Stratégie – Forum de haut niveau sur la vaccination : Les pays africains plaident pour des financements endogènes

L’atteinte de la souveraineté vaccinale a été engagée depuis longtemps, mais elle a connu un coup d’accélérateur avec le Covid-19 qui a montré la vulnérabilité de l’Afrique. Pour y remédier, les pays africains comptent sur des financements endogènes afin de construire des laboratoires pharmaceutiques de référence. Par Justin GOMIS –
La vaccination se pose en Afrique comme un problème de santé publique. Le continent noir regorge aujourd’hui d’enfants sous-vaccinés et d’autres qui ne sont même pas vaccinés. Une situation qui se pose aux autorités et aux acteurs de la santé comme un défi à relever. C’est pour cette raison qu’un forum de haut niveau sur la vaccination en Afrique de l’Ouest se tient présentement à Dakar. Cette rencontre a pour but d’obtenir un engagement politique et financier en faveur d’un financement endogène de la vaccination. Car, d’après le ministre de la Santé, qui a présidé hier la cérémonie d’ouverture de ce forum de trois jours, «l’Afrique représente 20% de la population mondiale, mais son industrie du vaccin ne fournit que 1, 25% de l’offre mondiale». «C’est dire l’immensité de la tâche qu’il reste à accomplir pour la souveraineté en matière de vaccins en l’Afrique», a-t-il remarqué. Avant de montrer cette dépendance vis-à-vis de l’extérieur. «Le continent continue d’importer pus de 90% de ses médicaments et 99% de ses vaccins. Ce qui le rend extrêmement dépendant de l’aide internationale», ajoute-t-il.
Selon toujours Dr Ibrahima Sy, «dans la situation actuelle, l’Afrique reste encore vulnérable face à la convergence des maladies infectieuses et continue d’être en grande partie dépendante de l’Europe». Aujourd’hui, le hic est que ce soutien extérieur est largement fragilisé par plusieurs facteurs. Et le ministre en veut pour preuve «le soutien des partenaires comme les Etats-Unis qui est en train de diminuer, les groupes budgétaires de l’Isf dans les programmes de santé humaine qui ont un impact négatif considérable sur le continent». D’après lui, «les élections aux Etats-Unis ont eu un impact négatif sur la disponibilité des fonds pour la mise en œuvre des programmes». Et «cette situation devrait inciter les pays africains à mieux orienter leurs ressources nationales vers des systèmes de santé plus résilients et durables». «Notre continent, l’Afrique, fait face à des menaces sanitaires liées à l’émergence de maladies zoonotiques avec de nouveaux pathogènes, les virus, parasites, bactéries, qui sont de véritables armes de destruction massive, invisibles et très redoutables pour l’humanité», a dit Ibrahima Sy. Selon lui, face à de telles menaces, «la vaccination doit continuer afin de sauver nos compatriotes et aussi nos économies». Pour le ministre, «nous devons continuer à investir sur la vaccination non seulement pour réduire le poids des maladies et des décès, mais aussi pour améliorer les hôpitaux».
En raison de cette dépendance, l’Afrique voit les prix des doses de vaccination augmenter, et pour juguler ce problème, les pays de l’Afrique de l’Ouest se sont réunis à Dakar pour voir comment financer la vaccination en Afrique avec des ressources endogènes. Pour ce faire, le ministre de la Santé pense qu’il faut corriger «le manque de soutien à la recherche et au développement de l’Afrique. Les problèmes d’immunité, associés à la vaccination et au coût de l’inaction, sont des difficultés auxquelles les gouvernements sont confrontés pour assurer une communauté vaccinale adéquate et un renforcement efficace des systèmes de santé en Afrique». Il appelle à une synergie d’actions des ministres de la Santé et des Finances pour sécuriser les financements.
Dans le même sillage, le ministre de la Santé a conseillé de renforcer l’industrie pharmaceutique locale. Il reste persuadé que les scientifiques africains sont en mesure de jouer un rôle-clé dans la prévention des maladies en produisant des vaccins. On l’a vu pendant le Covid, car leurs efforts ont largement contribué à la réduction de la mortalité. Il pense qu’ils n’ont besoin que de soutien pour y arriver. D’ailleurs, souligne M. Sy, l’Afrique ne participe qu’à hauteur de 2% à la recherche mondiale. Ce qui est très insuffisant. Et c’est ce qui «renforce la vulnérabilité du continent face aux aléas et aux changements climatiques». «Vu les récents développements, ce n’est plus un secret que compter sur l’aide internationale deviendra aujourd’hui de plus en plus difficile», a fait savoir le directeur de Path. Pour lui, «se tourner vers des financements domestiques serait tout à fait justifié pour assurer la continuité de la vaccination».
En attendant la fin de cette rencontre qui réunit 15 pays de la sous-région, des recommandations seront faites dans le sens d’utiliser des ressources endogènes pour la vaccination qui permet non seulement de protéger les enfants, mais aussi de sauver des vies et de favoriser le développement économique de nos pays.
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