Le général Ibn Auf, qui avait pris la tête du Conseil militaire formé après la destitution de Omar el-Béchir, a annoncé vendredi 12 avril sa démission et nommé le général Abdel Fattah Abdelrahman Burhan comme successeur.
«J’annonce par la présente ma démission à la tête du Conseil militaire de transition et la nomination de quelqu’un en qui j’ai confiance dans l’expérience et son aptitude à amener ce navire sur un rivage sûr», a déclaré Mohamed Ahmed Ibn Auf, vendredi soir, lors d’une allocution retransmise par la télévision d’Etat.
Celui qui avait été nommé jeudi à ce poste dans la foulée de la destitution du Président Omar el-Béchir a également annoncé que ce serait le général Abdel Fattah Abdelrahman qui lui succèderait.
Le général Ibn Auf a enfin indiqué qu’avant de démissionner, il avait limogé son adjoint au Conseil militaire de transition, Kamal Abdelmarouf.
Cette démission a été accueillie comme une «victoire» par les manifestants alors que des milliers de Soudanais étaient toujours rassemblés vendredi soir devant le quartier général de l’Armée à Khartoum pour demander un gouvernement de transition civil. L’Agence France-presse rapporte des scènes de liesse.
Les militaires au pouvoir avaient auparavant démenti dans la journée d’hier avoir mené un coup d’Etat et s’évertuent à rassurer la communauté internationale ainsi que les manifestants qui, eux, veulent leur départ.
«Le rôle du Conseil militaire est d’assurer la sécurité et la stabilité du pays», a déclaré dans le même temps le général Omar Zinelabidine, membre du Conseil militaire, qui s’exprimait devant des diplomates arabes et africains. «Ce n’est pas un coup d’Etat militaire, mais une prise de partie en faveur du Peuple», a-t-il ajouté.
«Nous ouvrirons un dialogue avec les partis politiques pour examiner comment gérer le Soudan. Il y aura un gouvernement civil et nous n’interviendrons pas dans sa composition», a-t-il dit, répétant des assurances formulées plus tôt par les chefs militaires.
Ceux-ci avaient par ailleurs affirmé que le Président déchu était en détention, mais qu’il ne serait pas «livré à l’étranger», alors qu’il est sous le coup de deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (Cpi).
Après des semaines de manifestations réclamant son départ, Omar el-Béchir, qui dirigeait le Soudan d’une main de fer depuis 1989, a été renversé jeudi par l’Armée qui a mis en place un «Conseil de transition militaire» pour deux ans.
Par ailleurs, devant le Conseil de sécurité de l’Onu, l’ambassadeur du Soudan à l’Onu, Yasir Abdelsalam, a essayé de dissiper les craintes de la communauté internationale.
Le Conseil militaire «se contentera d’être le garant d’un gouvernement civil», a-t-il dit. Il a, en outre, ajouté que la période de transition «pourra être réduite en fonction des développements sur le terrain et l’accord des parties prenantes».
«Nous n’arrêterons pas notre révolution»
A l’occasion d’un grand rassemblement pour la prière du vendredi, des milliers de femmes et hommes vêtus de blanc avaient afflué sous un soleil brûlant devant le Qg de l’Armée à Khartoum, selon des témoins. L’imam de la prière était enveloppé du drapeau soudanais.
«C’est la première fois que je viens ici. J’ai répondu à l’appel pour venir faire la prière ici», explique Hussein Mohamed, un homme âgé venu d’Omdourman, ville voisine de Khartoum. «Je suis impressionné par ce que font ici ces jeunes femmes et hommes», a-t-il ajouté.
«C’est notre place. Nous l’avons prise et nous n’allons pas l’abandonner jusqu’à ce que la victoire soit acquise. On a violé le couvre-feu. Nous allons continuer à le faire jusqu’à ce que nous obtenions un gouvernement de transition», a affirmé Abou Obeïda, un manifestant devant le Qg de l’Armée.
L’annonce de jeudi signifie que «nous sommes arrivés à rien», lâche pour sa part Adel. «Nous n’arrêterons pas notre révolution. Nous appelons le régime à partir», ajoute-t-il.
Le général Zinelabidine a affirmé vendredi que le Conseil militaire était prêt à «s’asseoir avec les protestataires, à les écouter (…) et à travailler main dans la main avec eux (…) pour trouver des solutions» aux problèmes des Soudanais.
Il a également réclamé à la communauté internationale des fonds pour régler la crise économique. «Nous vivons une pénurie de produits de base comme la farine ou le carburant», a-t-il dit.
La décision du gouvernement le 19 décembre de tripler le prix du pain dans ce pays en plein marasme économique avait déclenché les manifestations.
rfi.fr et lepoint.fr