«La politique, autrefois, c’étaient des idées. La politique, aujourd’hui, ce sont des personnes. Ou plutôt des personnages» Roger-Gérard Schwarzenberg, L’Etat-spectacle

Sous les eaux, dans les eaux. Qu’importe l’expression, Dakar patauge. Dans beaucoup d’artères de la ville, l’eau ruisselle, les activités sont au ralenti. Il faut être un vrai funambule pour se frayer un chemin, pour se mouvoir. Aller à la boulangerie, comme de coutume, pour acheter du pain, nous sommes des gros mangeurs de pain, n’est pas une sinécure. Une véritable corvée. Bientôt la fin de de cet hivernage. Espérons-le, afin d’en avoir un qui soit nôtre. Saltimbanque ! Pas d’ouragan. Pas d’Hélène.

Au Proche-Orient, les raids israéliens déchirent nos cœurs, détruisent des vies, des villes. La face hideuse de l’humanité. Des villes totalement effacées de la carte mondiale. Nouvelle cartographie ! Gaza et le Sud du Liban ploient sous les bombardements israéliens. Un exode massif forcé. Des familles déplacées, des existences niées, des vies à reconstruire. Tragédie ! Même pas une trêve de vingt-et-un jours. Déluge de feu ! Fermons douloureusement la parenthèse si douloureuse de cette actualité moribonde.

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L’actualité nous oblige à rendre un hommage à Amadou Makhtar Mbow, l’homme aux «mille et une vies». Fierté en bandoulière. Hommages appuyés et mérités. Drapeaux en berne. A Dieu, le timonier. Un modèle, il en est un. Ancien président des Assises nationales et de la Cnri. Il ne se «dérobait» jamais.
La Cnri en son article 10 dispose : «Les agents publics ne doivent ni accepter ni solliciter directement ou indirectement, au Sénégal ou à l’étranger, aucun don, cadeau ou libéralité dans l’exercice de leurs fonctions.» L’article ne souffre d’aucune ambiguïté, d’aucune possibilité de mésinterprétation. Un ministre, un Pca ou un Dg, un responsable public n’a pas le droit de bénéficier de dons, cadeaux dans l’exercice de ses fonctions. Question à mille balles : comment peut-on comprendre que le Dg de la Rts, hier chantre de la vertu et pourfendeur de comportements et actes jugés, à l’aune de son propre tribunal, indignes d’un haut responsable public, peut-il aujourd’hui se permettre de justifier l’injustifiable. Il dit sans fioritures : «Ce sont mes amis qui m’ont offert les véhicules en question.» Questions : pourquoi de tels amis lui offrent, maintenant qu’il est Dg, des véhicules ? Qu’est-ce qui motive ces cadeaux/dons de bienfaisance ? Si de tels actes trouvent de justifications valables, c’est la foire à la corruption, la fin de la transparence et le coup de Jarnac au fameux Jub Jubal Jubanti.

Le fameux Jub Jubal Jubanti est la pierre angulaire du tant désiré projet, c’est un crédo, voire un sacerdoce que le régime inscrit au fronton. La vulgate populaire nous dit pourtant : charité bien ordonnée commence par soi-même. Quand on prophétise la droiture et le redressement des comportements et actes inadéquats, la logique voudrait qu’on s’y conforme. Au cas contraire, on donnerait un coup de massue à la droiture, à la vertu, et, on deviendrait un pitoyable comédien. Alors dansons. Saltimbanque !

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La Société civile si prompte, dans un passé encore présent, à ruer dans les brancards, semble aphone, réagit de manière très molle sur des dossiers dont les accusations sont plus que graves : le problème de l’Onas en est l’exemple parfait, un Dg accuse nommément un ministre et publie des dossiers confidentiels. D’autres exemples très parlants existent. Les propos inqualifiables du ministre de la Santé devraient choquer plus d’un : on regarde des Cv estampillés. Morale de l’histoire, si vous n’êtes pas militant de mon parti, vos chances sont totalement réduites. Egalité de chances ? Doux rêve. C’est d’autant plus ahurissant que de tels propos viennent d’un universitaire. Faire de la politique, c’est vendre son âme au diable. L’expression trouve sa justification. Dans des vidéos virales, une dame, se disant appartenir au parti au pouvoir, tient un discours ahurissant ; si les propos tenus par cette dernière sont avérés et justifient l’annulation de l’ordre de service, c’est plus que grave. On ne frôle pas avec l’indécence, on est dans l’ignoble. Mais apparemment, ce qui, hier, était choquant, est dorénavant accepté.

