L’identification des populations-clés constitue un vrai problème à Kolda. Ces groupes, souvent victimes de stigmatisation, ignorent les structures de santé. Du coup, ils constituent un risque dans la propagation de la maladie. Tout de même, des stratégies sont développées pour les encourager à se dépister et à développer des réflexes de suivi médical.
L’accès aux populations-clés pose un problème dans la réponse au Vih-Sida dans la région de Kolda. Les homosexuels, les travailleuses du sexe surtout les clandestines, les consommateurs de drogue injectable rechignent à aller dans les structures sanitaires pour un suivi médical, selon Mouhamed Saloum Fall, pharmacien en chef de la Pharmacie régional d’approvisionnement de Kolda (Pra), du fait des pesanteurs sociaux et de la stigmatisation, ils préfèrent se cacher. «Nous sommes en milieu peulh, culturellement, les gens ne tolèrent pas l’homosexualité», constate Nourou Diallo, coordonnateur du projet Néma (espoir en wolof) de l’Alliance nationale des communautés pour la santé (Ancs). Or, la maîtrise et la prise en charge médicale de ces groupes réduisent la chaîne de transmission de la maladie et garantissent la santé de la population générale.
Rechercher les responsables hautement bien placés dans la société
Pour amener ces groupes à adhérer aux activités communautaires de lutte et de prévention contre la pandémie, l’Ancs déroule des stratégies pour identifier des leaders dans le groupe des homosexuels, des prostituées clandestines ou officielles et dans le groupe des Consommateurs de drogue injectable (Cdi). Ces leaders, appelés médiateurs dans les structures de santé, sont formés et, à leur tour, ils mobilisent leurs pairs dans des activités de dépistage. C’est dans ce cadre que l’Ancs a dépisté 120 homosexuels ; parmi eux des bisexuels. Ce qui, selon M. Diallo, constitue un risque pour la population générale. Une autre particularité de cette population, relève Nourou Diallo, «c’est que ce groupe qui s’adonne à cette pratique est particulièrement jeune et est âgée de 21 à 24 ans». Nourou Diallo ajoute que 6 parmi eux sont testés positifs. Un pas décisif dans la lutte mais le principal défi pour l’Ancs, c’est de «faire adhérer ces grands messieurs, ces hommes mariés, ces responsables hautement bien placés dans la société dont on ne soupçonne même pas le statut», souligne le coordonnateur du projet Néma. Les acteurs veulent que ces personnes se mettent au-devant et acceptent de participer aux activités de dépistage.
820 jeunes filles Ts dépistées, 22 positives
Autre défi dans la région, la prostitution clandestine. Les femmes et les jeunes filles qui s’adonnent à cette pratique n’ont pas encore le réflexe du suivi médical. «Nous avons identifié des réseaux de jeunes femmes et filles leaders qui se reconnaissent qui amènent leurs pairs aux activités de mobilisation et de dépistage. Sur les 820 jeunes filles, dans les trois districts de Kolda, 22 filles ont été testées positives», indique-t-il. Un chiffre élevé, d’après Nourou Diallo, qui relève le cas d’une jeune mariée séropositive demandant conseil, pour partager son statut avec son mari émigré.
Mais au-delà des dépistages, les autorités accompagnent les personnes séropositives dans leur prise en charge. Les personnes atteintes du Vih sont automatiquement mises sous traitement antirétroviral. Mieux, informe M. Diallo, elles sont inscrites dans une mutuelle de santé ainsi que trois membres de la famille. «Des efforts fournis aux patients pour leur permettre de pouvoir payer les analyses et autres bilans sanguins sans exposer leur statut à la communauté», soutient le coordonnateur du projet Néma.
En dehors de ce paquet de services, les acteurs créent un environnement favorable à la réponse. Ils impliquent les autorités étatiques, médicales, administratives, judiciaires et politiques pour permettre aux populations-clés d’aller se faire consulter dans les structures de santé. Mais ce n’est pas facile. Les efforts des autorités sanitaires butent sur des réalités. «Vous savez la prostitution est juste tolérée. La police peut arrêter n’importe qui pour des faits de racolage. Une travailleuse du sexe, séropositive, qui a son carnet sanitaire et qui se fait arrêter une, deux fois, peut tomber dans la clandestinité et créer des soucis à la population. Les autorités policières doivent comprendre toute la problématique du Vih», plaide M. Diallo. Il précise qu’il ne s’agit pas de faire la promotion de la prostitution ni de l’homosexualité, mais de préserver la santé des populations.
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