Scandale Softcare : L’ARP EN EFFERVESCENCE

L’actualité sanitaire au Sénégal est secouée par une crise sans précédent. Au-delà du scandale des produits Softcare, c’est désormais la crédibilité de l’Agence de réglementation pharmaceutique (Arp) qui est mise en cause. Le Sames tire la sonnette d’alarme sur un système de régulation au bord de l’implosion. Selon le syndicat, l’affaire Softcare, ces produits d’hygiène suspectés d’être fabriqués avec des matières périmées, n’est que la face émergée de l’iceberg.
Par Justin GOMIS – Ce qui n’était au départ qu’une suspicion d’utilisation de matières premières périmées par l’usine Softcare de Sindia est devenu le catalyseur d’une crise institutionnelle. Pour le Syndicat autonome des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes du Sénégal (Sames) de la section Arp, cet épisode n’est pas un accident de parcours, mais le «point culminant d’un malaise institutionnel profond». Alors que la mission de l’Arp est de garantir la qualité et la sécurité des produits de santé, l’affaire Softcare a révélé des failles béantes dans le contrôle et la prise de décision au sommet de l’agence.
Un réquisitoire contre la gouvernance de l’Arp
Dans son communiqué du vendredi 19 décembre 2025, le Sames dresse un portrait dévastateur de la direction de l’institution. Les griefs ne sont plus seulement techniques, ils touchent à l’éthique même de la Fonction publique : le syndicat dénonce des nominations basées sur les liens familiaux plutôt que sur la compétence, fragilisant l’expertise scientifique de l’agence. Pour le Sames, des «soupçons sérieux» pèsent sur la transparence des processus, suggérant que des intérêts privés auraient pris le pas sur la protection de la santé publique. Le Sames relève une gestion solitaire qui exclut le personnel technique des décisions stratégiques, créant une démoralisation profonde chez les experts de la régulation.
Un danger direct pour la santé des Sénégalais
L’analyse du Sames est sans appel : une agence de régulation affaiblie est une porte ouverte aux dangers sanitaires. «Toute fragilisation de l’Arp a des conséquences directes sur la sécurité sanitaire des citoyens et sur la lutte contre les médicaments de qualité inférieure ou falsifiés.» Si l’organe censé être le «gendarme du médicament» est lui-même soupçonné de dysfonctionnements internes, c’est toute la chaîne de confiance qui s’écroule. De la mère de famille utilisant des couches pour son nourrisson au patient dépendant de médicaments importés, chaque citoyen devient vulnérable.
L’arbitrage de l’Etat : l’ultime recours
Après avoir épuisé les voies de dialogue interne, le Sames a officiellement saisi les plus hautes autorités de l’Etat. L’enjeu dépasse désormais le cadre sectoriel de la santé : il s’agit de restaurer l’autorité de l’Etat et la crédibilité internationale du Sénégal, qui ambitionne d’atteindre le niveau de maturité 4 de l’Oms pour la production locale de vaccins et de médicaments.
C’est dans ce climat de suspicion générale que Dr Bamba Sow, pharmacien-inspecteur à l’Arp, a choisi de briser le silence. Visé par des attaques personnelles, il oppose à ses détracteurs son serment professionnel et une ligne de défense empreinte de références politiques fortes. Rappelant son engagement à exercer avec «honneur, probité et désintéressement», le Dr Sow rejette catégoriquement des accusations qu’il qualifie de «fausses, malveillantes et indignes». Dans une posture qui rappelle celle de son leader politique, Ousmane Sonko, il lance un défi public : «Je mets publiquement au défi toute personne prétendant m’avoir remis un quelconque avantage financier de venir le dire ouvertement devant le Peuple sénégalais.»
La gestion de ce dossier par le gouvernement sera un test majeur. Une chose est sûre : l’affaire Softcare a ouvert une boîte de Pandore que seul un assainissement radical de la régulation pharmaceutique pourra refermer. Alors que les plus hautes autorités de l’Etat ont été saisies par le syndicat, le temps de l’émotion et des serments pourrait bientôt laisser place à celui des enquêtes administratives et judiciaires. L’affaire Softcare n’est plus seulement un dossier industriel à Sindia ; elle est devenue le miroir des tensions éthiques et politiques qui minent la boîte. La vérité, comme le souhaite Dr Sow, devra triompher pour restaurer la confiance des populations.
justin@lequotidien.sn

