Les infections sexuellement transmissibles dont le Sida connaissent une progression dans le département de Mbacké. A Touba, les acteurs de la santé éprouvent des difficultés à sensibiliser les adolescents et les jeunes à cause de la spécificité de la ville religieuse. Tandis qu’à Bambey, le taux d’avortement et de mortalité maternelle et néonatale inquiète les acteurs de la santé. La caravane de la presse effectuée ce week-end dans la région de Diourbel a permis de faire ce constat.

Le département de Mbacké affiche des résultats très positifs dans le domaine de la santé de reproduction.  Après avoir été capacités en santé de la reproduction et en nutrition et appuyés par des Organisations communautaires de base (Ocb), les sages-femmes et  infirmiers promeuvent la santé de la mère et de l’enfant. En attestent les résultats obtenus par le district sanitaire de Mbacké qui occupe toujours la première place au sein de la Direction régionale de la santé de Diourbel. Les indicateurs dans le Pev, dans la Srmania N et d’autres indicateurs le prouvent. Selon Mme Awa Ndiaye, sage-femme et technicienne supérieure, coordinatrice Santé de la reproduction du centre de santé de Mbacké,  le nombre de femmes ayant effectué 4 Cpn est à 42%, alors que l’année n’est pas terminée. «Par rapport aux femmes enceintes qui ont pris la Sp3, c’est-à-dire les trois comprimés qui les préservent du paludisme, nous sommes à 49,92%. Pour les femmes sous Milda, nous sommes à 56,2%. Concernant les femmes qui ont été dépistées au Vih et à la syphilis, nous en sommes à 52,06%. Pour les accouchements assistés par un personnel qualifié, on est à 46,5%. Pour le nombre d’enfants ayant bénéficié d’un paquet de soins à la naissance, le district de Mbacké est à 53,5%», déclare Mme Awa Ndiaye.  Elle ajoute : «Toutefois, le district rencontre des difficultés pour le  nombre d’accouchées ayant effectué trois consultations prénatales, même si nous  faisons des pieds et des mains pour résoudre cette difficulté, nous sommes à 15%. Certes c’est faible, mais nous avons des stratégies que nous mettons en œuvre pour résorber ce gap», indique la coordinatrice Sr de Mbacké. Concernant la Planification familiale, le district a par contre fait des progrès. Il est à  12%.

A Mbacké, le taux des Infections sexuellement transmissibles (Ist) chez les adolescents et les jeunes dont le Vih/Sida inquiète. D’ailleurs, lors de la caravane de la presse initiée par la Direction de la santé  de la mère et de l’enfant (Dsme), en collaboration avec l’Association des journalistes en santé population et développement (Ajspd), la coordonnatrice du Centre conseil adolescents (Cca) a révélé que la maladie connaît une progression dans cette localité. «Rien que pour l’année 2023, ce sont 70 jeunes âgés entre14 et 24 ans qui ont été testés positifs au Vih. Des jeunes dont la plupart sont des filles célibataires en état de grossesse», déclare Ndèye Arame Sy Ndao. Le mois dernier, 7 cas positifs ont été décelés lors des tests organisés au centre de santé de Mbacké. «Et la majorité était des jeunes garçons qui ont entre 20 et 35 ans», révèle-t-il. D’où l’importance, pour la coordonnatrice Cca de Mbacké, de leur assurer un accompagnement psychosocial jusqu’à la naissance de l’enfant.

En plus des filles, elle a indiqué aussi que les Ist touchent aussi les garçons. Ainsi, pour conduire les adolescents et les jeunes à un changement de comportements, le Cca  fait de la sensibilisation pour les Ist au niveau des écoles et alentours. Sauf à Touba. Le Cca a aussi distribué plus de 1000 préservatifs l’année dernière dans la zone.

Par ailleurs, le district sanitaire de Bambey est aussi touché par le Vih. Dr Marème Maty Dioum, médecin-chef adjoint du district sanitaire de Bambey, qui polarise 33 postes de santé et 54 cases de santé qui sont fonctionnels, expose une réalité : c’est la seule structure de prise en charge du Vih. «Dans notre cible active, nous sommes à 164 personnes vivant avec le Vih et parmi elles, 14 sont des personnes qui ont moins de 18 ans. Pour le Vih, il y a des perdus de vue mais pas dans cette tranche d’âge», renseigne Dr Marème Maty Dioum.

Toutefois, le district rencontre des difficultés aussi par rapport à l’observance, le district dispose d’une équipe pluridisciplinaire. «Mais, c’est un peu difficile de faire arrêter ces femmes l’allaitement. Nous avons eu récemment un cas qui avait déclaré  arrêter, mais par reflexe elle a allaité son enfant devant nous. C’est un peu difficile pour elles, c’est un contexte socioculturel où elles se doivent d’expliquer le pourquoi de cet arrêt», regrette le médecin-chef adjoint.  Selon Mme Dioum, «le plus important aujourd’hui serait de convaincre les malades à venir prendre leur traitement pour l’amélioration de  leur propre santé, mais aussi de la santé de toute la population qui est autour d’elles».

