Sénégal-Une kermesse dans un cercle de feu

Au Sénégal, il existe une fâcheuse tendance à vouloir toujours imputer aux conséquences, les causes de nos errements individuels. Au lieu d’attaquer les maux à leurs racines, on se limite au diagnostic superficiel ou à l’accusation facile. A mon humble avis, le paradoxe d’un singleton en fête dans un ensemble en feu mérite d’être magnifié, salué et médité. Nous constatons tous que le Sénégal est au milieu d’un cercle (sous-région) en ébullition.
En vérité, ce paradoxal état de fait résulte de la conjonction de facteurs que d’aucuns aujourd’hui, inconsciemment, fragilisent. Les uns s’émeuvent du nombre de partis politiques, oubliant que la nature a horreur du vide. Comme disait un sage ivoirien lors des pourparlers pour une sortie de crise en Côte d’Ivoire, je cite : bla-bla vaut mieux boum-boum. En termes clairs, il préfère être tympanisé par le bavardage politique à la sénégalaise que par le bruit assourdissant des éclats d’obus, de cocktail Molotov ou de kalachnikov.
Au Sénégal, le nombre de partis politiques que d’aucuns qualifient de pléthorique, constitue un moindre mal comparativement à tout autre moyen de se faire entendre. En réalité, le parti politique n’est chez nous ni plus ni moins qu’un espace d’expression citoyenne qui opère en plein jour, au vu et au su de tout le monde. Il ne coûte presque rien aux contribuables, qui plus est contrôlable dans ses moindres faits et gestes par l’autorité chargée de veiller sur la tranquillité publique. En d’autres termes, en tant que déversoir de colère ou bassin de rétention de frustrations, c’est selon, le parti politique se substitue salutairement aux bandes armées. Les astreindre par démagogie à des règles administratives strictes équivaut à donner à des politiciens encagoulés le pouvoir de vie ou de mort sur des maux nécessaires. La majorité (partis politiques) n’est pas en règle, nous rabâche-t-on. Mais en règle par rapport à quel critère objectif ? Ne jamais perdre de vue que les milices et autres bandes armées organisées qui pullulent tout autour de nous trouvent leur explication dans un déficit d’espace d’expression, en somme la force à la place du dialogue. Par ailleurs, certains s’émeuvent du nombre de jours chômés. On perçoit en filigrane une désacralisation planifiée.
Chers amis, l’exception sénégalaise tant chantée dans le monde trouve sa source dans une vision partagée par toutes les composantes de la Nation. Le mot lucidité à lui seul pouvait valablement être notre devise nationale. Cet attribut humain était jadis le principal trait de caractère du Sénégalais. Il convient de souligner que nous devons notre relative paix civile aux amortisseurs de chocs que sont la vitalité politique et l’effervescence religieuse. Nous ne nions pas des dérapages par endroits et prônons la prise en main de certains phénomènes des temps nouveaux, mais ne jetons pas pour autant le bébé avec l’eau du bain. Pour certains, si ce n’est pas le nombre de partis politiques, c’est le nombre de jours fériés qui plombent notre envol économique. Par méconnaissance de notre histoire, ils proposent la tabula rasa comme remède miracle.
Comparaison n’est pas raison. Gardons-nous de tomber dans du mimétisme aveugle. L’autoritarisme comme mode de gouvernance publique est contre-productif. Il est de toute façon inopérant au pays de Blaise et de Aline Sitoé, l’Adn sénégalais ne s’accommode pas avec le totalitarisme. Les Usa, la France, le Japon, etc., se sont développés avec en moyenne plus de fêtes que nous. Au Sénégal, le secteur informel, qui à lui seul occupe plus de 75% de la main-d’œuvre, est à feu quasi continu. C’est de plus de vision politique prospective dont on a besoin, et non de censure à tout-va. Le copié-collé par la remise en cause de nos acquis sociaux et politiques ne fera que nous mener vers un nivellement vers le bas. Au Sénégal, ces fêtes que l’on incrimine, ne le sont que de nom, car en général, elles passent inaperçues. Quant à l’inactivité économique qu’elles engendrent, si tant est qu’il y en a, me rend perplexe.
Je vous invite à faire la dichotomie entre la production et le management. Ce sont les salariés qui ne représentent pas plus d’1% de la population qui sont concernés par le calendrier décrié. C’est l’Administration publique et, dans une moindre mesure, le secteur privé qui sont impactés. En temps de paix, comme on dit : ces deux segments traînent les pieds, donc n’imputons pas aux conséquences les causes d’un mal endémique. Comme disait un vieux syndicaliste, je cite : le pouvoir d’achat des masses laborieuses laisse à désirer. C’est pour dire qu’elles n’ont ni les moyens d’aller au restaurant en famille, ni d’aller en week-end, encore moins de partir en vacances, donc laissons-les, à leur manière, goûter de temps en temps aux délices de l’évasion mentale. Toujours selon lui, nous travaillons pour vivre et non l’inverse. Pour ma part, j’invite à plus de rigueur dans l’analyse des phénomènes sociaux. Amicalement vôtre.
Ass FALL Puritain