«Pli du noir sur noir, réplique sans fin du noir… comme opération de la remarque, opération d’une restitution sans reproduction : simple auto-restitution – la simplicité … est dans ce pli, cette ‘’réplique’’… ‘’Noir sur noir’’ ne reproduit rien, elle remarque son matériau… et ses outils…»
Eliane Escoubas, L’espace pictural, Paris, Encre Marine, 2011, p. 159.
A force de répéter une chose, elle finit par s’imposer comme une vérité évidente. Le perroquet tend ainsi à l’illustrer par son essence de «répéteur» parmi les espèces qui savent répéter des mots sans forcément discerner ce qu’elles répètent. Mais sans cette «éternelle» répétition, la vie d’un perroquet serait tout simplement oiseuse, lui, l’oiseau qui a le don de toujours répéter sans appréhender ce qui fait le sens de sa vie, en cage parmi les humanoïdes, car il a un talent avéré dans la répétition.
Un coup de sifflet, il exécute, sans l’objet, de manière prompte et articulée. Il lui arrive de ne point fausser la note, la rendant ainsi plus belle, c’est-à-dire plus naturelle. C’est par ce biais, cette naturalité, que l’homme lui fait répéter des mots et des sons, tout en ne se rendant pas compte que lui-même agit comme l’oiseau – qui consacre son caractère de perroquet. Il pérore et donc ne parle point. Pérorer, c’est répéter sans discerner ce qu’on répète parce que la chose répétée est devenue un simple écho en boucle.
Celui qu’on traite de bavard comme un perroquet a volé à l’oiseau son caractère et non seulement son plus beau plumage, sa belle et fascinante allure d’amateur de délicieuses épices, et en particulier le «kaañi épistémologique». Comme si le piment intelligible avait des capacités de réveiller en lui ses facultés d’enregistreur de sons. Ainsi donc, il les imprime dans son instinct vocal (métamorphosé en un réfléchissant), à ne point confondre avec l’intellect, ce bourdon si singulier sans lequel l’homme n’allait point «rouspéter» le perroquet, voire le sommer à le répéter dans ses moindres écarts langagiers. En tout cas, le son porte en lui une certaine chaleur, comme le piment, il peut provoquer des sueurs froides.
De toutes les façons, un perroquet a, en lui, des gènes de répéteur, et cela sans aucune gêne. Il s’agit tout simplement de lui trouver un excellent «répétiteur-répéteur» pour les séances de répétition. Donc l’oiseau ne fait pas que répéter, mais participe de la confirmation que la «répétition est pédagogique». Tout le monde y croit, sauf bien sûr le perroquet, qui pourtant participe de la validation de cette «morale». En fait, il n’en est pas conscient à cause – certainement – du piment qu’on lui sert, afin de l’exciter.
Faut-il aussi admettre comme une évidence que toute répétition plutôt n’est pas forcément productrice de connaissances intelligibles, et de l’esprit critique qui les sous-tend, en les consacrant. Notre perroquet l’illustre encore une fois de plus belle manière. Il accumule des sons qui réveillent en nous les mots que nous lui répétons, mais que lui n’appréhende ni le son en tant que sonorité mille et une fois répétée, ni les mots qui viennent les articuler afin de leur donner ce sens que nous leur assignons.
Etre bavard comme un perroquet est certainement mal approprié parce que le perroquet n’a rien à faire dans cette histoire qui sanctifie que «la répétition est pédagogique». Il n’est qu’un témoin du caractère très bavard de l’homme. Celui-là même qui fait répéter le perroquet, jusqu’à répéter au perroquet, de répéter lui-même qu’il est un vrai perroquet, mais pas vraiment un bavard.
Moralité : Toute intelligence devenue instinctive est signe d’une possible atrophie de l’intellect.
Abdarahmane NGAÏDE
Dpt histoire/Ucad