34 ans, 380 matchs de Ligue 1, 59 buts et une étiquette de super-remplaçant qui lui colle peut-être trop à la peau. De Dakar à Montpellier en passant par Monaco, Souleymane Camara, ou «Petit Jules» pour les amis, a passé le questionnaire du «jour où» de Francefootball.fr. Avec forcément des souvenirs du match de Coupe du monde entre le Sénégal et la France. Morceaux choisis.

Le jour où il démarre le foot
«Ouhla, ça remonte. Au Sénégal, le foot a toujours été une passion depuis mon plus jeune âge, vers sept ou huit ans. Je jouais avec mes amis dans les rues de Dakar. J’ai ensuite intégré une école de football, à Médina. A l’époque, j’étais encore loin d’imaginer une carrière. Au départ, mes parents, à commencer par mon père, souhaitaient que j’aille à l’école, pour apprendre. Mon père était un commerçant, il avait des restaurants, et ma mère faisait la cuisine dans ces établissements. Pour eux, c’était l’école avant tout. Mais avec des amis, dès que je sortais des cours, j’allais de suite taper la balle dans notre quartier ou dans une école, qu’on surnommait le Maracana. Parfois, il m’arrivait de dire à mes frères : «Ecoutez, aujourd’hui, je ne vais pas à l’école. Si on vous demande, vous dites que j’étais présent.».»

Le jour où son père se rend compte qu’il ne va pas à l’école
«J’étais plus âgé à ce moment-là. J’avais peut-être 12, 13 ans. J’étais scolarisé dans une école privée, qui coûtait 1 500 francs Cfa par mois. Je n’y suis pas allé pendant six mois consécutifs. Pourtant à l’école, mon professeur sentait que j’avais des capacités pour aller loin dans les études. Mais le foot a pris le dessus, heureusement pour moi (il sourit). Enfin, je ne sais pas s’il faut dire heureusement ou malheureusement ! J’avais l’objectif de réussir et d’aider ma famille. Dans ma tête, c’était ça. Un jour, mon père a été mis au courant de cette situation par l’un de mes professeurs. Il m’a alors appelé pour me demander : «Appare­mment, tu ne vas pas à l’école depuis six mois. Et l’argent, où est-il ?» Je lui ai alors répondu que je l’ai gardé, tout en ayant dépensé deux mois sur six. J’ai rendu l’argent, et il m’a questionné sur mes intentions, savoir ce que je voulais faire désormais. Quand je lui ai parlé de foot, il m’a fait comprendre qu’il fallait un minimum de savoir.»

Le jour où il quitte le Sénégal pour la France
«La première fois, c’était pour faire un essai à Monaco. J’avais 16 ans. L’Asm avait un partenariat avec un centre de formation à Dakar. Chaque année, des gens de Monaco venaient voir des joueurs en fin de saison, en juin. A l’époque, Jean Tigana est venu nous superviser. Un an après, avec mon capitaine, on est partis pour Monaco. On a fait des essais pendant un mois. On est rentrés au pays, en attendant la réponse. J’ai ensuite été gardé.»

Le jour où
il marque son premier but en Ligue 1 (22 décembre 2001)
«Je crois que c’était contre Rennes, avec Monaco, le jour de mon anniversaire (il a tout bon). J’avais marqué, fait une passe décisive et provoqué un penalty (avec une victoire 3-1 de l’Asm). C’était mon tout premier match en tant que titulaire. Monaco, quand je suis arrivé là-bas, il y avait des joueurs comme Grégory Vignal, Sébastien Carole, Plasil : on avait une génération. On a fait un bout de chemin ensemble. Je me souviens, quand on finissait l’entraînement avec les U17 ou la Cfa, on passait devant le terrain des pros, et on regardait les séances des attaquants devant le but avec Henry, Ikpeba, Trezeguet. Ça donnait envie.»

Le jour où sur le banc il voit les Lions gagner la France
au Mondial 2002
«Ça reste un grand souvenir. Battre l’Equipe de France de l’époque, qui venait de remporter la Coupe du monde et l’Euro, c’était quelque chose d’énorme. Au Sénégal, on sentait que c’était quelque chose de formidable. A une époque, on ne pouvait même pas sortir de chez nous. On était obligés d’attendre 19 heures ou 20 heures pour pouvoir aller faire nos courses. A chaque fois qu’on passait quelque part, il y avait foule. Sinon, pendant la Coupe du monde, quelques jours après la France, on joue le Danemark. On perd 1-0 à la mi-temps. Bruno Metsu me demande de m’échauffer pour rentrer. J’avais la pression, j’étais le plus jeune du groupe. Mais je sors peu avant la fin (à sept minutes du terme) parce qu’on prend un carton rouge. Salif Diao avait marqué et avait été expulsé. Une Coupe du monde, c’était un rêve.»

Le jour où il a failli partir à l’étranger
«Dès Monaco, je me rappelle avoir été sollicité par Bruno Metsu. Juste après la Coupe du monde de 2002. Il va aux Emirats Arabes Unis et demande à ses dirigeants de me prendre. L’émir était en vacances vers Cannes je crois. Il est venu à Monaco et m’a fait appeler dans son yacht. Il m’a fait une proposition pour venir là-bas. Mais c’était hors de question pour moi. Je voulais rester en France pour progresser. Sinon, j’aurais pu partir à Blackburn, en Angleterre, juste avant l’année du titre avec Montpellier (2012). Mais chaque année, il y a des clubs qui vous appellent, mais toujours sans suite. Un regret ? Pas forcément. Je suis bien en France. Je ne suis pas quelqu’un qui part pour partir.»

Le jour où il prendra sa retraite
«Je suis en pleine réflexion depuis l’année dernière. J’espère encore jouer deux ou trois ans de plus. Mais je n’ai pas encore défini ce que j’allais faire. Dans le foot ? Oui, pourquoi pas, c’est ça que je connais et que je préfère.»
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