Les temps ont changé, laissons les nouvelles autorités s’installer. Donnons-leur du temps. On se pose alors logiquement des questions : qu’est-ce qu’on condamnait, des comportements repréhensibles ? Ou fallait-il simplement se débarrasser d’un régime, et, la petite occasion était belle pour clouer au pilori les personnes qui l’incarnaient ? Si les mêmes pratiques reprennent, ne doit-on pas en toute logique les condamner avec la même véhémence ? Hier, on ne devrait donner aucune majorité à un Président, c’est un risque nous disait notre Pm ; aujourd’hui, il nous faut une majorité à l’Assemblée pour matérialiser le projet, nous dit-il : que faire ? Fameuse question leninienne. Couper la poire en deux. Egalité parfaite, balle au centre. C’est horrible ! La politique ou l’art de se dédire en fonction des circonstances, au gré des mouvements du vent. On suspend le temps ! Il est porteur de la destruction et révélateur de la nature hideuse du politique. Temporalité variable. Politique au pays des patriotes. Patriotes, nous le sommes tous, pas de bipolarisation. Elle nous a poussés à nous détester les uns les autres sans nous en rendre compte. Dépassionnons. Suite logique, l’hivernage est alors le nôtre. Tiens, l’Etat n’est-il pas une continuité ? Affirmatif ! On peut ainsi inaugurer des projets qu’on n’a pas élaborés, valoriser des produits dont on n’est pas les concepteurs. On hérite de tout. Pas d’héritage sélectif. De toute façon, une autorité si importante ne doit pas s’exprimer de manière aussi sommaire, voire scolaire et légère. Mais bon, quand le sommet détermine la base. Idéalisme ! Pas de matérialisme. Comprenne qui pourra. Idéalisme dialectique. Rappelons «Zici» que la guerre n’épargne ni femmes ni «zinfrastructures» et la sécurité «zinternationale». Liaisons internationales !

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Un pays où on falsifie des chiffres ne peut bénéficier de crédit, – alors qu’on en a bénéficié récemment (les fameux eurobonds) – c’est très facile à comprendre, même si on n’est pas adepte des algorithmes. Question de bon sens. Pas au pays des bisounours. L’intelligence économique ferait fuir les investisseurs, aucun bailleur n’accepterait de nous sortir du sous-sol. Les agences de notation vont plier bagage. Quel manque d’élégance. Quel message envoie-t-on aux investisseurs nationaux et internationaux ? Pour disqualifier son pays, il n’y a pas meilleur moyen. Bel exemple de patriotisme ! Dénigrer son pays et qualifier beaucoup de fonctionnaires d’incompétents et de complices de falsification et de mauvaise gestion, sans aucune preuve tangible, pour l’instant, il faut le faire. Les questions très sensées de deux journalistes ont été vite balayées d’un revers de main : quel serait le rôle de certains membres du nouvel attelage dans la disparition mystérieuse de nos précieux milliards et la falsification des chiffres ? Comment le gouvernement compte-t-il solutionner les problèmes des Sénégalais ? Elles ont laissé place au sport favori : les caisses sont vides, les perspectives sombres, les chiffres falsifiés, tout a été volé. Du réchauffé. Pittoresque !

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Piteuse mise en scène. Trop de théâtralisation finit par tuer le théâtre. Vaudeville. Le visage et l’attitude très républicaine du ministre de la Justice en disent long. Tant que les instances qui doivent légiférer (Cour des comptes par exemple) n’ont pas certifié, toutes les accusations ne sont que de la propagande. Tchakhotine a marqué les esprits. Comment incriminer une gestion non auditée ? Et la responsabilité du Fmi dans tout ça ? Qu’en-est-il de ses missions de revues critiques ? Les procédures auraient-elles été si légères ? Les agences internationales (Fmi, Banque mondiale), les partenaires financiers, les agences de notation seraient-ils si légers et peu crédibles ? Seraient-ils complices d’une vaste opération de maquillage ? Seraient-ils si aveugles pour ne pas apercevoir la grosse arnaque ? Fermeraient-ils les yeux sur la fausseté des Finances publiques sénégalaises ? Quelles seraient alors les statistiques prises comme références dans l’élaboration de la Snd ? Et les juges de la Cour des comptes qui ont préparé les lois qui ont certifié les Finances publiques ? Les députés qui votent les lois ? Les nombreux techniciens des ministères des Finances et du budget, de l’Economie, ceux de l’Ansd ? Qu’en-t-il des exigences de la Norme spéciale de diffusion des données statistiques (Nsdd) ? Toute une administration financière serait à interroger pour comprendre ce maquillage digne d’un braquage à l’américaine, cette vaste misreporting. Toute une chaîne administrative à revoir. Mission titanesque. Nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

Le constat est amer, la crédibilité du Sénégal va prendre un sacré coup avec toutes les conséquences sur les notations, sur les taux d’intérêt. Immédiatement d’ailleurs, il y a eu une réaction négative des marchés financiers qui aura comme conséquence une chute de la notation du crédit du Sénégal. Les investisseurs seront hésitants, montreront peu d’intérêt, c’est une logique économique. Et les taux d’intérêt pour des pays qui falsifient des chiffres, sont plus importants, c’est pour pallier les risques. La parole d’une autorité doit faire autorité. Mais si elle n’est plus habitée par la gravité de la fonction, elle est chahutée.

