Encore un sommet Afrique-Europe prévu cette fois-ci les 29 et 30 novembre à Abidjan. Le constat est que le partenariat Europe-Afrique n’a pas démontré son efficacité. La conjoncture actuelle le prouve : vague d’émigration de jeunes désespérés vers une Europe encore convalescente en termes de croissance.
Les deux continents liés par l’histoire et par la géographie ont raté la marche de l’histoire. La coopération n’a pas réussi à éviter à l’Afrique des contre-performances qui se résument en quelques chiffres : 2% du commerce international, 1,1% de la production manufacturière mon­diale et 13% des échanges commerciaux intra-africains. C’est paradoxal pour un continent qui recèle 10% des réserves mondiales de pétrole, 40% des réserves mondiales d’or, 80% du chrome, 90% du groupe des métaux du platine et 30% des ressources minérales du monde. L’une des occasions manquées semble liée à l’incapacité du vieux continent à développer une prospective intelligente consistant à prendre l’Afrique comme un partenaire stratégique res­pectable avec qui développer des complémentarités. L’Europe a commis une erreur historique en refusant toute idée de plan Marshall après les indépendances, à l’inverse des Américains qui ont été plus inspirés.
Il est fortement espéré que le prochain sommet enclenchera une rupture salvatrice dans l’état d’esprit et les méthodes du partenariat. Plus que les déclarations diplomatiques préétablis, il s’agira de s’attaquer aux vrais problèmes de la coopération. Premièrement, l’aide n’a pas été une solution au développement de l’Afrique, malgré les 21  milliards d’euros d’aide comptabilisés ; une aide ciblée suivant les priorités européennes, inefficace, peu porteuse de développement et dont une bonne partie est dévoyée et recyclée à l’extérieur (plus de 50 milliards de dollars annuellement selon l’Union africaine). Même les stratégies de financement (32 milliards d’investissement européens), malgré leur caractère parfois concessionnel, présentent de nombreux inconvénients liés à la non-réalisation des objectifs de financement ; ces difficultés que le continent européen motive par d’insuffisantes capacités d’absorption des économies locales, s’explique en général par la faiblesse des taux de décaissement, eux-mêmes liés à l’incorporation de rigoureuses conditions préalables au premier décaissement dans les contrats de prêt. Deuxièmement, les stratégies de coopération ont laissé en rade des domaines importants comme de solides alliances industrielles de complémentarité assorties de transferts massifs de technologie. Résultat : de faibles capacités de transformation des matières premières locales, peu de valeur ajoutée dans l’exportation des produits tropicaux, chômage endémique, émigration. Pourtant, une synergie réfléchie gagnant-gagnant est bien possible, l’Afrique recelant des matières premières abondantes, un dividende démographique et une main-d’œuvre bon marché et de véritables relais de croissance. L’Europe de son côté, prenant avantage sur la technologie, ses capacités d’organisation et les financements. Un tel partenariat aurait été une excellente idée pour les chômeurs africains et les consommateurs occidentaux, à condition toutefois que la problématique des normes européennes à l’importation, véritables barrières au commerce, soient abolies.
Troisièmement, les difficultés notées dans la finalisation d’Ac­cords de partenariat économiques (Ape) déséquilibrés, malgré les pressions européennes, reflètent l’avènement d’un nouvel état d’esprit du côté africain. L’Europe doit se rendre compte de cette nouvelle donne irréversible. Son partenaire du 21ème siècle représente une Afrique décomplexée -il suffit d’observer la résurgence d’une Société civile aux aguets, les récentes prises de position engagées des intellectuels africains sur le franc Cfa, sur la situation esclavagiste en Libye et sur les récentes déclarations du Président Macron pour s’en convaincre-. L’Europe doit se rendre compte qu’elle a un partenaire africain de plus en plus «courtisé», instruit et conscient de ses responsabilités, qui demande plus de justice, d’équité et de respect dans la mise en œuvre de la relation. Quatriè­mement enfin, il faudrait ramener la confiance en trouvant des solutions viables aux contentieux en cours : non-restitution des avoirs libyens gelés par l’Europe, des biens culturels béninois confisqués par la France et des fortunes mal acquises par des dirigeants africains condamnés en Europe.

Magaye GAYE – Economiste consultant – Président du Parti Sénégalais «la troisième voie»