Le khalife général des Tidianes reste cohérent dans sa démarche. Face à la persistance de la pandémie du Covid-19, avec une troisième vague plus virulente, plus meurtrière et plus inquiétante, Serigne Babacar Sy Mansour a demandé à tous les Sénégalais «de taire toutes les spéculations autour du vaccin anti Covid-19» et d’aller se faire vacciner pour soulager le personnel de santé «qui n’a pas connu de répit depuis plus d’un an et demi».Par Ndèye Fatou NIANG(Correspondante)

– C’est un rappel que le khalife général des Tidianes a fait aux Sénégalais sur les chaînes Asfiyahi Tv pour les exhorter à prendre conscience que «la vaccination, à l’heure actuelle, est la solution la plus probante qui ait été trouvée depuis l’apparition de cette pandémie et dont je me suis déjà acquitté en y incitant ma famille et mes proches». Serigne Babacar Sy Mansour présentait ses vœux à l’occasion du Nouvel an musulman et de l’Assomption, ce mercredi, à Tivaouane. Il a demandé à tous les Sénégalais «de taire toutes les spéculations autour du vaccin anti Covid-19» et de faciliter «la tâche aux autorités étatiques». Il insiste : «Soulageons le personnel de santé qui n’a pas connu de répit depuis plus d’un an et demi, en s’en tenant à leurs recommandations ! Rendons-leur un vibrant hommage pour leur abnégation et leur sens du sacrifice, en leur facilitant leur tâche déjà très difficile ! Nous devons nous inspirer de ce qui se passe partout dans le monde. Il n’y a pas de baguette magique pour faire disparaître cette maladie, il n’y a que de la résilience. Apprenons à l’avoir chacun par lui-même ! Ensuite, continuons à prier pour que le Seigneur nous vienne en aide ! C’est de Lui seul que nous pouvons attendre assistance pour nous en protéger. Que Dieu en préserve l’humanité !»
L’autorité religieuse de Tivaouane a rappelé les «mesures douloureuses» qu’il a prises dès l’apparition de cette pandémie dans notre pays. Lesquelles mesures sont dictées par les recommandations divines et la sunna du Prophète (Psl). Cela, combiné avec les recommandations des hommes de science, en l’occurrence les médecins. Il dit : «Rien n’était plus douloureux à mes yeux que cette décision, au regard de la place que notre voie mohammadienne accorde à la fréquentation assidue des lieux de culte pour s’acquitter de nos obligations rituelles et confrériques.» Mais, fera-t-il remarquer : «La situation sanitaire de même que ma responsabilité de chef de communauté religieuse l’exigeaient et l’exigent toujours. J’ai même par moments, lorsque la situation sanitaire s’était améliorée, un peu avant la Tabaski, consulté ce même cercle de médecins sur l’opportunité de la réouverture des mosquées. Ils m’ont recommandé la prudence face au risque de flambée lié au relâchement des populations quant au respect des gestes barrières pendant cette période de fête et à la présence sur notre sol du nouveau variant Delta. L’avenir leur a malheureusement donné raison. Notre pays est entré dans une troisième vague plus virulente, plus meurtrière et plus inquiétante quant à ses conséquences sur notre système sanitaire, malgré les efforts considérables consentis par nos autorités sanitaires pour l’endiguer.»

