Dans le clip, Simon et ses acolytes sont habillés de ces vêtements «over size» que l’on portait aux premières heures du mouvement hip-hop. A leurs pieds, un gros magnétophone. L’esprit de ces belles années plane sur le nouveau single que le rappeur Simon va mettre sur le marché le lendemain de la Tabaski. «Craziest non-stop» est à la fois un hommage aux anciens, mais aussi un retour aux sources «du rap classique», comme le souligne Simon qui a présenté cette nouvelle production à la presse. Occasion pour l’un des membres fondateurs de Y’en a marre de revenir sur le sens de son engagement civique, notamment sur les questions qui touchent la jeunesse.

Votre nouveau single, Craziest non-stop,  est un retour aux sources, dites-vous. Etes-vous nostalgique ou bien vous avez l’impression qu’en trente ans le rap s’est perdu en chemin ?
C’est surtout pour dire qu’on va faire ce qu’on sait faire le mieux, le rap classique, old school, avec des messages. Mais on va l’actualiser parce que la musique évolue aussi. Quand on voit les kicks, de la façon dont on les a posés, c’est une façon new school, mais avec une façon de rapper à l’ancienne, un texte écrit avec des nouveautés et beaucoup de punchline. Mais aussi retourner à tout ce qui est assonance et allitération comme on savait le faire dans nos anciens textes. On retourne vraiment à ce qu’on sait faire le mieux. Pour dire aussi que ce rap-là mérite sa place. Il mérite sa place parce qu’on sait l’accueil que ce son aura auprès du public et de la jeunesse en général.

Mais il y a quand même de la nostalgie…
Effectivement. Et ce n’est pas mauvais. Mais c’est juste pour dire : voilà ce qu’on savait faire. On l’actualise et on continue sur cette lancée.

Ce qui est fait en ce mo­ment ne vous convainc pas ?
Ce n’est pas tout qui me convainc. Il y en a beaucoup qui me conviennent dans les nouveautés, mais beaucoup aussi ne me disent rien du tout. Mais ce que je dis, c’est que ce n’est pas ce rap-là qu’on pourra exporter. Qui est-ce qu’on programme en ce moment dans les grands festivals ? Ce n’est pas toujours les mêmes, mais c’est parce qu’ils font quelque chose de différent. C’est Daara J, c’est Keur Gui, l’engagement, le nouveau discours, la prestance scénique. Il y a aussi Awadi qui a une live band, qui a un message, une philosophie.

L’actualité, c’est aussi l’emprisonnement de Guy Marius Sagna et du journaliste Adama Gaye. Est-ce que cela ne vous empêche pas de dire tout haut ce que vous pensez de la politique du gouvernement ?
On a toujours dit ce qu’on pensait. On a toujours eu cette liberté de ton et on continuera toujours à l’avoir. Maintenant, je crois qu’on a le droit de ne pas délaisser ce qui nous a fait, c’est-à-dire ce rap classique, ce rap à l’ancienne. Il nous a tout donné et nous a permis aujourd’hui de rejoindre les rangs de Y’en a marre, d’être activiste, d’avoir un minimum de business parallèle qui nous fait vivre et fait vivre notre famille. C’est ce rap qui nous a révélé au grand public et on n’a pas le droit de le laisser. Mais le combat pour la libération de Guy Marius continue. Ça ne veut pas dire que je vais déserter. Mais je vais être moins présent politiquement et plus présent sur le plan musical. Je vais juste prioriser parce que l’activisme et la musique, c’est le même terrain. J’ai sorti des singles récemment, mais c’est plus des singles engagés politiquement. Aujourd’hui, je reviens vraiment aux thématiques qui intéressent la jeunesse pour essayer d’apporter ma pierre.

Y’en a marre a subi une campagne de dénigrement, Aar li ñu bokk peine à mobiliser. Est-ce que l’activisme marche au Sénégal finalement ?
Qui vous a dit que Aar li ñu bokk peine à mobiliser ? Aujourd’hui, dans tous les combats pour l’intérêt des Sénégalais, Y’en a marre est au-devant de la scène. Et continuera à l’être malgré les critiques, les coups bas et les tentatives de déstabilisation. Mais Simon a décidé de plus se focaliser sur l’aspect culturel et musical. Je crois que j’en ai le droit parce qu’en matière d’emprisonnement, de «tabassement» par les flics, je suis le champion du monde. Je serai toujours engagé. Et si demain une loi devait passer à l’Assemblée nationale pour légaliser l’homosexualité, je serais le premier devant les grilles. S’il y avait un tripatouillage flagrant de la Constitution, pareil. Si demain le Président décidait de désigner son fils comme son successeur, je serais le premier devant et ainsi de suite. Mais là, j’ai décidé de me focaliser sur mes projets musicaux pendant un temps.

Quand il y a eu l’affaire du tee-shirt portant le drapeau Lgbt de Wally Seck, on ne vous a pas entendu soutenir votre collègue musicien…
Je ne peux pas le soutenir. J’ai fait des morceaux contre ça. C’est Mode pinw, c’est Sac yi. C’est du «mataay» (je m’en foutisme). Ce monsieur-là, je crois qu’il est en train de faire du «mataay». Et on ne doit pas laisser Wally Seck dépraver la jeunesse sénégalaise. Nous n’avons pas ce droit-là. Et je prends mes collègues à contre-pied. Je pense que Wally Seck sait très bien ce qu’il fait et il faut qu’il arrête.
A un moment, vous avez pu vous reconvertir dans le business… (Il coupe)
Je suis toujours dans le business…

Quel a été le déclic au départ ?
Ce sont mes voyages à l’étranger. Tous les rappeurs sont dans le business. Vous allez aux Etats-Unis, avec l’avènement de G-Unit, avec le 50 Cents et tout ça, tous les rappeurs milliardaires sont businessman. Jay-Z, Master P, Puff Daddy ect. Pourquoi pas nous ? Bien avant même que je ne voyage, je faisais partie de ces jeunes qui n’avaient pas peur d’aller au marché Colobane acheter des chaussures, revenir les vendre et avoir un intérêt et retourner racheter des t-shirts, les vendre aux «nandité» (affranchis). Je faisais des audits à l’époque avec le cabinet de mon père. Donc j’ai toujours eu cette fibre business. A notre époque, ça va être très difficile de réussir avec la musique seulement. D’autant plus qu’on n’a pas d’industrie. Il n’y a aucun pays dans le monde où c’est juste être musicien qui te maintient debout. A part les très grosses industries, les Michaël Jackson, Beyonce etc. Mais tous ces gens-là ont leurs marques à côté, boisson, alcool ou que sais-je. Et tous ces gens-là sont propriétaires d’un club de basket ou autre.
Vous prévoyez une tournée internationale en 2020. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J’ai mis sur pied un concept de hip-hop traditionnel avec kora, balafon et perçu-calebasse. Là, j’ai réussi à faire quelques dates à l’international. Et je suis en train de préparer une nouvelle tournée avec 150 dates, parce que ce concept intéresse beaucoup les Occidentaux. Pareil, on reste dans la lancée de l’activisme parce que les textes qu’on va développer vont parler de Thierno Souleymane Baal, de la Charte du Mandé, de Ndatte Yalla Mbodji, Faidherbe, Aline Sitoé Diatta, du royaume Ashanti, des Mossis, de tous ces royaumes qui étaient des modèles de démocratie et qu’on ne nous enseigne pas à l’école. Je suis un peu sur un projet de tournée dans les universités avec ce concept-là aussi.