A l’image de la Pax romana qui va du 1er au 2e siècle après Jésus Christ, plus précisément de Auguste à Marc Aurèle, ces deux grands empereurs de Rome, nous avons besoin d’une Pax africana sur notre continent. La Pax Romana pacifia l’empire en mettant fin aux guerres civiles et aux interminables querelles entre les chefs locaux. Notre continent aussi a besoin de mettre fin aux guerres civiles comme en Libye, en mettant un terme aux interminables conflits pour le contrôle des appareils de prédation. La plupart des guerres civiles sur le continent ont pour enjeu essentiel le contrôle de l’Etat, qui sera ensuite transformé en instrument de prédation (pétrole en Libye, au Sud Soudan, les mines au Congo). Les autres conflits sur notre continent sont de vieux conflits politiques instrumentalisés par des «entrepreneurs identitaires» qui avancent masqués derrière le jihadisme, alors qu’ils ne cherchent sur le continent que des bastions qu’ils n’ont plus nulle part dans le monde.
Le meilleur exemple est Daesh qui veut pirater la lutte des Touaregs pour s’installer dans le Sahel et au Nigeria. Ainsi Daesh, Aqmi, le Mujao ont piraté et détourné le vieux conflit qui oppose le gouvernement central de Bamako aux Touaregs pour en faire une croisade jihadiste. La Pax africana devrait se pencher sur ces deux questions : encadrer la compétition pour le contrôle de l’appareil d’Etat comme en Libye où le conflit est devenu essentiellement politique depuis que le Maréchal Haftar a chassé les jihadistes étrangers. Ce conflit qui est redevenu politique est un grand bond en avant vers une solution politique, car dans un conflit politique, on peut trouver une solution politique, ce qui est quasi-impossible à un problème identitaire. C’est pourquoi il faut encourager le gouvernement malien dans ses discussions avec les Touaregs et Amadou Kouffa, parce qu’une solution militaire est impossible et la démarche du Président Ibrahim Boubacar Keïta vise à «maliniser» le conflit, c’est-à-dire à lui redonner sa dimension politique en déconnectant les leaders de la rébellion du jihadisme apatride.
En dehors du jihadisme dans le Sahel, dans la corne de l’Afrique et du conflit pour le contrôle du pétrole libyen, la pacification du continent est en bonne voie pour deux raisons : la démocratisation du continent et les intégrations économiques. Les démocraties ne se font pas la guerre et des pays interconnectés par le business se font difficilement la guerre. Le meilleur exemple demeure l’Union européenne. Depuis la fin de seconde Guerre mondiale, quand les Européens ont décidé de remplacer l’économie par la guerre comme mode de régulation de leurs relations, le vieux continent vit sa plus longue paix (ce qui est exceptionnel dans l’histoire européenne faite de guerres mondiales et de guerres de religion) et surtout une très grande prospérité. L’Afrique, avec la démocratisation et la Zleca, est sur cette voie. Avec la démocratisation de la Gambie et de la Guinée Bissau, le Sénégal aura moins de problèmes avec ses voisins, car le business va se substituer à l’hostilité et à la méfiance comme c’est actuellement le cas avec la Mauritanie devenue un partenaire dans l’exploitation du pétrole et du gaz, sans parler du Mali dont le Sénégal est le prolongement vers la mer et qui est notre portail vers l’Afrique de l’Ouest. La Pax Africana sera le prélude à la prospérité.
Quand il y aura la Pax africana, le «blé jaillira» comme dit Ngugi wa Thiong’o, parce que nous pourrons concentrer toute notre énergie piratée par les guerres à la quête de la prospérité. Le Sénégal joue déjà un rôle dans cette Pax africana avec ses diplomates et ses soldats. Pour continuer ce grand rôle dans le destin de notre continent, il faut qu’on cesse de concentrer notre énergie à la recherche de solutions à des problèmes artificiels comme le fait le dialogue national, et qu’on évite aussi les armes de distraction massive comme ce débat sur la nomination ou l’élection du maire de Dakar. C’est une indigence intellectuelle et politique de poser ce débat dans l’une des plus vieilles démocraties du continent. En démocratie, la plus grande légitimité est élective, les Dakarois ont le droit d’élire et de congédier leur maire. On ne va pas quand même nous ramener au néolithique démocratique avec un maire nommé par décret. Quel charmant pays où l’on est en quête permanente de solutions à des problèmes artificiels !