Depuis la publication des rapports des organes attitrés de contrôle de l’Etat du Sénégal suite à l’ordonnance du chef de l’Etat, Son Excellence Bassirou Diomaye Diakhar Faye, le 17 avril 2024, de publier les rapports des 5 dernières années, les débâcles financières et foncières s’enchaînent. Qu’il s’agisse des rapports de l’Ige, de l’Ofnac ou encore de la Cour des comptes, ces affaires montrent le visage d’une partie peu reluisante de la gestion faite antérieurement. Gestion dans laquelle l’appât de l’enrichissement personnel semble faire oublier toute notion de résultat et de la bonne gouvernance.
Alors que l’actualité récente a illustré la gravité et l’implication de hautes autorités dans le carnage de nos finances et la dilapidation de nos terres au profit d’un groupe de personnes appartenant le plus souvent au camp du pouvoir sortant pour la majorité, à notre modeste échelle, dans notre analyse, nous ne définissons pas forcément ce que l’on détecte comme une simple faute de gestion. Ce que nous avons observé après exploitation à fond de ces différents rapports, n’est uniquement qu’une volonté expressément manifeste de nuisance et d’auto-enrichissement personnel d’un clan. C’est un spectre de comportements à partir de la comptabilité. La comptabilité mélange à la fois l’extra-financier, c’est-à-dire les comportements éthiques des acteurs, et le financier, soit les chiffres eux-mêmes.
En effet, la complexité de certaines pratiques des dirigeants de structures publiques ou parapubliques de puiser frauduleusement dans les fonds réservés à conduire un programme ou un projet devant contribuer significativement à alléger les conditions des Sénégalais utilisés pour maximiser leurs avoirs personnels d’une part, le silence répréhensible et l’aveu lors de son grand entretien avec la presse le 31 décembre 2020 du Président Macky Sall, d’autre part, ont fini d’ouvrir impitoyablement le pays dans la mal gestion et l’impunité qui sont empreintes de lourdes conséquences. Quelle prouesse diabolique et satanique d’irresponsables véreux !
Les symptômes quasi-concomitants surtout, et particulièrement inquiétants de ces rapports montrent que le mal est profond et qu’il faudrait vraisemblablement que le «juub, juubal, juubantii» ne soit, à l’image de ses aînés de «la gouvernance sobre et vertueuse», «la Patrie avant le parti», «le Sénégal de tous pour tous», qu’un vain un cri de ralliement pour endormir le Peuple.
Or, contrairement à la tonne que pesait le «coude» d’alors de Macky Sall posé sur beaucoup de dossiers brûlants qui méritaient des éclaircissements pour soit protéger des alliés, soit les utiliser comme arme de chantage contre des adversaires politiques, le Président Diomaye semblerait user d’une brise pour lever la tonne de ce coude qui favorisait l’impunité dévastatrice de tout espoir de voir la vérité jaillir et des sanctions poindre. En ordonnant à la Cour des comptes, à l’Office national de lutte contre la corruption, tout comme à l’Inspection générale d’Etat de publier les rapports des cinq dernières années, le mercredi 17 avril 2024, mister Président a ainsi confirmé la rupture. Imprimant ainsi la nouvelle démarche dans la gestion des finances et par ricochet la voie à suivre dorénavant. Sur ce, nous voyons que le temps de la transparence dans la gestion des derniers publics a sonné.
Au demeurant, si l’élection du 24 mars 2024 ayant plébiscité le candidat Diomaye au premier tour est un événement marquant de l’histoire politique du Sénégal, son courage politique de faire publier les rapports n’en demeure pas moins. Va-t-il continuer sur cette lancée ou va-t-il opter pour des arrestations ciblées comme l’ont fait ses devanciers ?
En y pensant bien, le Président Faye et son équipe ne tomberont pas dans la désuétude, la paresse, l’arrogance et la couvrance en érigeant comme valeurs la transparence et l’information tout au long de leur gestion, en bannissant l’impunité. La transparence et l’information dans la gestion de nos derniers publics, devenues une demande voire une exigence sociale et sociétale à laquelle tout dirigeant doit se conformer, guideront certainement leurs actions.
Par ailleurs, la publication, au grand jour, de ces rapports a permis de voir plus les scandales financiers et fonciers les uns plus rocambolesques que les autres que nous n’avons jamais imaginés, diaboliques, malveillants et sadiques que certains Sénégalais ont perpétrés durant ces années de gestion. Pourtant, le pays leur a tout donné et malgré cela, dans l’exercice de leurs fonctions, ils se sont adonnés à une telle mafia dont nul n’a besoin d’être expert pour voir soi-même qu’il y a eu des malversations, des détournements et de la surfacturation sans retenue. Ironie du sort, au moment où une partie du Peuple souffre de manque d’eau, manque d’électricité, d’impraticabilité des pistes de production, d’enclavement, manque d’infrastructure de base, d’un système sanitaire et éducatif défaillant…, d’autres Sénégalais s’amusaient à piller nos maigres moyens par des montages financiers saugrenus et se taper des centaines d’hectares, des villas luxueuses et des voitures rutilantes sur le dos plein de boue, de sueur et parfois de sang des Sénégalais goorgoorlu. Quelle injustice !
L’injustice a existé et le Peuple a sanctionné. Cette galopante injustice de ces 5 dernières années doit cesser, de même que l’impunité. Autrement dit, il faut donner les pleins pouvoirs à la Justice. Il faut laisser exclusivement à la Justice le travail qui lui permet de faire le suivi et de voir là où il faut sanctionner sans complaisance. Que tous ceux qui ont porté un préjudice au Peuple paient dans la rigueur qui sied.
Chemin faisant, avec le changement de régime et la publication de rapports, l’espoir semblerait naître car les persécutés d’hier, nouvellement élus aujourd’hui, sont tenus pour ne pas faillir à leurs promesses et au pacte de changement qui les lie à la jeunesse en particulier, au Peuple en général de se conformer. Se conformer, c’est arpenter une nouvelle démarche. Cette nouvelle étape de la marche doit donner le tempo à suivre sur le chemin de la gestion financière et comptable de nos deniers publics et sur notre foncier. Au-delà de la simple publication de ces rapports financiers et comptables, et leur consignation dans des documents de synthèse, nos finances publiques portent encore les stigmates d’un vampirisme financier sans pitié. Ces rapports constituent une trame de fond qui révèle en filigrane que le nouveau régime doit apporter des changements structurels et conjoncturels dans la gestion de nos ressources et dans l’information.
«Osons le changement.»
Nicolas Silandibithe
BASSENE