L’Onu exprime ses «plus graves préoccupations» à une éventuelle sortie de l’ex Président du Tchad, condamné en 2015 à la prison à perpétuité par les Chambres africaines extraordinaires.Par Mamadou SAKINE

– Les pressions se multiplient alors que le juge d’application des peines n’a pas encore donné sa décision. Hissein Habré ne doit pas bénéficier d’une sortie temporaire de prison. C’est l’avis de l’Organi­sation des Nations unies (Onu) qui s’oppose à l’octroi d’une permission de sortie de prison pour l’ex-Président du Tchad, pour des raisons de santé. «Pendant que le juge d’application des peines examine la demande des avocats de Hissein Habré pour une autorisation de sortie de prison de six mois, quatre rapporteurs de l’Onu ont rappelé au Sénégal leurs ‘’plus graves préoccupations’’ quant à une éventuelle sortie de l’ex-dictateur du Tchad, condamné en 2015 par les Chambres africaines extraordinaires pour sa responsabilité dans des meurtres de masse, des actes de torture et des crimes sexuels commis lorsqu’il dirigeait le Tchad dans les années 1980», explique l’Onu qui sert ainsi sa position suite à la requête des avocats du condamné à la prison à perpétuité.
Aujourd’hui, l’Onu a jugé nécessaire de parler de l‘intervention des rapporteurs, publiée pour la première fois le 8 juillet 2020, sur le sujet. En effet, ils avaient exprimé leurs préoccupations quant à la libération temporaire de Habré en avril 2020 «en violation des normes internationales». Ils avaient aussi souligné qu’il était «essentiel que Habré soit maintenu en détention, étant donné la gravité des crimes pour lesquels il a été condamné». En fait, dans leur lettre au gouvernement du Sénégal, les rapporteurs sur la promotion de la vérité, de la justice, de la réparation et des garanties de non-répétition, sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, sur le droit à la santé et sur la torture avaient exprimé «leurs plus graves préoccupations quant à la libération temporaire de l’ancien Président du Tchad, M. Hissein Habré». Ils considèrent qu’il s’agirait d’une mise en liberté «dans le contexte de la pandémie de Covid-19, sans justification apparente de santé publique, en violation des normes internationales concernant la responsabilité des violations flagrantes des droits de l’Homme. Nous soulignons que le maintien en détention de M. Habré est essentiel pour lui permettre de répondre à des graves crimes qu’il a commis et pour garantir l’accès des victimes à la justice et à la réparation, tout en assurant l’intégrité physique du détenu».
En décembre 2019, pendant que les partisans du Président Habré insistaient pour qu’il soit remis en liberté, le Comité des Nations unies contre la torture avait écrit au gouvernement du Sénégal. Il dénonçait le fait qu’une «libération prématurée d’auteurs des crimes internationaux les plus graves n’est pas conforme aux obligations (du Sénégal)» telles que définies par la Convention de l’Onu contre la torture dont l’obligation de réprimer les actes de torture et d’autres mauvais traitements par des peines prenant en compte la gravité de leur nature. Dans le même sillage, le rapporteur du Comité avait mis en garde contre le recours à «une mesure déguisée d’amnistie» et déclaré que «si d’aventure l’état de santé de Hissein Habré ne permettait pas le maintien en détention de celui-ci, il fallait que ce soit avéré».
Hissein Habré a été condamné le 30 mai 2016 à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre et torture, notamment pour des faits de violences sexuelles et viol, par les Chambres africaines extraordinaires au sein des juridictions sénégalaises. La Chambre d’appel a confirmé la condamnation de Habré en avril 2017, et octroyé 82 milliards de francs Cfa à 7 396 victimes identifiées. Elle a mandaté un Fonds fiduciaire de l’Union africaine pour lever de l’argent, en recherchant les avoirs de Habré et en sollicitant des contributions volontaires. Bien que l’Union africaine (Ua) ait adopté le Statut du Fonds fiduciaire en 2017 et alloué 5 millions de dollars au Fonds, celui-ci n’est toujours pas opérationnel et agace les bénéficiaires, las de patienter.
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