Sénégal : quand la politique devient l’ombre du développement

«Le pouvoir correspond à la capacité humaine non seulement d’agir, mais d’agir de concert», nous dit Hannah Arendt.
Au Sénégal, la politique devrait être cet espace où les hommes agissent ensemble pour bâtir l’avenir. Mais trop souvent, elle se transforme en un théâtre de rivalités, où l’intérêt général est sacrifié sur l’autel des ambitions personnelles.
Depuis l’indépendance, notre pays a connu des binômes Président-Premier ministre qui auraient pu incarner la complémentarité et la force collective. Mais l’histoire retiendra surtout leurs ruptures :
– Senghor et Mamadou Dia, en 1962, brisant un projet d’autonomie économique.
– Wade et Idrissa Seck, au début des années 2000, paralysés par leurs querelles.
– Macky Sall et l’opposition menée par Sonko, absorbés par la confrontation au détriment du Plan Sénégal émergent.
– Aujourd’hui, Sonko et Diomaye Faye dont la cohabitation fragile rappelle les fantômes du passé.
Trois obstacles majeurs traversent cette histoire :
1. L’instabilité institutionnelle, qui empêche la continuité des réformes.
2. La personnalisation du pouvoir, où les dirigeants gouvernent pour durer plutôt que pour transformer.
3. La dépendance économique, qui maintient le pays sous la tutelle des bailleurs internationaux.
Pendant ce temps, ailleurs en Afrique, le Rwanda avance. Paul Kagame y a imposé une stabilité autoritaire qui a permis une croissance spectaculaire. Mais cette réussite repose sur une restriction des libertés. Le Sénégal, lui, paie le prix de ses rivalités. Le dilemme est clair : stabilité autoritaire ou pluralisme démocratique.
Platon avertissait : «Le prix de la liberté, c’est la vigilance éternelle.» Notre démocratie ne survivra que si nous renforçons nos institutions, si nous refusons la personnalisation du pouvoir, et si nous exigeons des dirigeants qu’ils placent l’intérêt général au-dessus de leurs calculs.
Le Sénégal ne souffre pas de trop de politique, mais de mauvaise politique. L’heure est venue d’une conscience nouvelle : celle qui voit la politique non comme un obstacle, mais comme un outil au service du Peuple.
Car comme le disait Churchill : «La politique est plus dangereuse que la guerre. A la guerre, on ne peut mourir qu’une fois ; en politique, plusieurs fois.» A nous de décider si nous voulons mourir encore et encore de nos divisions, ou renaître enfin par notre unité.
Diama BADIANE
Philosophe et sociologue
rahmagueye3@gmail.com