Le cas de Touba
A Touba, les autorités sanitaires misent sur la communication pour pénétrer la cible adolescents et jeunes. Dans cette cité religieuse, il fut un temps personne n’osait parler de questions liées à la santé de la reproduction. Aujourd’hui, avec le dynamisme des 40 Organisations communautaires de base (Ocb), appuyées par le district sanitaire Serigne Mbacké Madina de Touba, les enjeux liés à la santé de la reproduction sont bien compris par les populations. Mais, il faut que le terme «Planification familiale»  ne soit pas utilisé, car n’étant pas un terme approprié à Touba. Manel Fall, président des acteurs communautaires de Touba, expose la situation : «Le terme que nous utilisons, c’est xekh neff (lutter contre les grossesses rapprochées). Avec des explications nettes, claires et précises, on les oriente vers les méthodes contraceptives. Il faut comprendre que nous sommes dans une ville religieuse, dès que vous parlez de Pf, on pense que vous voulez limiter les naissances. C’est pourquoi nous insistons sur l’espacement des naissances.» Pédagogue sur la méthode, il enchaîne : «Mais aussi, on leur précise que c’est pour les femmes qui sont dans les liens du mariage et qui ont l’assentiment de leurs maris qui, parfois même, les accompagnent à venir dans la structure de santé.» Ils sont même accompagnés dans cette sensibilisation par les religieux qui, dans leurs sermons, parlent des bienfaits de l’espacement des naissances. Le président des acteurs communautaires insiste sur l’amélioration de la communication : «Maintenant, ce qu’il faut faire, c’est améliorer la communication. Nous pensons qu’à Touba, la première ville du Sénégal, il faut aussi prendre en compte que nous avons une population rurale dont beaucoup n’ont pas appris le français. Ce qui fait que l’aisance que vous avez dans les autres régions pour expliquer aux femmes les risques de maladies est différente. Vous allez consacrer plus de temps à Touba pour les explications pour que les gens comprennent. Je me souviens au début avec le Sida, on avait beaucoup de difficultés pour faire passer le message. Maintenant, ce n’est plus difficile pour nous.»

En plus de la communication, un autre écueil se dresse devant ces acteurs de la santé. Il s’agit de la sensibilisation sur la cible adolescents et jeunes pour discuter sur la santé de la reproduction. D’ailleurs, il n’y a pas de centre ado dans la cité religieuse à Touba vu la spécificité de cette ville. «Il y a une réalité, les filles sont données en mariage très tôt et elles continuent leurs études étant jeunes. Nous n’avons pas de centre ado pour les sensibiliser. En plus, il y a beaucoup de jeunes à Touba, il faut voir quelles stratégies allons-nous adopter, avec l’appui du district, pour les sensibiliser», espère Manel Fall. Il poursuit : «Nous travaillons en parfaite collaboration avec le district sanitaire de Touba pour lutter contre les maladies, à plus forte raison les décès maternels et néonatals. Le travail surtout des badienou gox dans la Pf n’est pas facile à Touba. Il fut un temps, c’était très difficile, mais aujourd’hui, c’est devenu plus facile.» Une nette avancée, évidemment !

Avortements et décès maternels, malnutrition : Les urgences à Bambey

Malgré un taux de prévalence de 14,6% pour la Planification familiale, le district sanitaire de Bambey connaît un taux élevé d’avortements. Selon Françoise Awa Guèye, maîtresse sage-femme du centre de santé de Bambey, il y a eu 47 avortements au mois de juin dernier dont 3 avaient fait la Planification familiale. Aujourd’hui, le centre de santé de Bambey vit aussi d’autres difficultés liées à la prise en charge des urgences, surtout chirurgicales. «Nous effectuons énormément d’évacuations au niveau de l’Hôpital régional de Diourbel par jour. Dans la journée, ça peut aller jusqu’à 10 évacuations et ce n’est pas sans conséquences. Les trois dernières années, nous avons enregistré au moins 6 décès maternels, même si aujourd’hui il y a une tendance baissière. Bambey a une population énorme : 422 mille 128 habitants en 2024. Elle mérite un hôpital de niveau 1, à défaut, un bloc opératoire qui pourra prendre en charge les urgences chirurgicales au niveau du département», plaide Djibril Thiaré, Point focal nutrition du centre de santé de Bambey. Selon lui, le site est déjà identifié dans le centre de santé. «Nous avons tout planifié, mais cela fait deux ans que nous avons des promesses et rien n’est encore fait. On aimerait que ce bloc soit ouvert pour sauver la population de Bambey. Les décès maternels que nous avons enregistrés étaient évitables et l’audit fait de ces décès nous le montre», regrette Djibril Thiaré.

En ce qui concerne la nutrition aussi, les signaux sont au rouge. Car, le centre de santé a enregistré au niveau du Centre de récupération nutritionnel (Cren) de Bambey, 11 décès l’année dernière. «Nous avons une prévalence qui est très élevée. Si on considère l’Eds 2023, le Sénégal est à 10% de Malnutrition aiguë sévère (Mas),  dans la Direction régionale de Diourbel dont Bambey fait partie, on est à 17,4. Ceci n’est pas sans cause, avant que l’enfant ne tombe dans la malnutrition, il traverse des épisodes durs. Soit c’est la nourriture, soit c’est une maladie qui conduit à la malnutrition», expose M. Thiaré.

Une situation due en partie à la rupture des intrants qui disparaissent parfois dans la chaîne alimentaire de l’enfant. «On ne les voit pas dans le circuit et nous avons un seul circuit d’approvisionnement et c’est la Pharmacie régionale d’approvisionnement (Pra). Donc, il faut qu’on nous aide à avoir la disponibilité en permanence pour pouvoir satisfaire les besoins au niveau de cette tranche d’âge», plaide le Point focal nutrition du centre de santé de Bambey.
Par Alioune Badara CISS-abciss@lequotidien.sn