Ce 5 février, à l’initiative du réseau panafricain Arterial Network et du réseau malien Kya, «le rôle des réseaux panafricains dans la promotion des diversités culturelles et des industries culturelles et créatives en Afrique» était au cœur des échanges.

Si leur importance est incontestable sur le continent, les réseaux panafricains du secteur culturel doivent faire face à d’innombrables défis pour s’imposer. «Un réseau, c’est certes le financement. Mais, ce sont aussi et surtout du leadership et de la structuration. Et c’est ce qui pénalise beaucoup de structures culturelles en Afrique.» Cette phrase, qui résonne comme un constat implacable, peut résumer à elle seule cette rencontre qui a réuni les acteurs culturels présents à la 21e édition du Festival sur le Niger (4 au 9 février 2025) à Ségou au Mali. Ce 5 février au Centre culturel Kôrè, à l’initiative du réseau panafricain Arterial Network et du réseau malien Kya, «le rôle des réseaux panafricains dans la promotion des diversités culturelles et des industries culturelles et créatives en Afrique» était au cœur des échanges. Dans sa prise de parole introductive, Dr Hamadou Mande, opérateur culturel burkinabè, président du Festival international de théâtre et de la marionnette de Ouagadougou (Fitmo), a rappelé que dans un contexte où les financements restent précaires et où les initiatives culturelles souffrent d’un manque de soutien institutionnel, les réseaux panafricains constituent un précieux outil de mutualisation des efforts et de plaidoyer. Ils offrent en effet aux artistes et aux opérateurs culturels, une visibilité accrue, un accès à des opportunités et des espaces de dialogue pouvant influencer les politiques publiques. «Tout part d’une rencontre. Notre secteur, tout comme la vie, est basé sur les rencontres. Nous nous rencontrons, nous échangeons, nous collaborons, etc. Et les réseaux ont toujours permis ces interactions», confie-t-il.

A sa suite, Lassine Koné de l’Association Cultures-En­semble de la Guinée et les journalistes Lamine Ba du Sénégal et Eustache Agboton du Bénin ont partagé leur expérience en ce qui concerne l’importance des réseaux dans le développement des carrières, mais aussi la structuration du secteur culturel. Pour ces derniers, les réseaux panafricains jouent un rôle incontestable dans le secteur. Pour peu qu’ils soient structurés et que les efforts soient orientés dans le même sens.

Une puissance limitée
Et c’est là que le bât blesse. Rappelant les nombreux défis auxquels il est confronté à la présidence du réseau panafricain Arterial Network, le Sénégalais Babylas Ndiaye a laissé entendre que l’absence de gouvernance claire, le manque de relais nationaux efficaces constituent des difficultés pour structurer des actions pérennes. Le constat est que la majorité des réseaux fonctionnent en réaction aux crises plutôt qu’en anticipation des besoins réels du secteur. De fait, conclut un par­tici­pant, «nous avons des réseaux qui existent sur le papier, qui s’animent lors des grandes rencontres, mais dont l’impact reste limité sur le terrain».

L’un des paradoxes relevés lors de cette rencontre est que si le manque de financement est souvent évoqué comme un frein, il masque parfois des carences plus profondes : une absence de stratégie à long terme et de leadership structurant. Certains réseaux bénéficient de fonds internationaux, mais sans une gestion efficace et des mécanismes de gouvernance solides, ces ressources ne produisent pas d’effets durables.

Dans ce sens, des voix se sont élevées pour appeler à un changement de paradigme et inviter les réseaux à se doter de modèles d’organisation robustes, à développer des mécanismes d’auto-financement et renforcer leur capacité de gestion. C’est notamment la position de Dorothée Dognon, opérateur culturel du Bénin, qui a martelé qu’un réseau qui dépend uniquement des bailleurs est un réseau vulnérable. Et qu’on devrait développer des mécanismes flexibles pour diminuer la dépendance vis-à-vis des bailleurs, à défaut de s’en affranchir.

Nouvelle dynamique
Ces pistes, Babylas Ndiaye dit les envisager pour une renaissance du réseau Arterial Network. Car si les défis sont nombreux, les solutions existent. Tenant compte des limites du passé, certains réseaux commencent à expérimenter de nouveaux modèles plus autonomes et plus inclusifs, en renforçant leurs bases locales et en professionnalisant leurs méthodes de gestion. Même s’il n’a pas été évoqué lors de cette rencontre, l’exemple du réseau Kya des acteurs culturels du Mali est assez novateur. En effet, ce dernier mise sur une approche participative et un financement hybride mêlant adhésions, prestations de services et partenariats stratégiques. «Nous avons besoin de réseaux forts pour arriver à fédérer les énergies. J’ai le sentiment que cette rencontre a permis que chacun comprenne que les réseaux doivent se renforcer dans ce sens», espère Dr Hamadou Mande. Il explore ainsi l’idée d’unir les forces des différents réseaux pour créer une dynamique d’ensemble afin d’éviter de disperser les efforts et d’assurer une action plus cohérente à l’échelle continentale.

Mais sans une structuration solide et une vision stratégique, l’impact des réseaux reste limité. Alors que l’heure est venue pour eux de dépasser leur simple existence formelle pour devenir de véritables acteurs de transformation. Il ne suffit plus d’exister. Il faut désormais bâtir des réseaux efficaces, résilients et ancrés dans une dynamique de changement durable. «Ce n’est pas le nombre de réseaux qui fera notre force, mais leur capacité à se structurer et à peser dans les décisions qui façonnent notre avenir», conclut l’opérateur culturel burkinabè. La signature, lors de cette rencontre, de conventions de partenariat entre différents réseaux constitue déjà une première étape vers cette synergie.
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