Secret défense, secret de l’instruction : Ces dispositions «abusives»

Le Pr Amsatou Sow Sidibé a relevé que certaines dispositions du Code de la presse empêchent les journalistes de divulguer des informations classées «secret défense ou secret de l’instruction». Mais pour le Directeur exécutif d’Amnesty Sénégal, Seydi Gassama, il s’agit là, de dispositions utilisées de façon «abusive» pour permettre à l’Etat d’échapper à son obligation de rendre compte.Par Mame Woury THIOUBOU –
Le journaliste Pape Alé Niang est en prison depuis quelques semaines. Accusé d’avoir divulgué des documents classés «secret défense», il encourt une lourde peine de prison s’il est condamné. Même si son nom n’a pas été prononcé par les panelistes du Gingembre littéraire, qui s’est ouvert ce jeudi à Dakar, Pape Alé Niang a été au cœur des discussions durant le panel portant sur : «La liberté d’expression est-elle sans limite ?» A cette question, l’universitaire, Pr Amsatou Sow Sidibé, répond que la liberté absolue n’existe tout simplement pas. Evoquant une disposition du Code de la presse, l’article 5 en l’occurrence, qui stipule que «le journaliste et le technicien des médias ont droit au libre accès à toutes les sources d’information et d’enquêter sans entraves sur tous les faits d’intérêt public, sous réserve du respect du «secret-défense», du secret de l’enquête et de l’instruction et de la règlementation applicable à l’accès à certains sites ou structures», le Pr Sidibé met en garde la presse en soulignant que la violation de ces dispositions peut être source «d’instabilité». Une position que ne partage pas Seydi Gassama. Pour le Directeur exécutif d’Amnesty international Sénégal, «la liberté de presse est au centre de toutes les autres». Il estime ainsi que ces dispositions sont utilisées «abusivement» par l’Etat pour «faire taire la presse». Revenant sur les informations qui ont valu à Pape Alé Niang d’être embastillé, entre autres des messages de la police et du groupement des sapeurs pompier, Seydi Gassama indique de toute façon, «la police n’a pas à cacher des informations. Et cela ne peut pas être du secret défense». Selon le défenseur des droits humains, secret défense et autres ne sont que «des notions fourre-tout et des outils permettant aux Etats de se soustraire à leur obligation de rendre compte». L’affaire des achats d’armes de guerre par le ministère de l’Environnement, un autre scandale traité par la presse, est aussi loin d’être un secret. Selon M. Gassama, les règles en vigueur au sein de la sous-région, dans le cadre de la lutte contre la prolifération et le trafic des armes légères, obligent l’Etat sénégalais à déclarer ses achats d’armes aux pays voisins. M. Gassama de rappeler une jurisprudence de la Cour africaine des droits de l’Homme qui a statué sur une affaire d’emprisonnement d’un journaliste en estimant que la peine était «disproportionnée». Aussi, dit-il, «aucun juge ne devrait ignorer l’arrêté de la Cour africaine des droits humains». Le Sénégal doit être en adéquation avec ses engagements internationaux, souligne-t-il.
mamewoury@lequotidien.sn