 500 étudiants concernés par la rentrée en présentiel seront tous logés. «Il a été décidé par la commission sanitaire de faire en sorte que chaque chambre n’accueille que 4 étudiants seulement. Pour cette première cohorte, les étudiants seront bien logés grâce à un procédé qui a permis de ‘’désatribuer’’ temporairement les chambres. Pour mettre à l’aise les étudiants, il leur est aussi permis», révèle le directeur du Crous. Quid de la gestion des restaurants où les risques de rassemblements sont probables ? «La distanciation y sera respectée. Les effectifs y ont été réduits de 25% afin de procéder à une nouvelle disposition des tables. Pour préserver la santé des étudiants, des contrôles ont été effectués sur le matériel utilisé dans les restaurants. Ce qui a permis de déceler des anomalies dans des marmites dans l’un de ces restaurants qui a été d’ailleurs fermé», rassure M. Faye.
Malgré les réticences, les autorités de l’Ugb ont dissipé à leur manière des craintes des étudiants. «Il ne devrait pas y avoir de problème si tous les acteurs jouent leur partition, car le plus important c’est de préserver la vie des étudiants. Dans la même logique, des lieux d’isolement ont été identifiés pour prendre en charge les cas suspects ou avérés de coronavirus. Et les étudiants recevront chacun des kits composés entre autres de masques, de moustiquaires etc. Le personnel de service est aussi mobilisé pour accompagner les étudiants», explique M. Faye, qui a révélé que «16 dispositifs de lavage des mains seront installés dans les endroits fréquentés par les étudiants, notamment à l’entrée des villages dans le campus social».
Coordination des étudiants de Saint-Louis : «Nous ne pouvons accepter ce que veut faire l’Administration»
Alors que les autorités universitaires s’échinent à rassurer les étudiants sur le bien-fondé d’une reprise graduelle dans ce contexte de pandémie du Covid-19, elles ont du mal à les convaincre. Les pensionnaires de Sanar continuent de marquer leur désaccord et dénoncent un «folklore». Oumar Chérif Diallo, président de la Coordination des étudiants de Saint-Louis, n’est pas convaincu par le dispositif mis en place par les autorités universitaires, notamment le Crous : «Les autorités universitaires ont prévu de mettre 1 000 étudiants dans une salle de 800 personnes à l’Ufr de droit, alors qu’elles refusent aux étudiants d’occuper leurs chambres comme ils l’entendent.»
Pour l’instant, il n’est pas question de «bloquer les enseignements, mais nous ne pouvons pas non plus accepter ce que veut faire l’Administration. Il fallait avoir une concertation avec tous les acteurs. Ce qui n’a pas été fait», rappelle M. Diallo. Surtout que le ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation a annoncé la réouverture des universités au mois de juillet. «Par conséquent, il fallait prendre les devants, mais cela n’a pas été fait à l’Ugb où les gens ont attendu la veille pour prendre des décisions. Il faut sauver l’année, mais il faut la sauver pour tout le monde», souligne-t-il, tout en réitérant la volonté des étudiants de s’opposer au plan de reprise des cours annoncé par le Crous et le rectorat. Sans donner les détails de leur stratégie pour obtenir une rentrée générale.
Cette position affichée par la Coordination des étudiants de Saint-Louis n’annonce pas une reprise calme dans le campus de Sanar qui retient son souffle.