Seyni Awa Camara et Chamie Diatta : Deux générations de potières au cœur de la création


La poterie, art ancestral profondément ancré dans les traditions de la Casamance, s’est révélée, lors de l’Eductour organisé en marge du Festival Koom Koom de Ziguinchor, sous deux approches générationnelles distinctes, mais complémentaires de la poterie casamançaise. Les journalistes ont rencontré, dans leurs ateliers respectifs, Seyni Awa Camara, artiste potière de renommée internationale basée à Bignona, et Chamie Diatta, jeune potière du village d’Edioungou, dans le département de Nyassia. A Bignona, Seyni Awa Camara façonne depuis plusieurs décennies des sculptures en terre cuite devenues emblématiques de l’art contemporain africain. Initiée très tôt à la poterie, elle affirme que son talent relève avant tout d’un don. «C’est un don que j’ai eu de Dieu. Je ne l’ai pas appris à l’école des Beaux-Arts», explique-t-elle, revenant sur ses premiers pas, lorsqu’elle modelait l’argile en cachette, à l’insu de sa mère. Née jumelle dans une fratrie marquée par des épreuves précoces, l’artiste puise dans son vécu personnel une inspiration singulière. Son œuvre, mêlant figures humaines, animales et imaginaires, s’est imposée sur la scène internationale après sa participation, en 1989, à l’exposition Les Magiciens de la Terre au Centre Pompidou, à Paris. Depuis, ses sculptures ont intégré des collections prestigieuses à travers le monde. Malgré cette reconnaissance internationale, Seyni Awa Camara déplore une faible visibilité au niveau local. «Même en Casamance, beaucoup de gens ne me connaissent pas», regrette-t-elle, soulignant que ses œuvres contribuent pourtant à faire rayonner la région à l’échelle mondiale. Aujourd’hui, elle s’emploie à transmettre son savoir à ses enfants, afin d’assurer la continuité de cet héritage artistique.
A Edioungou, village réputé pour sa tradition potière, Chamie Diatta incarne une autre trajectoire, fondée sur l’apprentissage progressif et la transmission familiale. Originaire de Kalobone (Oussouye), elle s’est installée dans ce village depuis cinq ans, après son mariage. «C’est avec ma belle-mère que j’ai appris à travailler la terre», confie-t-elle. Dans son atelier, elle détaille les différentes étapes de fabrication de la poterie traditionnelle, depuis la collecte de l’argile et des coquillages en hivernage, leur désalinisation par l’eau de pluie, le pilage, le mélange des poudres, le façonnage, le séchage, la teinture à l’argile rouge, puis la cuisson au feu de bois et de feuilles de palmier. Les pièces sont ensuite vernissées à l’aide d’un fruit local, leur donnant une teinte rouge bordeaux et une brillance caractéristique. Si tout semble opposer la notoriété internationale de Seyni Awa Camara et le parcours discret de Chamie Diatta, les deux femmes partagent une même relation intime avec la terre et un attachement profond à la transmission du savoir-faire potier. A travers leurs gestes et leurs récits, elles illustrent la vitalité et la diversité de l’artisanat féminin en Casamance, entre création contemporaine et tradition vivante.
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