Invite à «persévérer dans la prière et l’invocation pour conjurer le mal»
Face à une telle situation, le khalife général des Tidianes estime devoir interpeller «la responsabilité individuelle de chacun à se prémunir en respectant les recommandations des autorités sanitaires et administratives et en se référant aux conseils des médecins, notamment par le respect des mesures barrières individuelles et collectives». Et d’ajouter : «En ces moments d’épreuves de toutes sortes liées à l’apparition de cette pandémie qui a éventré toutes nos certitudes, installant le doute, la souffrance, la remise en cause de nos conforts et de nos habitudes, l’instabilité et la fragilité, c’est également un devoir d’appeler nos concitoyens à un retour vers Dieu par la prière et non par le reproche, par la charité, le partage et la solidarité et non par le repli sur soi et l’individualisme. Je les invite, comme je m’y invite, à persévérer dans la prière et l’invocation pour conjurer le mal. Unis dans la prière, nous pouvons espérer la délivrance face à cette menace qui plane autour de l’humanité sans qu’aucune solution durable et définitive n’y soit encore trouvée. La pandémie qui frappe notre siècle a fini de nous montrer que sans le secours de Dieu, l’homme est dans le dénuement le plus total, eu égard à sa précarité constituante. Ensuite, prions, car l’invocation est l’arme des croyants.»
Outre cet appel, le khalife s’est aussi prononcé sur les «les multiples soubresauts qui affectent notre société ces derniers temps et dont le soubassement moral est à rechercher en chacun d’entre nous». «Je pars du constat que partout et dans chaque acte de notre vie, la violence physique et celle verbale ont atteint des proportions inédites, mettant en lumière notre incapacité à se respecter les uns les autres, et à préserver notre volonté commune de vivre ensemble qui est le fondement de toute société qui aspire au progrès économique et social», constate le chef religieux. Laquelle situation, poursuit Serigne Babacar Sy Mansour, «est exacerbée par notre profonde inclinaison à instaurer une compétition malsaine entre nous dans la quête des biens de ce monde et des positions, qu’elles soient religieuses, politiques ou sociales. Alors que le Coran nous invite à la saine concurrence dans le bien et la piété à la place d’une compétition malsaine dans le péché et l’inimitié». Le khalife général des Tidianes s’est aussi offusqué «des frontières artificielles érigées» ; lesquelles, à ses yeux, «pourront faire le lit de démons œuvrant pour désunir ce que Dieu a ordonné de maintenir uni».

«Reconsidérer son rapport avec son prochain, en respectant sa différence»
Il a également demandé de prendre garde «de mettre en avant notre appartenance religieuse, confrérique ou ethnique qui finira par détruire la beauté de notre multiplicité que le Coran magnifie». «J’exhorte chacun d’entre vous à reconsidérer son rapport avec son prochain, en respectant sa différence. L’insulte et le dénigrement gratuits sont érigés en moyens d’ascension et de promotion sociale. Ce phénomène est exacerbé par l’avènement des réseaux sociaux dont certains usent et abusent pour atteindre d’honnêtes citoyens confortés en cela par l’anonymat et la facilité d’accès offerts par ces derniers, mais également par la multiplication des médias dont les programmes sont librement diffusés sans aucune censure même pour ce qui heurte notre conscience ou notre moralité», soutient le marabout. Il a fustigé «l’exhibition» qui est devenue une mode, surtout chez les femmes, grâce à ces mêmes réseaux, «l’alcoolisme» qui gangrène notre société avec de plus en plus de jeunes qui s’y adonnent. Et d’inviter l’Etat à sévir pour juguler ces mauvaises pratiques. «Si j’alerte sur ces tares, c’est parce que nous savons qu’elles sont les germes de la division et de l’autodestruction de toute société. Gageons de les conjurer tous ensemble par la culture de la paix, de la tolérance, de la fraternité humaine et de l’acceptation de nos différences de croyances, de cultes et d’opinions», recommande le sage de Tivaouane.
En outre, il s’est offusqué des scènes de violences notées à l’Assemblée nationale où «des députés, porteurs de l’espoir et des aspirations des populations, s’étripent. Ce qui donne une image très négative de notre démocratie et de la façon dont les gens devraient collaborer entre eux pour que cette Nation se construire de la manière la plus adéquate possible».
Dans son speech, Serigne Babacar Sy Mansour s’est incliné devant la mémoire de trois figures emblématiques de la religion musulmane au Sénégal qui nous ont récemment quittées. Il s’agit de feus El Hadj Abdoulaye Thiaw Laye, Serigne Abdourahim Seck et Serigne Mansour Sall, avant de demander aux chefs religieux «de bannir la division, de collaborer et d’unir leurs forces pour parler dans la même langue afin d’aider le Peuple Sénégal».
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