L’exercice de «transparence» de Ousmane Sonko et de certains de ses ministres sur les chiffres du déficit et de la dette n’a pas amélioré la situation de l’économie à ce jour. La mission du Fmi, qui vient de clôturer sa visite, s’en est inquiétée hier, surtout du niveau des dépenses et des chiffres du déficit. Il n’a pas manqué de dénoncer les emprunts opérés auprès des banques locales, et qui ne sont pas couvertes. Un risque pour tout le système bancaire.

 

Par Mohamed GUEYE – «Le Sénégal continue de faire face à un environnement difficile, avec des signes de tensions accrues dans l’exécution du budget. Le manque à gagner en termes de recettes, identifié lors de la dernière visite des services, a été confirmé en fin septembre. Parallèlement, les dépenses sont restées élevées, principalement en raison d’une augmentation substantielle des dépenses d’investissement, comme le suggèrent les conclusions préliminaires du rapport de l’Igf. En l’absence de mesures décisives sur les dépenses, le déficit budgétaire devrait s’aggraver cette année, dépassant l’estimation précédente de 7, 5% du Pib.» Cette déclaration de M. Edward Gemayel, chef de la mission du Fonds monétaire international (Fmi), indique que l’institution de Bretton Woods n’a pas encore une confiance totale en la gestion de l’actuel pouvoir.

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En effet, pour un gouvernement qui a mis à l’index la gestion du pouvoir qui l’a précédé, en l’accusant d’avoir maquillé une situation beaucoup plus grave qu’il ne pensait, il n’a pas de son côté commencé à améliorer les choses. La réduction des dépenses n’est pas encore à l’ordre du jour et les lendemains vont être difficiles. Le déficit budgétaire, au rythme où vont les choses, risquerait d’atteindre les deux chiffres à la fin de l’année, si rien n’est fait pour redresser la situation.

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Le plus grave est que, dans son souci de se passer le plus possible de l’emprunt extérieur, le gouvernement s’est tourné vers les partenaires nationaux, en particulier les banques. Le Fmi a noté, pour s’en inquiéter, que des investissements ont été réalisés avec des prêts contractés auprès de banques locales. Et là est le danger. En effet, la plupart de ces banques ont procédé à ces emprunts sans couverture extérieure. Il suffirait que l’une de ces banques en vienne à faire défaut pour que tout le système bancaire se retrouve dans une situation délicate, mettant en danger tout le système financier. On se demande si au cours de sa visite, l’équipe dirigée par Edward Gemayel a pu échanger avec les responsables de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao), qui ont la charge de veiller à la stabilité monétaire dans la zone Uemoa. Dans ce cas, ils auront sans doute expliqué comment ils ont pu laisser cette situation prospérer.

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En attendant que l’opinion puisse être informée, le communiqué du Fonds souligne que, «à l’avenir, il est essentiel que les autorités mettent en œuvre des mesures audacieuses et rapides pour assurer la viabilité des finances publiques et placer la dette publique sur une trajectoire décroissante». Il faudrait, pour ce faire, que la transparence budgétaire et fiscale soit la norme dans ce domaine, ce qui ne semble pas encore être le cas. Cela serait d’ailleurs difficile, si le Premier ministre affirme avoir trouvé un pays «au quatrième sous-sol» et qu’il lui faut le relever. D’où le besoin d’emprunter encore plus. Mais où ? Et avec quelles garanties ? Pour sa part, le Fmi indique que «la Loi de finances 2025 représente une occasion cruciale pour le gouvernement de réaffirmer son engagement en faveur des réformes essentielles et de répondre aux défis structurels de longue date. Des actions stratégiques pour renforcer la mobilisation des recettes domestiques -en particulier à travers la rationalisation des exonérations fiscales- ainsi que des efforts pour éliminer progressivement les subventions énergétiques et les transferts non essentiels seront déterminants pour favoriser la discipline budgétaire et renforcer la confiance dans la gouvernance publique, jetant ainsi les bases d’un modèle de croissance plus inclusif, tiré par le secteur privé».

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On voit que le Fonds fait preuve d’optimisme quasi béat, semblant indiquer que la tâche la plus urgente des autorités, après les Législatives de novembre, sera d’installer une législature qui va rapidement voter une Loi des finances permettant de donner au pays un budget résolument orienté vers un développement endogène. Le temps dira ce qu’il en est. La mission du Fmi, qui a terminé hier sa visite au Sénégal, est la première depuis la sortie du Premier ministre et de certains membres du gouvernement, qui ont accusé le régime du Président Macky Sall d’avoir maquillé les chiffres du déficit et de la dette publique. Macky Sall leur a répondu hier, depuis Londres. Et sans doute pour avoir le dernier mot, le président de Pastef va user de ses médias pour lui donner la réplique.
mgueye@lequotidien.sn