A quelques exceptions près, les artistes africains sont rarement rémunérés lors de la diffusion de leurs œuvres. Réuni près de Paris, le Comité exécutif africain de la Cisac, la confédération qui gère les droits d’auteur et des compositeurs, cherche des solutions pour le continent. Le chiffre est alarmant. Malgré sa créativité, le continent africain n’a collecté en 2015 que 0,7% des droits réservés aux artistes à travers le monde, soit 61, 3 millions d’euros… Des miettes en comparaison des 5045, 2 millions d’euros perçus par leurs homologues européens sur la même période.
La Confédération internationale des sociétés d’auteurs et de compositeurs (Cisac) réunie quelques jours à Neuilly, près de Paris, tire la sonnette d’alarme. Elle tente aussi de résoudre ce problème qui plombe la création artistique du continent : sans droits d’auteur payés lors de l’exécution (diffusion d’une musique sur une radio, d’un film sur une chaîne télé…) ou de la reproduction de l’œuvre, les artistes perdent l’essentiel de leurs revenus. Sur la région, deux très bons élèves se distinguent nettement : l’Afrique du Sud (32,6 millions d’euros collectés à elle seule en 2015) et l’Algérie (15,6 millions d’euros). Un ressortissant de ce dernier pays, Sami Bencheikh El-Hocine, membre du Conseil d’administration internationale de la Cisac et du Comité exécutif africain, détaille pour Jeuneafrique.com, les enjeux et les chantiers prévus en vue d’améliorer la situation dans les années à venir.
«Des sociétés d’auteurs existent dans la plupart des pays du continent, des textes également… Le problème est que ces sociétés n’ont pas réellement développé leur activité, que les textes ne sont pas respectés. Résultat : une pièce est jouée dans un théâtre, une musique est diffusée dans une discothèque ou à la radio, mais cela n’est absolument pas suivi d’effet. Il y a une violation quasi officielle des droits d’auteur, à tel point que même des radios étatiques, au Bénin, au Mali, par exemple, n’acquittent pas les droits d’auteur » mentionne-t-il. Heureusement la confédération compte pallier ce problème. «Nous avons une stratégie à deux niveaux. Nous effectuons d’abord un travail avec les gouvernants. Nous rencontrons régulièrement des parlementaires, des premiers ministres, des ministres de la Culture pour leur expliquer qu’ils ont affaire à des violations de droits graves. Ce travail d’information et de pédagogie a déjà payé au Burkina, en Côte d’Ivoire, au Bénin, où des sociétés d’auteurs se structurent et commencent à régler des droits», explique dans un entretien Sami Bencheikh El-Hocine. Il poursuit : «Dans un second temps, nous sollicitons des grandes figures artistiques locales qui essaient également de sensibiliser à leur manière. En Algérie, par exemple, ce sont Khaled et Idir qui jouent ce rôle d’ambassadeur de notre cause. Angélique Kidjo, notre vice-présidente, nous défend également en Afrique subsaharienne… ».
Le rôle de l’Algérie
Mais comment expliquer que l’Algérie soit si en avance par rapport à d’autres pays africains ? «Il y a des raisons historiques évidentes», réagit Sami Bencheikh El-Hocine. A l’en croire, «Dans la plupart des pays colonisés d’Afrique francophone, les infrastructures existaient, mais seulement pour gérer les droits des artistes français, pas ceux des artistes africains. Avec les indépendances, ces infrastructures ont dans la plupart des cas été abandonnées… Tandis que la Sacem (société française des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) est restée active en Algérie jusqu’en 1973, soit 11 ans après les accords d’Evian ! ». «C’est grâce à la mobilisation d’une cinquantaine d’artistes que le pays a pu se doter de sa propre société d’auteurs. Aujourd’hui notre organisation est plus active que jamais avec quatorze agences régionales, 270 employés, et l’année dernière la perception de 52 millions d’euros (droits d’auteur et droits voisins), un chiffre en progression de 20% ces cinq dernières années», détaille-t-il.
A court terme, l’Algérie qui est un bon élève en matière de collecte des droits d’auteur, va s’assurer de l’avancée des collectes en Afrique francophone tandis que l’Afrique du Sud se chargera de celle qui concerne le bloc anglophone. «Nous avons déjà commencé à former des cadres au Mali, au Niger, en Égypte, au Liban, et à installer des logiciels, à créer de véritables ponts pour partager les bonnes pratiques. Et, nouveauté, dans quelques mois, nous organiserons un grand comité à Alger. Nous recevrons tous les pays africains qui le souhaitent, dont dix à nos frais, pour les former à la gestion des œuvres audiovisuelles » a conclu Sami Bencheikh El-Hocine.
Avec Jeuneafrique .com