Les pays africains n’investissent pas suffisamment dans la recherche agricole. L’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri), qui fait ce constat grâce à son programme Asti sur les indicateurs relatifs aux sciences agricoles, constate un vieillissement des chercheurs.

La recherche est le parent pauvre des investissements dans le secteur agricole en Afrique. C’est le constat fait par le programme Asti sur les indicateurs relatifs aux sciences agricoles, de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (Ifpri) qui vient de publier un rapport de synthèse pour l’année 2017. Dans celui-ci, il constate que dans de nombreux pays africains, on note une tendance «à privilégier d’autres postes budgétaires, tels que les subventions agricoles et l’irrigation, au détriment de la recherche». Si les dépenses en recherche agricole en Afrique au sud du Sahara ont augmenté de près de 50% entre 2000 et 2014, l’Ifpri constate cependant que le sous-investissement persiste.
A preuve, «33 des 40 pays pour lesquels des données étaient disponibles dépensaient moins de 1% de leur Produit intérieur brut (Pib) agricole dans la recherche agricole». Selon l’Ifpri, le problème des ressources humaines se pose clairement dans la mesure où «les qualifications des ressources humaines assignées à la recherche agricole laissent aussi à désirer». Une des raisons à cette situation est sans doute liée au vieillissement des chercheurs. «La moitié des chercheurs agricoles titulaires d’un docto­rat/PhD avaient passé le cap des 50 ans, même de 60 ans, cette proportion s’élevant à plus de 70% dans des pays tels que le Tchad, le Mali, la Namibie, la Sierra Leone et le Swaziland». L’étude qui cite le chef du programme Asti, Nienke Beintema, indique qu’il est clair que «des investissements visant le long terme dans la recherche agricole résulteront en une productivité accrue, une nutrition plus saine, des revenus plus élevés et, pour finir, en une sécurité alimentaire plus répandue». Ce qui ne peut se faire «sans l’engagement des parties prenantes dans chacun des pays concernés à assumer les coûts pour maintenir des effectifs adéquats de chercheurs et des infrastructures institutionnelles bien entretenues». Pour changer la situation, l’Ifpri préconise «de diversifier les sources dont sont tirés les financements de la recherche agricole afin d’éviter une trop lourde dépendance vis-à-vis des bailleurs de fonds».
Cette dépendance vis-à-vis des bailleurs, le Sénégal en donne une illustration puisque l’Ifpri constate que l’augmentation des dépenses de la recherche agricole au cours des dernières années est principalement due au doublement des salaires des chercheurs de l’Institut sénégalais de recherche agricole (Isra) et aux dépenses consacrées aux programmes et infrastructures de recherche depuis le lancement de la phase II du Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique (Pddaa) financé par un prêt de la Banque mondiale. Le rapport de l’Ifpri révèle l’existence d’un important écart entre ce que les pays investissent actuellement et ce que, d’une façon réaliste, ils pourraient investir. «En tenant compte de ces critères, l’on constate que des pays tels que le Ghana, le Kenya, l’Île Maurice, la Namibie, l’Ouganda et le Zimbabwe sont en passe d’atteindre des niveaux réalisables d’investissement dans la recherche agricole tandis que d’autres comme le Tchad, le Gabon, Madagascar, le Niger et le Togo pourraient investir beaucoup plus», indique Gert-Jan Stads, cadre supérieur du programme Asti. En 2014, le Sénégal investissait 1,15% de sa production agricole dans la recherche, contre 0,63% en 2012, la cible minimale fixée par l’Union africaine et les Nations unies étant de 1% du Produit intérieur brut agricole (Piba).

mamewoury@lequotidien.sn