Le patrimoine historique de l’Afrique est riche de ses monuments. Mais l’usure du temps n’épargne pas ces édifices. Seulement, les pays n’ont pas souvent les moyens de prendre en charge les travaux de restauration nécessaire. Il s’y ajoute que la plupart de ces lieux de patrimoine n’arrivent pas à créer une économie autour. C’est la mission que s’est fixé le Centre de recherche et de promotion pour la sauvegarde des sites et monuments historiques de l’Afrique (Crpssmha). Son vice-président, Sally Alassane Thiam, fait le tour des projets de l’Ong dans cet entretien.

Quelle est la mission de l’Ong Crpssmha et quels sont vos activités ?
Notre Ong est reconnue par le gouvernement du Sénégal au titre d’organisation internationale et qui est rattachée au Conseil économique et social des Nations unies (Ecosoc). On a des représentations à New York, à Vienne et à Genève. Le plan d’action de notre centre lors du sommet d’Addis Abeba en 1998 a été intégré dans le plan de développement culturel de l’Oua devenu Ua. Notre Ong est dans l’assistance aux Etats africains pour la promotion de leurs monuments en vue de leur insertion dans la vie économique, sociale et culturelle, l’étude de projet et la mise en œuvre des chantiers de travaux de restauration de monuments et de sauvegarde au niveau international. En termes de collaboration au niveau international, notre Ong a travaillé sur les moquées de Tombouctou, Djenné et Gao en 1975. C’était le président qui avait mené ces projets. Il avait aussi travaillé au Niger à Agadez, en 1982 en Mauritanie sur les mosquées d’Aoudaghost et celle d’Oualata menacées par les sables du désert. On a aussi travaillé sur la restauration du Palais du Roi Henry-Christophe à Haïti, sous l’impulsion des Présidents Senghor et Diouf. Nous avons aussi travaillé à la restauration de la mosquée de New Delhi en Inde. Une coopération bilatérale entre les deux pays qui a permis aussi à l’Ong de travailler sur la restauration d’un temple en Indonésie. Un autre volet de nos actions, c’est l’harmonisation des instruments juridiques appliqués à la protection juridique des monuments historiques africains. Parce que ces pays qui ont été colonisé ont hérité de facto des instruments juridiques. Avant d’accompagner ces pays pour faire entrer leurs monuments dans le patrimoine mondial, il fallait d’abord harmoniser les textes juridiques, accompagner ces pays à monter leurs dossiers. Aujourd’hui, dans notre plan quinquennal, on va organiser dans le premier trimestre de l’année 2021 un Forum sur le patrimoine africain (Fpa). Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul sommet, c’est la Journée du patrimoine africain qui est organisée par l’Unesco. Ce forum va venir en complémentarité et créer une synergie avec cette journée trois mois avant, pour sensibiliser, inviter des chefs d’Etat et des ambassadeurs que nous allons nommer, histoire de faire la renaissance du patrimoine africain et que tous les membres de l’Union africaine puissent en profiter pour célébrer le patrimoine unique du continent africain. Aujourd’hui, il est temps d’appeler les pays africains à s’inscrire dans cette démarche. Et le Forum se tiendra à Dakar.

Avez-vous une vision claire sur l’état du patrimoine africain ?

Notre mission, c’est aussi de faire l’inventaire du patrimoine historique africain. Il y a des patrimoines qui sont représentatifs, mais qui ne sont pas encore classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Notre mission, c’est donc de démarcher ces Etats-là, leur dire qu’ils ont un patrimoine qui mérite d’être classé. Il y a un travail à faire derrière, c’est de montrer pourquoi ce monument, sa différentiation par rapport aux autres et pourquoi il mérite d’être classé. C’est un travail d’accompagnement, de suivi et de plaidoyer. Aujourd’hui, on a cette expertise là et on accompagne des pays africains.

Au Sénégal, avez-vous des projets spécifiques que vous allez mener ?

Le président du Crpssmha a travaillé sur le plan directeur de rénovation de l’île de Gorée. Et c’est grâce à lui aussi que le Bureau d’architecture des monuments historiques (Bam) existe au ministère de l’Urbanisme. Aujourd’hui, c’est bien d’avoir des monuments historiques et des sites classés, mais si on ne les utilise pas et si on ne leur donne pas une vie, on va revenir à la case départ. Ce qu’on a envie de faire, c’est d’en faire des musées, des centres d’exposition. Aujourd’hui, si vous allez à Paris, un peu partout dans le monde, vous allez dans les musées, avec votre téléphone, il vous suffit de scanner le Qr code et vous avez l’histoire des lieux. Notre objectif, c’est aussi vraiment de donner une vie à ces monuments historiques, en faire des écoles, des musées, des centres d’exposition.

Ces éléments de patrimoine ne sont-ils pas suffisamment valorisés en fait ?

Il faut vraiment travailler pour que ces monuments soient respectés et utilisés à bon escient, mais aussi augmenter la représentation des sites. Il y a des pays qui ont des monuments, mais qui ne sont pas conscients de la valeur de ces patrimoines parce que c’est historique et c’est à verser dans la culture africaine et par ricochet dans l’économie africaine. Parce que la culture africaine a une certaine richesse qui peut nous permettre de beaucoup gagner en termes de tourisme à l’international. Il faut aussi améliorer l’état de conservation des biens du patrimoine et gérer efficacement les biens existants en intégrant les méthodes de gestion traditionnelles aux méthodes actuelles. Ce sont là les grandes lignes de notre plan d’action pour les 5 prochaines années.

Est-ce que les Etats africains sont sensibles à ce discours ?

Il y a eu beaucoup de pays qui ont manifesté le désir d’intégrer l’Ong. Le président a pris sa retraite il y a quelques années et il n’y avait pas une équipe assez dynamique pour aller un peu partout dans le monde pour défendre les projets. Là, on est en phase de renaissance.