Par Mohamed GUEYE Envoyé Spécial – Le modèle des anciens sommets France-Afrique a fini par être adopté et copié par tous les dirigeants du monde. Mais Macron a jugé qu’il a fait son temps et perdu en efficacité. D’où l’idée de parler directement avec des jeunes africains, qui font bouger les choses dans leurs pays, dans différents domaines. Et voir avec tout ce monde, comment établir une relation basée sur le respect et la considération mutuels.
Le discours anti-français que l’on entend dans certains cercles africains, est aussi une marque d’intérêt. Un haut-fonctionnaire de l’Elysée a donné sa perception sur le sentiment qui semble monter au sein de la jeunesse africaine, de la détestation de la France. «Nous critiquons beaucoup nos amis Américains, ou Allemands. Mais c’est parce que nous nous intéressons à eux, et voulons bien continuer à travailler avec eux. On ne critique souvent que ce que l’on aime.» Les hauts cadres du pouvoir français veulent se convaincre qu’ils ont bien compris ce qui anime les populations africaines, notamment les franges les plus jeunes.
Ces gens répondent que ce Sommet Afrique-France de Montpellier, qui s’ouvre demain, est une manière d’y répondre. L’Elysée indique que le temps des grands rassemblements, entre des dizaines de dirigeants africains d’un côté, et un leader français, de l’autre, est dépassé. Si d’autres veulent poursuivre sur ce modèle, la France, à travers Emmanuel Macron, a préféré explorer d’autres modèles.
Les Français indiquent la volonté de se retrouver dans une ville française, entre les dirigeants français et la Société civile, la jeunesse, les entrepreneurs et autres artistes africains et de la Diaspora, basée notamment en France, pour échanger, discuter et bâtir l’avenir en commun. Il s’agit, dans cette perspective, de «valoriser le lien unique, humain, qui existe entre la France et le continent africain, qui est, comme le dit le Président Macron, «la part africaine de notre identité française». Les collaborateurs du Président Macron, qui ont échangé hier à l’Elysée, avec un groupe de journalistes venus d’une vingtaine de pays d’Afrique, du Nord et du Sud du Sahara, placent cette innovation dans la continuité du Sommet de Ouagadougou en 2017, notamment avec le dialogue engagé avec les étudiants de l’Université Joseph Ki Zerbo de Ouagadougou.
«Le Président Macron était allé parler avec la jeunesse africaine à travers le dialogue avec les étudiants du Burkina Faso. Cette fois-ci, il s’agit d’écouter cette jeunesse et cette Société civile africaine. Car en réalité, ce sont eux qui fondent la base de l’Afrique en devenir», déclarent tous ces collaborateurs de la «cellule africaine», qui parlaient sous le couvert de l’anonymat. Et, dans leur logique, qui est celle de leur patron, le Président Macron, les centres d’intérêt de ce dialogue franco-africain, vont tourner à Montpellier, autour des thématiques ayant trait à l’entreprenariat et l’innovation, aux questions culturelles, dont la plus en vue est celle de la restitution des trésors artistiques africains, aux questions d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi qu’à des questions de soutien au sport et aux sportifs.
L’idée de ce sommet atypique a été nourrie par la réflexion engagée depuis Ouagadougou, et donc, les Français ne semblent pas craindre que des dirigeants africains se sentent mis à l’écart et boudent les décisions qui sortiraient des échanges de Montpellier, d’autant plus qu’elles seraient nourries des réflexions portées par des franges parmi les plus dynamiques de leurs populations. Les Français ne se privent pas de rappeler à toute occasion que le document liminaire du Sommet de Montpellier a été préparé par un comité de treize personnalités africaines et françaises, présidé par l’historien Achille Mbembé, d’origine camerounaise, et peu connu pour nourrir une sympathie particulière pour la France. Ce comité a mené des sondages et animé des réflexions avec des groupes de jeunes et d’entrepreneurs de différents domaines, dans 13 pays africains. Ces réflexions ont nourri le document publié en prélude à ce sommet, et intitulé : «Les nouvelles relations Afrique-France – Relever ensemble les défis de demain.»
Car les liens entre la France et les pays africains sont complexes, et même ceux qui veulent couper le cordon ombilical en conviennent volontiers. Beaucoup de reproches peuvent être portés à l’endroit des dirigeants français, et Emmanuel Macron est l’un des premiers à reconnaître que le partenariat a atteint ses limites, et qu’il y a lieu de changer les choses. «Mais ceux qui nous critiquaient sur les sommets classiques entre les dirigeants de la France et des pays africains, ne semblent rien trouver à dire quand les tête-à-tête se tiennent à Ankara, à Sotchi, à New Delhi ou même à Washington», s’interroge ironiquement le haut-fonctionnaire de l’Elysée. Une façon de constater que si la France suscite autant de bruit, c’est qu’aussi, les Africains semblent compter plus sur elle.
Et Macron compte, demain à Montpellier, ne pas décevoir les attentes. Cette fois-ci, de la jeunesse africaine dans sa diversité, puisqu’elle comprend aussi les jeunes français issus de parents d’origine africaine.
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