Santé – Utilisation des antibiotiques dans le monde : Plus de 10 millions de personnes risquent de mourir d’ici 2050

L’utilisation abusive des antibiotiques est une menace sur la santé publique. Pr Moussa Seydi, chef du Service des maladies infectieuses du Centre national hospitalier universitaire de Fann, a annoncé, mercredi, avoir préparé un guide d’antibiothérapie destiné aux praticiens et dont l’ambition est de limiter les dégâts liés à la résistance aux antimicrobiens. Par Justin GOMIS –
La résistance aux antimicrobiens est un problème de santé publique. Et si l’on n’y prend pas garde, «les conséquences pourraient être désastreuses». Car il y a une réelle menace sur la vie des populations. D’après Serigne Mbaye, Secrétaire général du ministère de la Santé et de l’hygiène publique, «si on ne fait rien d’ici 2050, on va enregistrer une dizaine de millions de morts dans le monde, aussi bien des adultes que des enfants».
Et la situation est plus critique, poursuit-il, «dans les pays les plus démunis». A l’en croire, «que ce soit au niveau de la santé humaine, animale, de l’agriculture ou de l’élevage, l’utilisation abusive et incontrôlée des antibiotiques aboutit à ce phénomène». Ainsi, pour lui, «il est important qu’on fasse des actions au Sénégal, qu’on développe des stratégies pour amener tout le monde, les politiques, les acteurs, les praticiens, les prescripteurs d’ordonnances, ceux qui sont chargés de soigner, à œuvrer ensemble pour que la résistance aux antimicrobiens soit vaincue».
Mais, pour le Secrétaire général du ministère de la Santé et de l’hygiène publique, il faudrait une conjonction afin d’arriver à disposer de moyens et de stratégies pour vaincre ce phénomène. «Il faudrait mobiliser tout le monde et tout le secteur pour faire de la lutte contre la résistance aux antimicrobiens une activité à succès», a-t-il dit. D’ailleurs, c’est toute la pertinence de la Journée nationale de sensibilisation et de plaidoyer organisée hier pour renforcer la lutte contre la résistance aux antimicrobiens.
Cependant, de l’avis de Serigne Mbaye, cela passe nécessairement par une sensibilisation. «Il faut déjà qu’on comprenne que les antibiotiques, ce n’est pas quelque chose qu’il faut tout le temps utiliser, on ne doit pas, pour n’importe quoi, utiliser des antibiotiques. On ne peut pas les utiliser n’importe comment, parce qu’à terme, ça finit par ne pas pouvoir soigner. Et la personne qui est sujette à des infections ne peut plus être soignée par des antibiotiques parce qu’elle développe des résistances», a-t-il expliqué.
Abondant dans le même sens pour appuyer sur les méfaits de l’utilisation abusive des antibiotiques, le Pr Moussa Seydi soutient : «On peut vous donner un médicament en vous disant que c’est un antibiotique alors que ce n’en est pas un en réalité : si vous le prenez, vous risquez de mourir de votre infection. Celui qui vous vend le médicament ne connaît ni la posologie, même si c’est un vrai médicament, ni la durée d’utilisation. Si ce médicament n’est pas utilisé à bon escient, il va favoriser la sélection de bactéries résistantes contre lesquelles on ne pourra rien. Il faut aussi des moyens. Il y a des tests de diagnostic rapide qu’il faut faire dans certains cas afin d’éliminer une affection bactérienne et ne pas prescrire un antibiotique.»
Et c’est dans ce sens que Dr Mame Awa Ndoye, directrice de la Qualité, de la sécurité et de l’hygiène hospitalières, a estimé qu’il était temps de lancer cette journée de sensibilisation en vue d’attirer l’attention non seulement des décideurs, mais aussi des directeurs, des responsables de structures, des prescripteurs, quel que soit le corps médical, paramédical, et toutes les personnes qui usent des antibiotiques. «Il faut aussi sensibiliser la communauté, quel que soit son niveau d’intervention», enchaîne-t-il. Toutefois, pour lutter contre ce phénomène qui commence à prendre de l’ampleur dans le pays, Dr Mame Awa Ndoye pense «qu’il faut un plan national de communication, la formation des prescripteurs, une digitalisation pour rendre accessible la prescription, un réveil national pour que toutes les couches de la population soient conscientes que les antibiotiques ne sont pas des bonbons et qu’ils restent des substances».
Pr Moussa Seydi élabore un guide d’antibiothérapie
Un avis partagé par le Pr Moussa Seydi, chef du Service des maladies infectieuses au Centre hospitalier national de Fann, qui trouve que les prescripteurs doivent être formés pour mieux appliquer les règles du bon usage des antibiotiques. «S’ils ne le font pas, leur responsabilité est engagée», a-t-il souligné, sans oublier de préciser que leur mission est de faciliter le bon usage des antibiotiques. C’est pour cette raison qu’un guide d’antibiothérapie a été élaboré par le comité qu’il a dirigé. Mais pour une meilleure application de ce document, l’infectiologue plaide pour la confection d’une application. «Ces applications pourront être téléchargées sur les téléphones. Et n’importe quel praticien aura le guide dans sa poche et pourra le consulter en urgence, parce que n’est pas tout le temps qu’on peut aller voir des livres. Il faut parfois agir en urgence», a-t-il soutenu. En plus de ce guide, le comité a rédigé un manuel de procédure qui sera présenté ce mois de septembre 2025 au niveau des maladies infectieuses. «Ces procédures sont essentielles. Dans chaque structure, il devrait exister des procédures. Si les procédures n’existent pas, le personnel peut ne pas faire un sondage urinaire dans les règles, une ponction pleurale. Ils ne peuvent pas faire certains gestes médicaux dans les règles», a-t-il remarqué.
L’objectif de cette journée est de sensibiliser les communautés en créant des messages clairs pour qu’elles sachent qu’utiliser un antibiotique sans en avoir besoin est un danger pour la personne et aussi pour la communauté. D’ailleurs, les acteurs demandent à ce que les antibiotiques ne puissent pas être vendus sans ordonnance et à éliminer les sites où on les vend illicitement, comme c’est le cas à Keur Serigne Bi.
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