SANTE – Projet de loi sur la médecine traditionnelle inscrit à la présente session du Parlement : L’Inter-ordres en colère menace

L’Inter-ordres a appris que le projet de loi sur la médecine traditionnelle est inscrit à la présente session de l’Assemblée nationale. Les ordres des professionnels de santé, très en colère contre le gouvernement, demandent à l’Etat de retirer le projet. Ils dénoncent un texte «dangereux» et prévient le chef de l’Etat d’un «crime rampant» intenté contre le Peuple si toutefois ce projet est voté.
Le projet de loi sur la médecine traditionnelle, tant décrié par l’Inter-ordres des professionnels de santé, sous le numéro 0024/2017, est inscrit à la présente session de l’Assemblée nationale. Une information rendue publique par l’Inter-ordres des professionnels de la santé lors d’un point de presse. Cela, malgré les alertes des ordres sur la «dangerosité» que revêtirait l’adoption d’une telle loi, mais aussi les promesses des représentants de l’Etat comme l’ex-ministre de la Santé et de l’action sociale, Awa Marie Coll Seck, qui avait promis des concertations avec l’Inter-ordres et également celles de l’ex-président du groupe parlementaire Benno bokk yaakaar, Moustapha Diakhaté. Les professionnels de santé ne comprennent pas les raisons «qui poussent le gouvernement à vouloir faire passer cette loi sous la table sans une large concertation de tous les acteurs. Seraient-ce des raisons politiques ?», s’interroge le président de l’Inter-ordres, Mamadou Kâ, qui demande à savoir.
Les professionnels des différents ordres, sur le pied de guerre, n’ont pas varié dans leurs propos. Ils demandent le retrait pur et simple de ce projet de loi «décousu» et «abject». Ils réclament à la place l’ouverture d’un cadre de concertation pour mûrir la réflexion. A défaut, les ordres qui n’en démordent pas promettent une lutte acharnée. «Une journée sans santé» et «on verra si cette médecine traditionnelle va régler le problème», menace le président de l’Inter-ordres. Une marche pour sensibiliser les populations sur les dangers de cette médecine est prévue ainsi que d’autres actions, y compris saisir les juridictions de ce pays pour le sauver de ce «crime rampant» intenté contre lui, soutient Dr Kâ.
«Une journée sans santé»
L’Inter-ordres, regroupant l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des pharmaciens et des docteurs vétérinaires, est le garant des règles déontologiques et des pratiques médicales. Son président indique qu’il ne peut pas cautionner une telle «forfaiture». Dr Kâ estime qu’il ne s’agit pas d’opposer la médecine moderne et celle traditionnelle, encore moins de la rejeter, «mais plutôt de créer les conditions favorables d’une valorisation des pratiques professionnelles positives qu’il faudrait encadrer et réglementer par des dispositions législatives sérieuses allant dans le sens de la sauvegarde de la santé publique», note-t-il. Poursuivant, il ajoute qu’à ce sujet, «on ne peut occulter l’avis des ordres d’autant plus qu’il est question de dispositions légales nouvelles concernant le domaine de la médecine». Surtout, rapporte le pharmacien Mouhamoudou Sow, qu’ils sont disposés à apporter leur contribution effective à l’élaboration et à l’encadrement d’une médecine traditionnelle sans danger.
Revenant sur le texte, le pharmacien met en exergue le contenu qu’il juge «dangereux». «Le texte ne fait pas la différence entre le médecin, le chirurgien, le pharmacien. Dans ce texte, le praticien de la médecine traditionnelle est médecin, chirurgien, pharmacien et soigne toutes les maladies de la terre», alerte-t-il. Dr Mamadou Kâ y voit une légalisation de la situation anarchique que la médecine traditionnelle a installée dans ce pays. «Ce n’est pas acceptable», tonne-t-il.
«Ce projet est un crime rampant intenté contre le Peuple»
Pour l’Inter-ordres, l’exposé des motifs ne peut en aucun cas justifier ni officialiser un corps de praticiens de la médecine traditionnelle encore moins d’un Conseil national des praticiens de la médecine traditionnelle du Sénégal. «Les 85% de recours à cette médecine non conventionnelle, publiés par l’Oms, ne sauraient constituer une motivation rationnelle à cette pratique», souligne Dr Kâ. Tout au contraire, déclare-t-il, «cette affirmation traduit de manière concrète une insuffisance du système de santé et devrait pousser les autorités à investir dans la formation académique de praticiens qualifiés, mais surtout le développement d’infrastructures contenant des plateaux techniques aptes à soulager la souffrance des populations». Il s’y ajoute, relèvent les professionnels de la santé, que la référence à cette médecine non conventionnelle manque de pertinence dans la démarche «car, note le président de l’Inter-ordres, à ce jour aucune évaluation n’a été faite. Si l’on n’y prend garde, on ne pourra que constater les dégâts après», prévient-il.
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