Durant le règne du Président Macky Sall, notre Société civile, nos intellectuels, notamment nos universitaires, étaient très prompts à dénoncer les abus du régime.

Veillant au grain, Ils ne rataient aucune occasion pour marquer leur présence et jouer leur rôle de sentinelles de la démocratie, des droits de l’Homme, des libertés individuelles et collectives.

Les acteurs politiques auxquels ils se solidarisaient sont actuellement au pouvoir et entendent gouverner par leur volonté de bâillonner ces libertés et droits des citoyens.

Comment comprendre ce qui s’est passé avant-hier ? Qu’un sénégalais, en l’occurrence le maire de Saint Louis, M. Mansour Faye, ne faisant l’objet d’aucune enquête, n’ayant été accusé sur aucun dossier, puisse être interdit de sortir du territoire seulement au moment de son embarquement, certains parlent même de débarquement. Une récidive car d’autres avant lui furent victimes de cette même interdiction sans qu’aucune notification ne leur soit adressée au préalable.

Dans quel pays sommes-nous pour que de telles atteintes à la liberté de vaquer à ses occupations puissent avoir lieu sans déranger celles et ceux qui, hier, avaient l’habitude de crier au scandale à la moindre privation de liberté et des droits des citoyens.

La Raddho et Action pour les droits humains et l’amitié ont heureusement réagi, considérant «qu’il est impératif que les autorités avertissent toute personne qui fait l’objet d’une enquête ou d’une poursuite judiciaire». Ces 2 organisations de la Société civile ont pour leur part tenu à se démarquer de ce qui s’est passé en élevant leurs voix, même si elles ne l’ont pas clairement condamné.

Rien ne justifie une telle atteinte, sinon l’usage de la force étatique contre un adversaire politique.

En effet, rien en droit n’autorise une pareille forfaiture.
Boubacar Boris Diop, Felwine Sarr et Mohamed Mbougar Sarr, en juin 2023, avaient dénoncé la dérive autoritaire de l’ancien régime en allant jusqu’à demander, je les cite : «Que tous les prisonniers politiques et d’opinion soient libérés pour que la tension baisse et que la paix ait la chance de revenir. La voie royale vers une paix durable est cependant dans la réhabilitation de la justice et dans l’édification, cette fois-ci, d’une société véritablement démocratique. Il s’agira, après la tempête, de refonder le pacte républicain, de construire d’authentiques contre-pouvoirs, de réformer en profondeur nos institutions, de sortir de notre hyperprésidentialisme afin de ne plus conférer à un seul individu un pouvoir sans limites et sans contrôle.»

Malheureusement, après que les prisonniers sont libérés et qu’une amnistie est votée pour réunifier le pays, suivie d’une élection démocratique ayant porté au pouvoir d’anciens prisonniers, on assiste à la même dérive autoritaire sous le silence des donneurs de leçons d’hier.

De l’hyperprésidentialisme dont ils parlaient, nous sommes tombés sur le pouvoir d’un super Premier ministre au-dessus du Président avec le pouvoir sans limites et sans contrôle auquel faisaient allusion encore nos trois intellectuels.

L’amnistie dont avaient profité nos dirigeants actuels se trouve éventrée et sera, les jours qui viennent, interprétée pour protéger les défenseurs du projet et exposer à la vindicte judiciaire les Forces de défense et de sécurité qui ont sauvé la République contre l’insurrection qui, si elle avait réussi, pouvait conduire notre pays vers un déluge politique aux conséquences incalculables. 2 ans avant, précisément le 23 février 2021, un groupe de 102 intellectuels, universitaires avait produit un texte collectif intitulé «La crise de l’Etat de Droit au Sénégal» : où sont tous ces intellectuels, universitaires et le reste de la Société civile, au moment où notre pays est en train de glisser lentement mais sûrement vers une dictature ?

Les allusions du Premier ministre vantant les succès économiques des pays asiatiques, arabes et latinos sous dictature sont révélatrices de ses possibles intentions.

Plus personne n’est à l’abri d’une expédition judiciaire. Du journaliste au chroniqueur, en passant par l’activiste. Les responsables de l’opposition ont la part belle du gâteau carcéral. Des députés Pastef sont allés jusqu’à demander à la ministre des Affaires étrangères de créer les conditions de rapatriement des insulteurs du régime tapis au niveau de la diaspora et se croyant hors de portée.

Jusqu’où va nous mener cette reprise de la tension ? Dieu Seul sait, mais que celles et ceux qui hier alertaient et dénonçaient, sachent que leur silence d’aujourd’hui est un silence coupable et qu’ils seront tenus en partie pour responsables de tout ce qui arriverait à notre pays.

En attendant, l’opposition affûte ses armes et se prépare à la confrontation.
Pour ce qui est de l’Apr, Madame Aïssatou Ndiaye, maire de Ndiaffate et membre du Secrétariat exécutif, a sifflé la fin de la récréation : en lançant un appel à la mobilisation de toute l’opposition. Trêve des claviers et de conférences de presse, et prêts pour le combat, a-t-elle conclu son adresse lors du point de presse de l’Apr.

Idrissa SYLLA
New York
Membre du Comité Central du PIT-Sénégal
idrissasylla902@gmail.com