Ce slogan de campagne électorale et de programme politique de Donald Trump est, sans nul doute, le fondement essentiel de ce qu’on peut entendre par «esprit patriotique». Il s’agit là, de la mentalité qui prend racine dans le cœur du citoyen et rythme toute sa vie au sein de la communauté nationale. On retrouve ce cri du cœur dans l’hymne national allemand, «Deutschland über alles» (l’Allemagne par-dessus tout), qui, dans l’histoire de ce pays, était un appel à l’unité nationale depuis la dislocation du «Saint-Empire romain germanique» jusqu’à la partition de l’Allemagne entre les deux blocs idéologiques d’après deuxième grande guerre. Ce rappel de l’exemple de la première puissance militaire mondiale et de la première puissance économique européenne, est destiné à souligner que la voie royale du développement d’un pays passe nécessairement par la réussite de son unité et sa cohésion nationales. Il n’est de secret pour personne que, comme le chante notre «Star planétaire» Youssou Ndour «mbooloo moy doole», c’est l’union qui fait la force ; mais, «la force de qui ?», s’était interrogé le philosophe et journaliste Emile-Auguste Chartier dit Alain.

Bien évidemment, ici, c’est la force d’une Nation, la Nation sénégalaise, seule en mesure de relever tous les défis de son développement. Dans un précédent article, nous avions mis en exergue ce qui nous semblait être «la main de Dieu» dans la construction de l’Etat du Sénégal avec la succession des présidents ayant des personnalités différentes mais idéalement complémentaires, et qu’un expert invité d’une radio de la place a décrit comme un miracle, la succession dans la conduite du pays «de la sagesse de Léopold Sédar Senghor, de la finesse de Abdou Diouf, de l’intelligence de Abdoulaye Wade et du génie de Macky Sall». Quand on y ajoute aujourd’hui, l’engagement et la détermination patriotiques des dirigeants actuels, on ne peut qu’espérer l’acquisition par les Sénégalais de cette mentalité de «Senegal first», «Senegal über alles» : le Sénégal avant et par-dessus tout.

Le dialogue national convoqué par le chef de l’Etat, entre incontestablement dans cette perspective et s’inscrit dans la longue tradition bien de chez nous, celle du dialogue et de la concertation pour constituer des consensus forts sur lesquels les gouvernants puiseront les éléments de modernisation de nos institutions, mais surtout, d’élaboration et de conduite des politiques publiques. Il faut toutefois admettre que les résultats des dialogues politiques depuis les désormais historiques «Assises nationales», suivies des travaux de la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri), n’ont jamais été entièrement mis en œuvre par les différents régimes à part le «code consensuel» de 1992, malgré les engagements fermes pris avant et après leur adoption devant des personnalités de la dimension du juge Kéba Mbaye, du Professeur Amadou Moctar Mbow et du ministre d’Etat Famara Ibrahima Sagna. C’est le lieu de méditer sérieusement sur le crédit à accorder aux promesses faites par les leaders politiques, tant l’écart est grand entre les engagements pris et les actes effectifs posés. L’un des plus grands d’entre eux est allé jusqu’à dire, reprenant à son compte ces mots d’un autre homme politique (français), Henry Queuille, «Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent».

