Tous ceux qui reviennent de Côte d’Ivoire relatent des histoires de la manière dont les Ivoiriens se préparent à accueillir la Coupe d’Afrique des nations (Can) dès le mois de janvier prochain. Abidjan s’est embellie, les stades ont été rénovés et d’autres ont été construits. Plus encore, de nouveaux réceptifs ont vu le jour pour pouvoir accueillir les milliers des visiteurs que la Côte d’Ivoire s’apprête à recevoir en grande pompe. Cette tradition de l’Akwaba ivoirienne (version locale de notre Teranga sénégalaise) ne se limite pas qu’à Abidjan, puisque d’autres villes du pays, comme la capitale Yamoussoukro, Bouaké, Korhogo et d’autres encore ont commencé à bénéficier de l’organisation de football. Toutes reçoivent un coup de jeune.

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Une transformation aussi rapide dans une ville ou un pays ne peut être que le fait du sport. C’est l’une des activités qui permettent d’engager en un temps record, des travaux d’infrastructures de grande envergure, et qui sont en majorité, destinés à durer bien longtemps après que les évènements qui ont justifié leur conception soient passés. Et quand ils sont bien gérés, leur impact a une très grande durabilité.

Toutes les structures mises en place aujourd’hui en Côte d’Ivoire, ne vont pas disparaître à la fin des compétitions, et les Ivoiriens, jeunes et vieux, continueront d’en bénéficier pour longtemps encore. Si tant est qu’elles sont bien gérées. Nous osons croire que c’est ce que les dirigeants du sport sénégalais ont compris, quand elles ont postulé pour l’organisation future de la Can. Ces manifestations ne profitent pas qu’aux sportifs d’ailleurs.

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Imaginons que les Lions de la Teranga brillent encore en terre ivoirienne, comme ils l’ont fait au Cameroun. Parmi les premiers à s’en frotter les mains, il y aura l’équipementier de l’Equipe nationale, ainsi que les nombreux distributeurs de vêtements et de produits dérivés. On voit à chaque Can comment les associations sportives et culturelles de nos quartiers s’organisent pour embellir leurs coins et les habiller de fanions et drapeaux aux couleurs nationales. S’est-on jamais donné la peine de calculer combien les gens dépensent pour acquérir ces kilomètres de tissus ? Et qu’en tirent les tailleurs qui les confectionnent ? A l’échelle du pays, on se rend compte que cela représente de gros montants.

Mais ces retombées économiques pourraient même avoir des effets en dehors des grandes compétitions continentales. Si la Fédération de football et les autorités nationales trouvaient le moyen de mieux réhabiliter les stades de l’intérieur du pays, ou même d’en construire d’autres, à l’image de ce qui a été fait avec Abdoulaye Wade de Diamniadio, on pourrait voir nos villes devenir autre chose que d’énormes dortoirs. Si une ville comme Thiès avait un autre stade plus important que Lat Dior, imagine-t-on les compétitions qui pourraient s’y tenir ? D’abord, Sadio Mané et ses coéquipiers de l’Equipe nationale ne se plaindraient pas de devoir jouer sur un champ de patates. Et un stade attractif inciterait les hôteliers à se mettre à niveau pour accueillir les nombreux spectateurs venant parfois de loin pour assister aux compétitions.

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A côté de cela, il y aura bien sûr, des restaurants qui profiteront de l’aubaine pour afficher des menus alléchants. Sans compter les transporteurs, taxis et autres bus qui seront sollicités par de nouveaux chalands, parfois peu regardants sur les prix. C’est donc une évidence que le développement des infrastructures de sport, quand il est adossé à une véritable politique sportive, ne profite pas qu’au seul sport. En Afrique, des pays comme l’Afrique du Sud ou le Maroc l’ont bien compris, et se disputent toujours pour organiser les grandes compétitions internationales. Ils ont les infrastructures qu’il faut, mais savent que c’est aussi l’occasion pour en construire de nouvelles, et mettre à niveau les anciennes.

Le Maroc, pays de sport et de culture, ajoute une nouvelle corde à l’arc de son tourisme. Le développement de ses infrastructures lui permet parfois d’abriter des matchs déplacés, opposant deux pays d’Afrique noire. Et cela, au bénéfice de ses hôteliers, de ses transporteurs, ou de ses artisans, pour ne citer que ceux-là. Et tout ce monde sera à l’œuvre lors des prochaines compétitions internationales que le royaume va abriter. La compagnie aérienne Ram est bien contente d’accueillir à son bord tous ces joueurs et les spectateurs, pour les conduire à leur destination. Une manière pour le pays d’engranger d’autres profits. C’est dire que quand le sport national n’en profite pas directement, le pays n’est pas perdant dans la création d’infrastructures. En Afrique du Sud, un grand nombre des stades construits pour le Mondial de 2010 continue de servir. Celui de Durban par exemple, abrite un hôtel de luxe toujours bien fréquenté.

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Le Sénégal se prépare à accueillir les Jeux Olympiques de la jeunesse en 2026. Le pays voit déjà beaucoup d’infrastructures sportives en train d’être réhabilitées pour abriter les compétitions à venir. Souhaitons que cette grande manifestation sportive mondiale nous rende encore plus ambitieux, et nous pousse à nous préparer à accueillir les véritables Jeux Olympiques des grands, en attendant, pourquoi pas, le Mondial de football. Et cela, pas dans 30 ans ou dans 50 ans, mais du vivant de la plupart d’entre nous. C’est juste une question d’ambition !
Par Mohamed GUEYE – mgueye@lequotidien.sn