Une litanie d’accusations ne nous fait pas vivre, ne saurait impacter notre quotidien. Elle annonce tout simplement que les prix risquent de flamber (levée probable des subventions). Le gorgorlu a besoin d’actes concrets, de réduction du train de la vie, de vivre décemment. On ne saurait continuer à s’opposer même en détenant les rênes du pouvoir. Un «opposant au pouvoir», merci Latif pour l’ingéniosité de l’expression. Si des gens ont fauté dans leurs gestions, ont détourné des milliards, qu’ils soient jugés et qu’ils nous rendent, tout simplement, nos biens. L’équation est toute simple. Mais bon, on attend toujours d’avoir le numéro de compte dont on disait connaître et où serait logée une partie des 94 milliards. La rhétorique accusatrice finit par lasser. Y’en a vraiment assez. Un Pm n’est pas un procureur, encore moins un ministre de la Justice. Tout ne doit pas être mélangé. Les urgences de l’heure, c’est la cherté de la vie, les vagues migratoires, les jakartamen qui souffrent, les nombreuses inondations qui impactent les populations. Un peu de sérieux. On en a assez d’entendre la même rhétorique, de danser la même musique. Saltimbanque ! Pendant ce temps, nos compteurs woyofal, devenus disseul, sont au rouge. Une lapalissade. Sous les eaux. Du légendaire «En deux mois, je transforme le pays», on passe maintenant, après six mois, au fameux nous «sommes au 4ème sous-sol». Conclusion logique de la psychanalyse du message : je ne peux tenir mes promesses, les subventions seront supprimées, vous avez commencé à souffrir et vous allez continuer à souffrir les mois à venir. Simple et cohérente déduction. Résilience ! Depuis une dizaine d’années, je vous ai vendu un projet, lequel s’est révélé être du vent, du pipo. Opium ! Du fameux sonko namenanioula qui résonnait dans les stades, les places publiques, on est passé au sonko sonounaniou. De la nostalgie, on passe à l’épreuve de la souffrance. De l’espoir au désespoir, la frontière est ténue. De l’amour à la haine, il n’y a qu’un pas. Pas de casseroles ! Rien d’étonnant, Goulag fut un archipel de mensonges.

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Le spectacle est permanent, la mise en scène constante, Wally, le faramaren, a de la concurrence, Dakar sur scène. Ku Ayé Wol Sa Momé. On croyait avoir rompu avec de telles méthodes. Utopie. Saltimbanque !
Notre humanité fait face à de nombreuses difficultés liées à la dérégulation mondiale de l’économie capitaliste, à une mondialisation mal maîtrisée. De telles difficultés sont souvent utilisées par les politiciens pour duper des jeunes laissés à carreau et qui éprouvent tous les problèmes pour trouver un emploi. : la foire à la manipulation et à l’anesthésie sociale. Dans la marche des nations, il arrive souvent que le destin d’une Nation apparaisse comme étant lié à celui d’un homme politique. Telle semblait être la situation de notre pays, il y a peu. Notre actuel Pm était considéré comme le messie, celui qui a suscité et incarné l’espoir, la vie en rose. Hélas, depuis quelques mois, la déception se lit sur les visages de beaucoup de jeunes. C’est du factuel. La manipulation n’est pas éternelle.

Tout est confus, le Pm semble marcher sur les plates-bandes de ses collègues. Parfois, il nous semble être le porte-parole du gouvernement, le ministre de la Communication. Souvent, il semble être le procureur, le ministre de la Justice. Le fleuve sort de son lit. Sous les eaux. C’est une fâcheuse impression. Quand on est obligé, en remerciant le président de la République, de remercier, concomitamment, son Pm. C’est révélateur. Sonko moy Diomaye. Pas l’ombre d’un doute. La psychanalyse a du travail. Le cabinet du célèbre viennois aurait fait fortune sous nos tropiques.

Post-Scriptum : Si, au lieu de ses nombreuses conférences médiatiques, de la communication politique sans doute, le Pm avait décidé ou avait fait une Dpg, nos interrogations, nos doutes seraient sans doute levés. Il y aurait du répondant, nous serions davantage éclairés sur les insinuations, les accusations. Les débats contradictoires éclairciraient notre lanterne, mais il faut pouvoir et/ou oser soutenir un débat contradictoire pour affronter une assemblée. Naïf que je suis, on n’a plus d’assemblée depuis un bout de temps, avec tous les risques afférents. Chienlit. Restons positifs, Dieu est au contrôle.
Ousmane SARR
Enseignant-chercheur Ucad