Dans le cadre de leur mission commune, la Fao, le Centre mixte Fao/Agence internationale de l’énergie atomique (Aiea) et les autorités sénégalaises ont visité sept des quatorze régions du pays, recueillant près de 2 000 signalements de cas de lucilie bouchère auprès d’agriculteurs et de vétérinaires. Mais d’après l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, «seuls 16 cas avaient été portés à la connaissance des autorités chargées de la santé animale jusqu’alors». «Bien que la lucilie bouchère puisse infecter les êtres humains, aucun cas confirmé n’a été détecté au Sénégal», les experts. Lesquels rappellent que «la lucilie bouchère dépose ses œufs sur les plaies d’animaux ou d’êtres humains vivants. Au Sénégal, des milliers d’animaux ont été infestés durant la saison des pluies, entre juillet et décembre 2023. Certains ont été traités avec des larvicides ou des remèdes plus artisanaux, tandis que d’autres ont été si gravement atteints qu’ils n’ont pas survécu».
En plus d’aider le pays à planifier sa réponse, l’une des tâches principales des experts consistait à déterminer le type de lucilie responsable de l’épidémie, puisque cela aurait des répercussions majeures sur la riposte et la façon d’aborder les futures épidémies.
Un diagnostic préliminaire de deux échantillons envoyés au laboratoire vétérinaire national de Dakar incriminait la lucilie bouchère du Nouveau Monde (Cochlyomyia hominivorax). Il se serait agi du premier cas d’introduction d’une espèce invasive et hautement agressive d’Amérique en Afrique subsaharienne.
Mais, confirmant les tests Adn excluant la présence de la lucilie bouchère du Nouveau Monde, la mission du Sénégal a analysé les échantillons disponibles, avec le concours d’un expert principal de l’Aiea, et mis en évidence la responsabilité de la lucilie bouchère de l’Ancien Monde (Chrysomya bezziana).
La lucilie bouchère de l’Ancien Monde est endémique dans une grande partie du continent africain, ce qui signifie que son impact écologique est bien inférieur à celui d’une espèce invasive. Malheureusement, indiquent les chercheurs, «il n’est pas possible d’utiliser la technique de l’insecte stérile (Tis) pour éradiquer la lucilie bouchère de l’Ancien Monde. Les autorités doivent donc recourir à des mesures préventives, comme l’utilisation d’insecticides et de larvicides».
Selon eux, «l’apparition soudaine de la lucilie bouchère au Sénégal reste un mystère, étant donné qu’aucun cas n’avait été signalé dans le pays depuis plus de 60 ans. De plus, aussi mystérieusement qu’elle était apparue, la vague de myiases imputable à la lucilie bouchère a reflué au Sénégal en janvier 2024, à la fin de la saison des pluies. Cependant, on ne peut exclure la possibilité d’une recrudescence de cas à l’arrivée de la prochaine saison des pluies. L’humidité pourrait faire réapparaître les mouches enfouies dans le sol, une fois leur cycle de développement achevé et après être restées en état de dormance au stade de pupe.
Renforcer la surveillance des importations de cheptel
Consciente de ce risque et en l’absence de données probantes sur l’évolution de l’infestation, l’équipe ‘’Une seule santé’’ de la Fao s’est longuement entretenue avec des agriculteurs, des vétérinaires et des membres du personnel hospitalier. À la lumière de ces évaluations de terrain, ainsi que des analyses de laboratoire et des données recueillies, les experts ont formulé une série de recommandations visant à atténuer l’impact d’une éventuelle récurrence. Ces recommandations prévoient notamment des mesures au niveau national visant à renforcer la surveillance des importations de cheptel en provenance de pays où la lucilie bouchère est endémique; à mettre le meilleur traitement à la disposition de tous et à constituer des stocks, si nécessaire; à sensibiliser les populations, y compris les agriculteurs, les vétérinaires et les agents de santé publique à la nécessité d’un diagnostic et, le cas échéant, d’un traitement systématiques de la lucilie bouchère chez les animaux et les humains.
Heureusement, les professionnels de terrain, les vétérinaires et les agriculteurs disposent d’un réseau national de messagerie efficace qui permet de surveiller et de signaler de manière précoce les cas d’épidémie. La plateforme officielle ‘’Une seule santé’’ du Sénégal, sous supervision présidentielle, permet aux divers acteurs concernés de rester en contact et de coordonner les échanges entre les secteurs de la santé animale et de la santé publique».
Par Dialigué FAYE – dialigue@lequotidien.sn