Sans greffier, la Justice en péril : un cri pour la reconnaissance !

Aucun procès ne peut se tenir sans la présence du greffier. Cet officier public, placé sous l’autorité du chef de greffe, authentifie les actes du juge, en est le témoin et en garantit la régularité. Son rôle s’étend bien au-delà de l’audience, depuis la préparation des dossiers jusqu’à la délivrance des décisions. En d’autres termes, les magistrats rendent leurs décisions dans un cadre rigoureux, garanti par le greffier, qui authentifie les actes procéduraux, les jugements qui en découlent, et en permet l’exécution. L’histoire du greffier plonge ses racines au Moyen Age, où des clercs, appelés «grefiers» -du latin graphiarius, celui qui écrit- consignaient les décisions des juges ecclésiastiques ou royaux. A une époque où l’écrit devenait essentiel pour formaliser le droit, leur mission s’est affirmée.
En France, sous l’Ancien Régime, l’ordonnance de 1667 a structuré leur fonction, faisant des greffiers des officiers ministériels, titulaires de charge (à l’image des notaires, avocats et huissiers de Justice aujourd’hui). La Révolution française a transformé ce rôle en emploi public, ancré dans le système judiciaire moderne, où le greffier demeure le garant de la régularité des procédures.
Dans les procédures contentieuses, le greffier est un acteur central. Il prépare les audiences, vérifie les dossiers, enregistre les actes et s’assure du respect des délais et formes légaux. Pendant les débats, il consigne avec précision les échanges, authentifie les décisions prononcées, notamment les jugements, arrêts, de même que les procès-verbaux d’interrogatoires, de transport sur les lieux et de perquisition lors de la phase d’instruction, et cosigne les jugements pour leur conférer une force exécutoire. Sans lui, aucune audience contentieuse n’est valide, tant son rôle est crucial pour l’authenticité des actes.
Dans les procédures gracieuses, comme les successions non contestées, les changements de régime matrimonial ou l’enregistrement au Registre du commerce et du crédit mobilier (Rccm), le greffier est tout aussi indispensable. Il prépare les pièces administratives, vérifie la recevabilité des demandes et veille au respect des formalités. Par exemple, dans une demande d’enregistrement au Rccm, le greffier réceptionne le dossier (formulaire, statuts, pièces justificatives comme l’extrait de casier judiciaire ou le certificat de résidence), vérifie sa conformité, enregistre la demande dans le registre chronologique et attribue un numéro d’immatriculation. Après la décision, il conserve les informations, transmet les actes aux organes compétents et délivre un accusé d’enregistrement.
Ainsi, le greffier est bien plus qu’un scribe : il est un pilier du système judiciaire, garant de sa transparence, de sa régularité et de son efficacité, dans le tumulte des affaires contentieuses comme dans la rigueur des démarches gracieuses. Sans lui, la Justice s’enrayerait. C’est pourquoi les revendications légitimes et urgentes des greffiers doivent être entendues. Le reclassement des anciens à la hiérarchie A2 est une nécessité pour mettre fin à l’inacceptable coexistence de deux hiérarchies au sein d’un même corps de métier. De même, l’octroi d’une indemnité de logement à la hauteur de nos responsabilités et tâches est une exigence de justice. Dans cette même logique, l’enrôlement des agents autres que les greffiers et interprètes judiciaires dans le corps des assistants des greffes et parquets, ainsi que la révision de la condition d’accès en la ramenant de dix à cinq années d’ancienneté effective dans le secteur public de la Justice constituent une mesure d’équité attendue depuis longtemps.
Certaines juridictions, face à la grève, recourent à des greffiers ad hoc, mais cette pratique engendre des conséquences graves : registres mal tenus, décisions indisponibles, retards dans la transmission des dossiers d’appel et difficultés pour les justiciables à obtenir informations ou pièces. Ces fausses solutions aggravent les dysfonctionnements. La grève à laquelle nous avons été contraints par l’épuisement de notre patience, n’est pas un caprice, mais un cri d’alarme. La réponse ne réside pas dans des palliatifs, mais dans la satisfaction pleine et entière de nos revendications, qui sont à la fois légitimes, réalistes et réalisables.
Me Hamidou SALL
Greffier, TGI-SL !