Jadis éléments essentiels de toutes les manifestations, les griots de Sédhiou se sentent désormais écartés du jeu populaire. Les dernières élections ont montré l’arrivée en force des animateurs sur la scène publique.

Par Seydou Tamba CISSE – Le griot, une fonction d’historien et de médiateur social traversant les générations, perd sa valeur aujourd’hui, surtout avec l’avènement des nouvelles technologies. Et bon nombre d’entre eux broient du noir dans cette campagne électorale qui vient de s’achever. Adji Diabaté, fille d’un célèbre griot mandingue, reconnaît que les griots ont perdu de leur aura. Elle souligne qu’avant, ce sont les griots qui faisaient tout. «Nous sommes les communicateurs mais maintenant, ce sont les animateurs qui ont pris notre place.» Nostalgique, elle regrette les fêtes d’antan où les griots jouaient toujours les premiers rôles. «Etre griotte maintenant, cela ne rapporte pas. S’il y a une manifestation, tu vas prendre ton petit micro et chanter pour qu’on te donne de l’argent. Mais, on ne te prend pas pour faire des publicités ou autre chose. Ce sont les animateurs qui font ça. Nous n’assurons plus ce rôle-là», constate-t-elle. Une autre griotte, avec une voix désespérée, abonde dans le même sens que Adji Diabaté. Elle affirme qu’aujourd’hui les animateurs ont pris leur place. «De nos jours, ce sont les animateurs qui font beaucoup plus que les griots. Ce sont eux qui gagnent de l’argent en ce moment, parce qu’ils font la plupart des publications.»
Du côté des animateurs, ce sont des arguments liés à la modernisation qu’on oppose. Massy Thiam Konté, jeune animateur de Sédhiou, pense que c’est l’avancée de la technologie qui serait à la l’origine de ce léger changement. «Puisque maintenant, on parle de mondialisation, de modernisation aussi. A chaque fois que les gens ont besoin de maîtres de cérémonies, ils font appel à nous. On parle d’avancement par rapport à ça, parce que les gens ont besoin de parler français des fois, dans les meetings.» Il souligne néanmoins que les animateurs n’ont pas pris la place des griots. «Ce que les griots peuvent faire, les animateurs ne le peuvent pas». Djiby Ndao, descendant d’une famille de griots, regrette l’attitude de la nouvelle génération. «A mon humble avis, je trouve anormal que les griots soient actifs juste quand il y a un événement. Un artiste doit être tout le temps actif, s’il veut se faire connaître. C’est pour cette raison que les animateurs ont pris la place. Parce qu’ils sont en contact avec la matière. Même à la radio et à la télévision, les animateurs sont toujours au-devant de la scène. Par exemple dans l’année, on peut voir à Sédhiou, un artiste qui ne fera qu’un concert et c’est fini. Ce n’est pas du tout sérieux. Toute personne doit être fière de ce qu’elle est. C’est la raison pour laquelle certains artistes ne sont visibles qu’en période de campagne ou en préparation d’un album. Un artiste doit faire des recherches. Ici à Sédhiou, la plupart des artistes ne jouent que périodiquement», dit-il. Déten-teurs de cet art du geste qui galvanise, des mélodies et des chants, les griots commencent à disparaître du paysage.
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