Dans un pays où la religion (musulmane, chrétienne et traditionnelle) est au cœur de la vie sociale, on peut se demander qu’est-ce qu’on fait de ce qui est considéré comme la parole de Dieu ? Le Coran (S.61 V.2 et 3) interpelle les croyant par la question «…pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ?» avant d’ajouter : «C’est une grande abomination de dire ce qu’on ne fait pas.» Plusieurs versets de la Bible vont dans le même sens avec ces terribles mots dans Ecclésiastes 5 : 4-6 «Mieux vaut ne rien promettre que de faire une promesse sans la tenir. Ne permet pas à la bouche de faire pécher ta chair…». Quand on voit ce qui se passe sous nos yeux et entend ce qui se dit, il y a bien matière à se demander si nos hommes politiques ont un brin de crainte révérencieuse à Dieu. La question se pose également au «revers de la médaille» : pourquoi les citoyens sont-ils si perméables au discours politique ? Les sociologues politiques sauront répondre à cette interrogation de façon plus précise. Toutefois, notre conviction est qu’il revient à la Société civile d’informer et de former utilement les citoyens dans l’exercice des droits et devoirs attachés à cette qualité, mais aussi, dans un esprit de partenariat responsable vis-à-vis des gouvernants, de les alerter sur les dysfonctionnements constatés dans la marche de l’Etat, mais surtout, de les aviser objectivement et les accompagner opportunément dans la conduite des affaires publiques.
A ce titre, à l’endroit des participants au dialogue, nous émettons les réflexions suivantes :
Sur l’organisation des institutions :
Bien qu’ayant fait la preuve de leur solidité, les réformes suivantes devraient être envisagées :
Le Conseil supérieur de la magistrature devra être constitué exclusivement de magistrats à l’exemple des autres ordres professionnels, pour la gestion de leur carrière et la discipline. Le pouvoir de nomination du président de la République doit être lié à leurs propositions, avec un choix multiple pour les fonctions dans les hautes juridictions ;
Un Haut-conseil de la justice pourrait être créé : organe consultatif non permanent, ne se réunissant que sur demande pour statuer sur toutes les questions liées à l’organisation et au fonctionnement de la Justice. Sa composition doit être inclusive de toutes les professions de Justice et des professeurs titulaires des universités ;
La Haute-cour de Justice est à supprimer pour non-conformité avec tous les principes des droits de l’Homme en général et du Droit pénal en particulier. Comme dans toutes les grandes démocraties, le président de la République et les membres du gouvernement devront être justiciables des juridictions de droit commun en application du Code pénal et du Code de procédure pénale. En cas de crime ou délit, le délai de prescription devra être suspendu pendant la période d’exercice des fonctions gouvernementales ;
Les parquets, détachés des juridictions de jugement pour intégrer les structures du ministère de la Justice, comme proposé par un député du parti au pouvoir, nous semble être une idée pertinente au moment où la question des pouvoirs exorbitants du procureur est régulièrement posée. Idée pertinente, dans la mesure où l’instauration d’un juge des libertés qui serait en charge exclusive de décider de la nécessité ou non de la détention préventive est souhaitée par tous. Ce juge pourrait être placé au niveau des Tribunaux de grande instance et serait chargé de statuer en référé sur les détentions préventives avec option d’appel pour toutes les parties devant une chambre spécialisée de la Cour d’appel à instituer également.
Sur le système électoral
La suppression du scrutin de liste et son remplacement par le scrutin uninominal, aussi bien des députés que les maires et présidents de conseil départemental, permettra d’avoir des élus tirant leur légitimité directement du suffrage des citoyens et non plus de la volonté des leaders politiques.
Les sièges des députés, des conseillers départementaux et municipaux devront être répartis respectivement, par département, par commune et par village ou quartier.
Le système de parrainage est à maintenir sauf pour les conseillers municipaux qui devraient être désignés par les comités de quartier ou de village suivant un quota calculé sur la base des inscrits au fichier électoral. La mise en place d’un système de collecte électronique relié au fichier électoral peut éviter les inconvénients de la collecte manuelle. Pour le contrôle des parrainages, il faudra créer une commission technique inclusive d’experts et de représentants des candidats d’abord au niveau départemental pour les élections législatives et locales co-présidée par le représentant de la Ceda et un magistrat ; ensuite, au niveau national pour les élections présidentielles et en charge d’appui technique aux commissions départementales de contrôle des parrainages. Cette dernière sera co-présidée par un représentant de la Cena et un magistrat de la cour d’appel de Dakar.
L’instauration du bulletin unique pour tous les scrutins.
Sur les partis politiques
La loi sur les partis politiques devra être modifiée pour définir leur financement et le statut du chef de l’opposition. Il ne doit pas être question de restreindre la liberté d’association, y compris la création de parti politique. Les réformes doivent aller dans le sens de l’obligation par les partis politiques au respect strict des lois et règlements sous peine de dissolution par arrêté conjoint des ministres de l’Intérieur et de la Justice dans un délai d’un an après sommation par le ministre de l’Intérieur.
Le financement doit être réservé aux partis en règle avec les lois et règlements. Il doit être uniforme et octroyé uniquement en années d’élections.
Sur les relations Etat-collectivités territoriales :
Les pôles économiques doivent être mis en place ;
Le transfert de compétences doit être traduit par celui des moyens budgétaires logés au niveau des organes des pôles économiques ;
Institution d’un Haut-conseil local au niveau des pôles économiques composés de con­seillers départementaux élus par les pairs, des gouverneurs ou préfets et des représentants des services techniques décentralisés de l’Etat.
Sur la place de la Société civile :
Les organisations de la Société civile (Osc) et les Ong sont et doivent demeurer exclusivement dans un schéma de partenariat dynamique avec l’Etat et ses démembrements ainsi que des communautés sociales de base ;
Une législation portant leur statut pourrait être étudiée avec tous les acteurs concernés pour plus de visibilité et d’efficacité de leurs actions. Il s’agira de formaliser leur inclusion dans toutes les instances consultatives comme membres associés totalement bénévoles pour préserver leur indépendance.
Sankoun FATY
Grand Officier de l’Onl
Juriste- Consultant
Acteur de la société civile
sdfaty@gmail.com