Déterminés à rallier l’Espagne au prix de leur vie, les candidats à l’émigration clandestine continuent à braver les interdits. A Saint-Louis, une pirogue a échoué sur la plage de Goxu Mbacc, avec à son bord des morts, des personnes épuisées par les dures conditions du voyage.

Rien ne semble pouvoir retenir les candidats à l’émigration clandestine au Sénégal. Malgré les appels et les morts, ils ont décidé de partir en Europe au prix de leur vie. Vendredi, une pirogue transportant plus de 300 émigrés a échoué à Saint-Louis dans le quartier de Goxu Mbacc, après s’être perdue en mer pendant une dizaine de jours alors qu’elle voulait rallier les îles Canaries. Plusieurs de ses occupants auraient perdu la vie dont certains sont jetés en pleine mer, une vingtaine s’est noyée sur place et deux ont été récupérés par les sapeurs-pompiers de la vieille ville. Plusieurs blessés ont été également dénombrés.
C’est cette scène, à la limite irréelle, à laquelle des Saint-Louisiens ont assisté sur la plage de Goxu Mbacc. Regard médusé, des centaines de riverains sont venus assister à ce spectacle en apercevant cette pirogue en perdition. Ils étaient une centaine de candidats à la migration illégale dont la plupart étaient dans un état lamentable. Fatigués, épuisés et affamées, parfois même blessés ou malades, ils auraient embarqué à Mbour le 23 octobre dernier en direction de l’Espagne. Seulement, le rêve de ces jeunes qui avaient à cœur de changer le cours de leur vie en traversant l’Atlantique va se transformer en cauchemar, car la pirogue va se perdre en haute mer et sera obligée de rebrousser chemin. C’est alors le début d’un interminable voyage avec com­me conséquence la rupture des stocks d’aliments.
Face à cette situation difficile, plusieurs occupants ont fini par perdre la vie avant d’être jetés dans l’eau par leurs camarades qui n’avaient pas le choix. Après plusieurs jours passés à faire des tours dans la mer, le reste du groupe a eu la chance de se retrouver sur la côte à hauteur de Goxu Mbacc. Le spectacle qui s’en est suivi est digne d’un film de cinéma. La pirogue manœuvrant et cherchant à accoster tant bien que mal finira par échouer, renversant ainsi dans l’eau ses occupants. Plusieurs personnes ont ainsi été englouties, car ne sachant certainement pas nager. Certaines plus chanceuses vont nager pour rejoindre la rive et les autres ont été repêchées par les populations. Le bilan est très lourd, car même si pour l’instant on ne peut pas donner exactement le nombre de morts, en plus de deux corps sans vie retrouvés dans l’embarcation par les sapeurs-pompiers, les disparus à l’arrivée et les nombreux blessés évacués à l’hôpital, les rescapés auraient affirmé avoir jeté plusieurs corps sans vie en pleine mer.
C’est la deuxième fois en l’espace d’une semaine qu’une pirogue transportant des migrants échoue sur les côtes saint-louisiennes. Il y a à peu près 7 jours, une autre pirogue, elle aussi partie de Mbour et perdue en mer, s’était retrouvée sur les berges de Gandiol, à quelques kilomètres de la vieille ville, avec à son bord plus de 200 personnes. Il faut ajouter à cela les nombreuses tentatives de départ tuées dans l’œuf par la police et la gendarmerie qui veillent au grain.
Par ailleurs, Saint-Louis a perdu beaucoup de ses fils qui ont péri dans l’accident d’une pirogue dont l’un des moteurs avait explosé il y a quelques jours au large de Mbour. Le phénomène devient de plus en plus inquiétant dans la mesure où, malgré les dizaines de morts enregistrés, les jeunes ne démordent pas et continuent à braver les dangers de la mer pour rallier l’Espagne, convaincus que c’est le seul moyen de réussir leur vie. Il faut aussi noter que depuis quelque temps, on se rend compte que les mineurs et les femmes sont devenus de plus en plus nombreux dans les rangs des candidats à l’émigration clandestine, un phénomène qui est apparemment loin de s’estomper.