Sénégal-Fmi : séparer le vrai du faux

Dans cette polémique sur la dette, la Dg du Fmi a pris la parole pour parler de misreporting, c’est-à-dire d’erreur de déclaration, au moment même où l’ancien Président Macky Sall a sollicité des documents-clés pour la manifestation de la vérité au sujet des accusations du régime actuel.
Tout ce tollé, en réalité, n’est qu’une tempête dans un verre d’eau. L’Etat du Sénégal, de Diouf à Sall, a toujours considéré que la dette du secteur parapublic, des sociétés nationales, n’a jamais fait partie de la dette principale de l’Etat. Une rupture pernicieuse intervient désormais avec le régime Diomaye-Sonko, qui intègre les dettes contingentes dans la dette globale, provoquant un changement dans la méthode de calcul. D’où effectivement le misreporting évoqué, qui n’est en rien une dette cachée.
Pourquoi est-il impossible de parler de dette cachée au Sénégal ?
Le cas du Sénégal est différent de celui du Mozambique ou de la Grèce. En effet, Dakar paie sa dette à temps à des créanciers bilatéraux comme multilatéraux, qui jamais ne se sont plaints d’un défaut de paiement. La charge de la dette, qui avoisinait les 900 milliards, était, après les salaires, le premier poste budgétaire de l’Etat. Dès lors, comment cacher une dette tout en continuant de la payer à échéances régulières ?
Où est la dette ?
Un rapide tour d’horizon des 12 ans du régime précédent montre la destination de la dette publique contractée. Le Sénégal a fait un bond retentissant en termes d’infrastructures de dernière génération : autoroutes, ponts, Brt, Ter, stades, nouvelle ville de Diamnioadio, Aibd et aéroports régionaux, ports, Data centers, etc. La liste est longue de réalisations concrètes grâce à la dette contractée en 12 ans pour effectuer un rattrapage infrastructurel censé ensuite générer la croissance, comme défini dans le Pse en son axe 1.
Quid de la responsabilité du Fmi et de la Cour des comptes ?
Le glissement sémantique qui fait du Fmi et de la Cour un temps des complices et désormais des témoins, est assez symptomatique d’une montagne ayant accusé d’une souris. En effet, la Cour des comptes a certifié tous les exercices budgétaires du Sénégal entre 2012 et 2023, comprenant la dette tout comme les déficits. Dans son dernier rapport sur la dette, la Cour n’avait nullement intégré la dette du secteur parapublic à la dette de l’Etat. Comment ce revirement juridictionnel a-t-il pu se produire ? Etablir la vérité supposerait de publier le rapport provisoire de la Cour des comptes et ensuite permettre aux magistrats de la Chambre des affaires budgétaires et financières de faire face à un jury d’honneur pour expliquer leurs conclusions.
Quid du Fmi ?
Le Fmi est un partenaire de premier plan du Sénégal, tous régimes confondus. Le régime du Président Macky Sall ne faisant pas exception. Le Fmi avait accès aux documents budgétaires et a, à plusieurs reprises, salué sa coopération avec le Sénégal sur la base des chiffres étudiés lors des revues régulières dans le cadre des missions du Fonds au Sénégal. Cela veut-il dire que si demain un nouveau régime arrive et donne une autre version que celle de Sonko-Diomaye, le Fmi va aussi accorder un crédit à la nouvelle version ?
Quelles conséquences ?
Le Fmi va contracter un nouveau programme avec le Sénégal sous réserve, comme l’a dit son directeur du Département Afrique, Abebe Selassie, de réformes structurelles mises en œuvre par les autorités sénégalaises. La déclaration est claire : le Sénégal s’est mis sous les fourches caudines du Fmi et va exécuter un programme avec une austérité budgétaire, une suppression des dépenses sociales, une baisse drastique, voire une suppression des subventions. Il s’agit d’une cure d’austérité qui aura des conséquences sociales dramatiques, notamment pour le monde rural et les ménages pauvres, qui constituent la majorité de la population.
Le régime, qui se disait pourtant souverainiste et attaché au nationalisme et aux solutions endogènes, s’est mis sous le viseur du Fmi et va instaurer des taxes partout et sur tout, et ne plus consentir à aucun investissement social.
En conclusion, il est impossible de cacher une dette. Et si par extraordinaire, c’était possible, cela voudrait-il dire que l’Administration -Cour des comptes, Ansd, Dgid, Trésor, Assemblée nationale- est soit complice, soit dribblée par un seul régime ? Ce n’est pas possible.
Bakary DIOUF
Economiste-Financier