Place au dégel, Ousmane Sonko aura toutes les raisons de s’imposer, à côté du chef de l’Etat, dans le décor et dans la conduite des affaires publiques. S’il faut admettre qu’une cohabitation permet à la majorité parlementaire de former le gouvernement et d’être aux commandes, il faudra raisonnablement admettre que le président de Pastef joue pleinement son rôle dans l’attelage gouvernemental, pour autant qu’il demeure Premier ministre. Sa large victoire, dernière volonté du Peuple dont le mérite et le crédit lui reviennent entièrement, lui confère une légitimité et un pouvoir réel. Ainsi, toute compétition avec le président de la République devient saine et politiquement justifiée. Le défi est de faire en sorte que la cogestion ne sème pas de confusion.
«La souveraineté nationale appartient au Peuple qui l’exerce par ses représentants.» A présent, Pastef devra d’abord gérer ses propres contradictions. C’est en son sein que les efforts de restructuration et de mise au point exigeront des pastéfiens en chef de la tenue et beaucoup de retenue. L’imminent remaniement ministériel ouvrira, à coup sûr, la boîte de Pandore. L’entrée éventuelle au gouvernement des alliés de la dernière heure et la sortie possible des ministres technocrates seront autant de paramètres qui en diront beaucoup plus sur la volonté de préserver la neutralité du ministre en charge de la Sécurité publique, sur l’intention de promouvoir l’indépendance de la Justice.
Jusqu’aux effets de la politique économique d’austérité, les électeurs ont manifesté leur assentiment. Les Sénégalais ont réaffirmé leur accord quant à la poursuite des ex-tenants du pouvoir. De la même manière, ils ont validé tous les agencements et orientations de politiques publiques. Dès lors, l’opposition doit se le tenir pour dit : sa mission ne consiste plus à controverser les choix gouvernementaux ; elle devra surtout travailler à expliquer en quoi elle fera mieux que la majorité présidentielle. La nuance est de taille. «La démocratie est la pire des dictatures, parce qu’elle est la dictature exercée par le plus grand nombre sur la minorité.»
Assemblée de rupture ? Il ne faudra surtout pas s’attendre à un miracle. En vérité, l’institution n’est pas en cause, c’est l’émanation élective sous la bannière politique, voire politicienne, qui veut que la discipline de parti et la compétition électoraliste déterminent d’emblée les attitudes forcément partisanes. La puissance d’une majorité solidaire sur une minorité nécessairement en résistance reste de mise. Les charges de représentation, de contrôle et d’information ne s’incarnent qu’à l’aune des sensibilités politiciennes. En réalité, ces postures persistantes, suscitées par le jeu politique, sont inhérentes à l’exercice de la démocratie libérale.
Birame NDIAYE Waltako