La sortie de la crise due au Covid ne se fera pas sans la relance économique. Cela demande des moyens. Face aux dirigeants des pays développés et des institutions multilatérales, Macky Sall a plaidé pour une facilité d’accès aux vaccins, et à des financements innovants, pour faire face aux besoins des pays du continent.«Il faut lever les contraintes pour que l’Afrique puisse produire des vaccins contre le Covid»Par Mohamed GUEYE
– Changer de paradigme, reconnaître que dans le contexte actuel, les pays ont besoin de plus de marge de manœuvre pour s’en sortir. La sortie du Covid-19 passera nécessairement par la relance de l’économie, surtout dans des pays aussi démunis que ceux d’Afrique. Et ces pays ont besoin de beaucoup de ressources. Les partenaires doivent donc comprendre que, ainsi que l’a déclaré le Président Macky Sall, «33 milliards de Dts (Droits de tirage spéciaux du Fmi) pour 55 pas, représentant 1 milliard 250 millions d’habitants, c’est une goutte d’eau dans l’océan». Surtout si ce montant, qui équivaut à peine à un peu plus de 47,5 milliards de dollars américains, doit servir pour la lutte pour l’éradication du Covid-19 avec l’achat des vaccins et la mise à niveau des plateaux médicaux, ainsi que pour la relance des économies.
L’urgence est d’autant plus grande que le Fmi lui-même estime entre 135 et 205 milliards les besoins en financement additionnels des pays à faibles revenus, d’ici à 2035.
Plus Dts
Macky Sall a donc plaidé pour «l’affectation de 100 milliards de Dts (équivalant à 144,2 milliards de dollars. Ndlr), de la part des pays du G20 qui eux, recevront les 2 tiers de ces Dts, aux pays africains qui en auront le plus besoin». Cela pourrait se faire sous forme de dons, de prêts concessionnels ou semi-concessionnels à long terme, a indiqué le chef de l’Etat sénégalais à la tribune du Grand Palais éphémère, établi à l’ombre de la Tour Eiffel, sur le Champ de Mars. Ce montant, a-t-il indiqué, «devra nous permettre d’abord, de hâter l’acquisition des vaccins qui sont une urgence sanitaire. Mais aussi d’assurer le financement de la relance économique».
Ce plaidoyer de Macky Sall a rencontré l’agrément de ses partenaires, à commencer par l’hôte du Sommet. Emmanuel Macron a indiqué, au cours de la conférence de presse, que son pays allait réallouer une partie de sa quote-part aux pays en développement, et que la France s’engageait à convaincre ses partenaires, dont les Etats-Unis d’Amérique, sans qui il est difficile d’obtenir quoi que ce soit des institutions multilatérales telles que le Fmi, de faire également un geste dans ce sens.
Cela devrait être facile si tout le monde se range à la proposition du dirigeant sénégalais quant à la manière de gérer ces nouvelles allocations : «Cet argent sera géré en toute transparence, à travers des mécanismes que le Fonds et d’autres institutions multilatérales nous proposeront, pour assurer le financement de la relance, alléger et restructurer la dette commerciale».
Changement de paradigme
La pandémie a en effet, changé l’approche des bailleurs sur la dette. Dans un contexte où l’Etat est le premier employeur, où la pandémie et ses effets ont accéléré à tuer plusieurs pans de l’activité économique, il est anormal de limiter les capacités des Etats à lever des fonds. Macky Sall, Felix Tshisekedi et Emmanuel Macron ont appelé à un changement de paradigme. «On a habitué l’Afrique à lui concevoir des projets et à les lui imposer. Nous sommes aujourd’hui dans une co-construction de ce qu’il faut faire. Il y a un changement de mentalité des pays du G20, qui ont compris que nous avons une responsabilité commune. Les pays ont compris que vacciner ses propres populations, dans les pays industrialisés, ne leur garantit absolument pas la sécurité sanitaire. Si la tendance actuelle se poursuit, où nous ne sommes qu’à 2% de taux de vaccination en Afrique, il se développera sur le continent africain, des variants extrêmement résistants, qui compliqueront l’efficacité des vaccins. C’est dire que tant que le virus circulera encore quelque part dans le monde, la planète ne sera pas en sécurité.»
Les dirigeants qui l’ont compris souhaitent, comme celui du Sénégal, que le continent soit en mesure de produire des vaccins sur son sol. En plus d’en réduire les coûts, cela pourrait permettre de vaincre les réticences de certaines populations, en proie aux fausses nouvelles tendant à faire croire à la nocivité de certains vaccins.
Le Président du Congo Kinshasa, président en exercice de l’Ua, a indiqué que dans son pays, malgré le million cent mille doses reçues d’Astra Zeneca, on n’a pu vacciner que 10 mille personnes, «et expatriées pour la plupart». Et pour que ces vaccins ne soient périmés, le pays a «dû les offrir à d’autres pays qui en avaient le plus besoin». Le défi du Sommet, de faire vacciner 40% de la population du continent d’ici la fin de l’année, en est rendu encore plus ardu, surtout si l’initiative Covax n’appuie pas certains pays.
Mais au-delà, il faut que des partenaires, comme ceux que Macky Sall a rencontrés à Bruxelles à la mi-avril dernier, facilitent la levée des contraintes à la fabrication des vaccins, par des pays comme le Sénégal, le Rwanda ou l’Afrique du Sud, qui en ont exprimé le souhait.
Mais le plus important, pour des pays à la jeunesse bouillonnante et pleine d’espérance, c’est d’assurer la relance économique, garantir la formation et l’apprentissage. Toutes choses qui ont besoin de l’engagement des Etats, et de la promotion de l’initiative privée. Une bonne partie de ces fonds devrait donc servir à cela. Car, dit Macky Sall, «si le continent n’assure pas sa relance, les perturbations et les problèmes vont s’accentuer. Et les destructions se poursuivre, sans parler du terrorisme qui déstructure le continent. Car, la jeunesse a besoin de formation, d’emploi, de relance».
mgueye@lequotidien.sn