Si chaque club avait son Seydou Sané
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Le député Guy Marius Sagna s’est empressé, lors de la session plénière du budget du ministère des Transports aériens et du développement des infrastructures aéroportuaires, d’apostropher le ministre Doudou Kâ, un responsable politique originaire tout comme lui de la Casamance, pour lui reprocher d’avoir soutenu financièrement l’équipe de football du Casa Sports lors de son passage à la Direction générale d’Aibd Sa. «Ce n’est pas parce qu’on t’a nommé Directeur général de Aibd que tu as le droit d’offrir 50 millions au Casa Sport. Ce n’est pas normal. A chaque fois que vous êtes nommé ministre ou Directeur général, vous détournez l’argent du contribuable pour gagner des bases politiques. Il faut arrêter ça. Vous ne construisez pas une Nation avec ça, mais vous la détruisez», a déclaré le député «activiste» au pupitre. Indexant une quête de base politique par un responsable politique du Sud dans un sport populaire, la sortie témoigne beaucoup de l’impréparation et du danger de vouloir, tête baissée, tel un taureau fou, chercher à cogner tout ce qui bouge. A voir rouge dans tout, on finit par se couvrir de ridicule.
Le Sénégal aurait sûrement aimé voir tous les responsables à de hautes stations managériales appuyer les clubs de sport, écoles et lycées, ou associations culturelles de leur terroir d’origine ! Trouver un moyen de renvoyer l’ascenseur, c’est aussi une part d’inclusion et de mise en œuvre de l’équité dans un pays avec de criards écarts entre les pôles et l’arrière-pays.
J’ai eu l’occasion de participer à des échanges du président du Casa Sports, Seydou Sané, avec la rédaction du journal Le Quotidien, quelques jours après que le club fanion du Sud a réalisé un doublé historique Coupe et Championnat du Sénégal, au terme de la saison 2021. Ce responsable sportif, de façon méthodique, avait présenté les clés de succès d’un club dont il a pris les rênes en 2014, avec une vision précise de son rôle dans la cohésion, avec un plan stratégique précis. Il a bâti une gestion d’un club sénégalais avec une dynamique inclusive faite de solidarité entre l’équipe administrative et les supporters, une dynamique professionnalisante avec une responsabilité financière pour passer d’une gestion amateur à celle d’une véritable entreprise sportive avec son autonomie logistique, une dynamique sportive faite d’une formation dans les petites catégories et une pleine implication d’une expertise locale avec des coaches et encadreurs du sérail ayant fait leurs preuves.
Il ne s’est pas gêné comme tout chef d’entreprise, à aller mobiliser des ressources, car le Casa Sports tourne en moyenne à 250 millions de francs Cfa l’année et il ne priverait pas son club d’un accompagnement financier de 75 millions de francs Cfa (le député Sagna devra revoir ses chiffres à la hausse). Cela se justifie davantage dans un esprit de professionnalisation des ligues de football du Sénégal de chercher le plus de sponsors. Quoi de plus normal qu’une entreprise comme Aibd Sa qui opère des aéroports dans les régions Sud, accompagne un club fanion dans une de leurs zones d’activités ? Un tel acte même dans une logique de discrimination positive, si c’était le cas, devrait être salué et encouragé. Va-t-on reprocher à la Sococim de sponsoriser le Teungueth Fc de Rufisque ou à Nsia Banque d’accompagner l’As Jaraaf ? Va-t-on interdire aux Forces de défense et de sécurité d’avoir leurs propres clubs ou aux entreprises publiques d’être propriétaires d’équipes sportives dans différentes disciplines ? Il n’y a pas besoin de chercher loin dans ce pays pour voir des exemples de sponsoring de clubs sportifs par des entreprises publiques. Le Port de Dakar soutenait l’Us Gorée en plus de détenir son club, l’Us Rail était appuyée par la Société nationale des chemins de fer, l’Asc Taïba était sous le giron des Phosphates de Taïba. C’est dire !
L’obsession de chercher la petite bête partout ou de vouloir nourrir des logiques fractionnistes perdra ce pays, car on en arrive au point où beaucoup ne baissent pas leurs œillères et font de leurs appréhensions des faits une «réalité» loin de tout ce qui est vrai. Le député Sagna, avec une carte de fidèle supporter du Casa Sports se rendant aux matchs et un suivi régulier des activités de ce beau club qui a fini par se faire une vitrine du sport promoteur d’essor dans des terroirs, aurait sûrement eu une autre lecture du partenariat qui lie le Casa Sports et Aibd SA et n’y verrait sûrement aucune logique discriminatoire. Le président Sané confiait à la rédaction du journal Le Quotidien un méga projet de son club avec un partenaire finlandais pour construire à Ziguinchor, un complexe d’entraînement multifonctionnel employant près de 100 personnes, avec une enceinte pour du basket, du handball et du volleyball pouvant accueillir 500 personnes, en plus d’un terrain de football aux standards. Tout cela avec des facilités hôtelières pour accueillir des visiteurs dans la zone sud et miser davantage avec le sport sur le potentiel touristique de toute la région. Le Casa Sports est un club qui, sous la gouverne de son manager actuel, n’a rien à envier aux plus grands du continent. L’organisation y est, les ressources viendront au fur et à mesure et il sera très certainement le modèle de référence de la professionnalisation de notre football local. Des Seydou Sané, il en faudrait dans tous les milieux associatifs de ce pays.
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn