Le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) a terminé hier son quatorzième congrès ordinaire, entamé depuis le 5 août. Pendant trois jours, la question de la qualité au niveau de l’enseignement supérieur était au cœur des débats. Un défi. Par Moussa SECK –

Il y avait les syndicalistes de la première heure. Et, avec eux, les plus jeunes. Echanges fraternels et chaudes poignées de main ponctuent leur retrouvaille. S’ensuivent ici des partages plus ou moins courts sur tel livre ou telle idée. Là, ce sont juste des sourires. Les membres du Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (Saes) se sont retrouvés à l’amphithéâtre de l’Ucad 2 pour, justement, plus de qualité dans le domaine de l’enseignement supérieur au Sénégal. Un défi ou plutôt un ensemble de défis. Et le Secrétaire général sortant du Saes les a ainsi énumérés : «Ce sont des défis d’organisation, de financement, d’infrastructures, de ressources humaines de qualité. Ce sont aussi des défis qui relèvent de la part de l’Administration, notamment dans le système de ­management.» Ce sont ainsi des questions qui se dessinent, ­questions auxquelles il faut apporter des réponses. «Et cela ne pourra se faire que dans le cadre d’une concertation globale qui puisse nous permettre de faire un diagnostic exhaustif des maux dont souffre l’enseignement supérieur et qui entravent le développement du point de vue de la qualité», enchaîne Malick Fall. Ainsi le ton est-il donné en ce qui concerne ce 14ème congrès ­ordinaire de ceux-là. «Camarades» s’interpellent-ils entre eux. Des camarades qui cheminent ensemble depuis un peu plus de trois décennies, et qui ont gagné d’importants combats. Des batailles relatives, entres autres, aux salaires, aux retraites. Aujourd’hui, la réflexion, qui est le prolongement des batailles d’antan, se propose de voir «comment repositionner ­l’enseignement supérieur dans le cœur de la politique de ­développement de notre pays et de l’Afrique» et «les politiques et mécanismes de recherche que nous devons mettre en place pour permettre à notre pays et notre continent d’être au cœur du développement». Ainsi a-t-on les deux orientations majeures du congrès des anciens camarades syndicalistes.
Ces derniers ont aussi invité leurs pairs du pays des hommes intègres. Les enseignants-chercheurs du Burkina Faso (Synadec) se sont exprimés par la voix de leur Secrétaire général national, Gaël Boubié. Et qui n’a pas manqué de poser les bases du diagnostic annoncé par Malick Fall. Les universités africaines connaissent bien des difficultés et pour M. Boubié, «les causes sont à chercher à la fois dans le contexte international et dans les conditions socio-économiques de nos pays». D’expliquer alors que «le ralentissement économique de l’Afrique vers la fin des années 70, puis le programme ­d’ajustement structurel et la fuite des cerveaux qui s’en est suivie, ont durement affecté la performance des institutions d’enseignement supérieur africaines et entamé leur capacité à fournir un enseignement supérieur de qualité». Diagnostic fait, l’enseignant-chercheur et non moins syndicaliste se félicite de la rencontre initiée par ses amis du Saes. Il soulignera, les concernant : «La thématique que vous avez retenue pour votre congrès montre votre attachement à la conviction que le syndicat n’est pas qu’un simple cadre de revendication et de lutte pour les intérêts matériels et moraux des membres.» Car, poursuit-il, «ces luttes doivent influer les politiques en matière de gouvernance scientifique».
Infrastructures, idée d’un autre système économique : les pistes du Mesri
Des défis, un diagnostic, des interpellations… un répondant. La cérémonie de lancement du congrès a en effet enregistré la présence du ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Cheikh Oumar Hann est revenu sur le défi non négligeable de la démographie au sein des universités. «Depuis deux voire trois ans, dira-t-il, on a à peu près eu 72 000 bacheliers. Mais dans cinq ans, on aura 92 000, 100 000 bacheliers», et qu’il faudra recevoir. Ce qui pousse M. Hann à considérer que «le grand chantier qui nous attend» est celui de «la modernisation et de la mise à niveau des anciennes universités du Sénégal». Dans cette optique, il annonce que «l’Université de Dakar doit être modernisée, refaite à quasiment 100%, en tous cas en ce qui concerne les infrastructures». Et «ça, c’est un grand projet» ! Il en sera de même à Saint-Louis, suivant ­l’allocution de Cheikh Oumar Hann, qui soutient par ailleurs que les universités de Bambey, Ziguinchor, ainsi que «toutes les autres universités» devront être renforcées. Ces annonces ont ainsi eu la vertu de déclencher des applaudissements…

Toujours en termes ­d’infrastructures, M. Hann assure qu’«on va aller, dans deux mois, vers la réception de l’université Amadou Makhtar Mbow, avec des capacités d’accueil qui ­tourneront autour de 10 000 places», même si ce ne sera pas d’un seul coup, puisque «cette année, on va aller vers 5000». Leurs travaux ont repris il y a de cela dix jours, et les sites de Fatick et Kaffrine seront réceptionnés dans 18 mois, si on en croit le ministre. Seront aussi construits dix nouveaux Isep qui, à terme, pourront ensemble accueillir 40 mille étudiants par an. L’université du Sine-Saloum El Hadji Ibrahima Niass, quant à elle, sera réceptionnée dans un an. Dix-mille étudiants pourront y être reçus, «mais il faudra revoir comment faire de telle sorte que les infrastructures soient en adéquation avec les enseignements qui s’y ­dérouleront».

Seulement, il faudra des enseignants pour faire vivre tous ces bâtiments. Et à ce niveau, se pose un problème. «Il faudra s’assurer, au niveau de toutes les universités, que les enseignants s’acquittent pleinement de leurs charges horaires», interpelle le ministre, qui remet sur la table la question des enseignants éparpillés entre les institutions publiques et privées d’enseignement supérieur. Puisqu’il en va de la qualité de l’enseignement délivré. Le Secrétaire général sortant du Saes n’en dit pas moins. Malick Fall n’y vas pas par quatre chemins, pour critiquer ce qu’on désigne par «marchandisation de l’enseignement». «Le Saes appartient à l’Internationale de l’éducation et nous savons que l’une des plus grandes batailles que l’Ie est en train de mener, c’est de lutter contre la marchandisation de l’éducation en général, y compris de l’enseignement supérieur… La question de la marchandisation est extrêmement importante.» M. Fall ne se retiendra pas de servir un «mot très dur à sortir» : la cupidité. Choix donc à faire par les enseignants ainsi interpellés. Cheikh Oumar Hann propose la transition, «très rapidement, vers un dispositif tripartite entre les recteurs qui sont les employeurs, les enseignants qui sont les employés des recteurs et les ­établissements privés qui veulent les utiliser». Parce qu’«on ne peut plus rester dans un système où un fonctionnaire a des charges, ne les effectue pas et s’en va enseigner dans les établissements privés sans aucun contrôle. C’est inacceptable». Il retentit des applaudissements dans la salle.
Et une autre réflexion se fait au niveau du gouvernement du Sénégal, et qui concerne le modèle économique. Un point sur lequel a insisté M. Hann. «Il faudrait que nos bacheliers et leurs parents puissent participer à leur formation dans nos universités». Il sera évoqué dans ce volet, le projet de banque de l’éducation du professeur Salam Sall, «une voie importante qu’il faudra suivre». Cheikh Oumar Hann de préciser que «rien n’est retenu» concernant l’idée du modèle économique. «On met sur la table…»